Avis de Benjamin : "La dimension trinitaire d’un laïc incontestable"
Pierre Mauroy est reconnu comme un agitateur sociétal dans trois directions : la politique, l’associatif et le syndicalisme. Pierre Mauroy fut un militant fidèle tant au parti socialiste SFIO, qu’à la fédération Léo Lagrange et qu’à la Fédération de l’éducation nationale (FEN). Contrairement à Michel Rocard qui quitte la SFIO lorsque cette dernière se rallie au général de Gaulle en 1958. D’ailleurs il est candidat SFIO en novembre 1958 dans la 53e circonscription de la Seine (celle courant de Montrouge à Antony) contre un candidat du Parti socialiste autonome (PSA). Le volet de son action politique n’est pas ici le sujet (quoique des allusions y soient ponctuellement faites) et ce sont les deux autres aspects qui sont là développés.
Pierre Mauroy fut secrétaire du SNET-AA (de la Fédération de l’Éducation nationale) de février 1955 à 1958 car il était alors professeur de français-histoire-géographie dans l’enseignement technique, enseignant vraisemblablement à l’École normale supérieure de l’enseignement technique (ENSET) de Cachan. Contrairement à la majorité des adhérents du SNET-AA, il ne rejoint pas la Fédération syndicale unitaire en 1993 mais reste fidèle à la FEN, au sein du nouveau syndicat des enseignants qui se transformera en 2 000 en SE-UNSA. Auparavant en 1975, Pierre Mauroy avait adressé un avertissement aux militants socialistes favorables à Unité et Action (tel Louis Mexandeau), Action syndicale (Stélio Farandjis) ou à Unité et Rénovation (comme Jean - Pierre Exbrayat) : « tout renversement de tendance [au sein de la FEN] entrainerait un affaiblissement du PS au profit de nos partenaires de l’union de la gauche ». Il invitait donc à soutenir la tendance UID qui dominait au SNI-PEGC et cela faisait alors encore l’unanimité au SNET-AA.
Le premier syndicaliste à prendre la parole, lors de ce colloque tenu au Sénat en 2018, est Jean-Claude Mailly, ancien secrétaire de Force ouvrière ayant accueilli le SNET-AA dans sa confédération en 2010. Ce dernier rappelle que toujours Pierre Mauroy a toujours regretté l’éparpillement syndical et que celui-ci fut secrétaire de son syndicat à une époque où la Guerre d’Algérie ne manquait pas de peser sur le vécu des nombreux enseignants des centres d’apprentissage (qui deviendront collège d’enseignement technique en 1960 puis bien ultérieurement lycée professionnel).
Le second militant syndicaliste est Denis Adam de l’UNSA Education et celui-ci mentionne qu’à sa naissance le GISAL (futur SNET-AA) se trouve flanqué d’un fort syndicat CGT et d’un concurrent FO dans son secteur de recrutement. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1969 qu’il deviendra le syndicat le plus représentatif. Durant la période où il est secrétaire de son syndicat, on est face à des projets d’un remodelage de l’enseignement scolaire. Pierre Mauroy appuie le SNI (au grand dam du SNES) dans son idée de prolongement du primaire par quelques années après la classe de fin d’études dans un collège coupé et avance que si certains objectifs culturels sont à retenir pour les futurs collèges techniques il faut que ceux-ci soient adaptés à des jeunes dont l’intérêt principal est de rentrer rapidement dans le monde du travail. Pascal Vivier, secrétaire général du SNETAA (syndicat aujourd'hui mrmbre de Forece ouvruère), prend également la parole. Pour lui, l’action syndicale de de Pierre Mauroy était portée par trois idées : la volonté d’émancipation des jeunes dans le but de faire des adultes éclairés, la laïcité et le rassemblement syndical.
L’intervenant suivant est Jacques Guenee, et il parle de l’action de Pierre Mauroy au sein des clubs Léo Lagrange entre 1958 et 1963. C’est l’occasion d’évoquer l’esprit de coopération qui s’installa entre ce dernier et Maurice Herzog alors Haut commissaire à la Jeunesse et aux Sports et ancien éclaireur de France. De cette expérience naîtra en 1981 le ministère du Temps libre, confiée à André Henry, secrétaire de la FEN de 1974 à 1981. Edith Arnoult-Brill, secrétaire générale de la Fédération unie des auberges de jeunesse (FUAJ), prend ensuite la parole. Elle évoque en particulier la création du Conseil national de la vie associative (CNVA) par le décret du 25 février 1983, alors que Pierre Mauroy est Premier Ministre. « En créant le CNVA, Pierre Mauroy a installé les fondamentaux de la reconnaissance du fait associatif dans notre pays. Ils ont perduré longtemps puisque c’est au cours de la dernière mandature que j’ai présidée que nous avons travaillé à la transformation du CNVA en Haut conseil de la vie associative adoptée lors de la séance plénière du 30 juin 2009. »
Yves Blein, député socialiste puis macroniste du Rhône et alors président de la Fédération Léo Lagrange, donne une communication intitulée " Pour Pierre Mauroy, le temps libre est un temps d’épanouissement". Il rappelle que le père du futur Premier Ministre avait rencontré à plusieurs reprises Léo Lagrange, alors qu’il était directeur d’école. Geneviève Domenach-Chich, ancienne secrétaire générale de la Fédération Léo Lagrange, remarque que pour « les hommes politiques, quel qu’ait été leur engagement, quelle que soit leur sincérité, quand ils deviennent hommes d’Etat, quand ils sont au pouvoir, l’associatif et le syndical sont au mieux à leurs yeux, comme l’a dit Yves Blein, des régulateurs destinés à être utilisés intelligemment par le politique. » La vision de Pierre Mauroy du rôle du monde associatif dans les avancées politiques est donc une exception.
La parole est ensuite à Henri Nallet, président de la Fondation Jean-Jaurès, ancien secrétaire général de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et plusieurs fois ministre sous les deux septennats de François Mitterrand. Il revient sur un point déjà évoqué par Jacques Guenee : « Pierre Mauroy nous a beaucoup aidés parce qu’il nous a fait découvrir que la cogestion ne voulait pas dire s’incliner devant le pouvoir gaulliste mais négocier avec lui. Et parce qu’il y avait entre lui et Maurice Herzog non pas une complicité mais une intelligence commune, nous avons progressivement participé. » Frédéric Rosmini, président de Comité d’éthique de la Fédération Léo Lagrange, donne la communication suivante. Il cite une phrase du général De Gaulle, venant appuyer une des raisons de l’appui gouvernemental à la dynamique du mouvement associatif par Maurice Herzog et André Malraux: « Le patronat est globalement réactionnaire, le mouvement associatif est globalement progressiste, c’est avec eux qu’on fait la société ».
Claude Pennetier, historien du mouvement ouvrier et directeur du Maitron, prend en charge la conclusion de ce colloque. Il intitule sont texte "Pierre Mauroy, novateur et ancré dans la continuité du mouvement socialiste". L’ensemble des autres textes relevait globalement du témoignage et il était bon qu’un intervenant donne une épaisseur plus historique. Pour lui : « Au-delà de l’homme d’Etat, c’est le militant qui retient notre attention (…) Ce qui est intéressant dans le cas de Pierre Mauroy, c’est cette convergence entre syndicalisme, associatif et politique. Cette convergence très forte est unique. (…) Pierre Mauroy a fait se réorienter la vieille SFIO, fermement mais sans tumulte, comme si son physique marchait à l’unisson de sa pensée.»
La version en ligne de cet ouvrage est consultable là https://institutpierremauroy.fr/wp-content/uploads/2020/02/PM-passion-syndic-asso.pdf et une version papier est à demander là https://institutpierremauroy.fr/nous-contacter/.
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