Avis de Patricia : "Protégez-nous de la maladie du Coronavirus. Donnez-nous la sagesse dans le souci de notre santé, À l’abri de l’anxiété et de l’indifférence. Renforcez notre confiance dans le fait que notre vie est en sécurité dans la main de Dieu."
Notre titre est tiré d’une partie de la prière composée en 2020 dans une paroisse autrichienne (page 199). Globalement ce livre et d’un grand intérêt, de plus ponctuellement un lecteur attentif trouvera là des informations culturelles. Ainsi voit-on par soi-même que l’expression "oiseau de malheur" renvoie à une croyance particulière à des époques plus ou moins lointaines :
« À Burglengenfeld, une cigogne sur un toit pousse de terribles cris; la maladie s’étant immédiatement installée, elle est surnommée "l’oiseau de la peste". En 1584, un paysan de Bautzen entend d’affreux cris avant le début de l’épidémie. L’année suivante, les habitants de Görlitz voient des oies sauvages migrer en plein été ; quelques semaines plus tard, la peste ravage la cité. L’idée est si courante que des animaux passent pour annoncer le mal, spécialement le jaseur boréal et le cochevis huppé» (page 26).
Dans les pages de cet ouvrage, on retiendra particulièrement ceci :
« En comparant les mesures prises à Milan en 1576 et les lois sur le confinement de nos États contemporains, le lecteur pourra sourire, avoir l’impression que les remèdes sont séculaires. Il ne doit jamais oublierque le rapport à l’épidémie dépend d’un faisceau complexe de causes médicales, sociales, économiques, mentales et la grille de lecture des contemporains en est tributaire et leur vocabulaire s’en ressent. Une superstition de 2020 peut être un remède en 1570, une croyance en 1680 et une erreur en 1720. Cela reste le même geste, mais sa portée et sa signification changent d’une époque à l’autre ».
L’auteur rappelle que peste, choléra et grippe sont à l’origine des grandes pandémies qui ravagèrent les pays, avant l’apparition du coronavirus (pages 15-16). Philippe Martin rapporte les légendes, prises alors pour des vérités, qui expliquent l’apparition d’une épidémie par la malveillance d’une personne, caractérisable par le fait qu’il est un ennemi a priori. Ce peut être un ressortissant d’un état avec qui on est occasionnellement en conflit ou un fidèle d’une autre religion parfois d’ailleurs un juif. On sait qu’au milieu du XIVe siècle, on met au compte d’empoisonnement de puits par des israélites la propagation de la peste, mais on a oublié que dans le premier tiers du XIXe siècle, on accuse leurs descendants de répandre le choléra et on n’ignore pas que des banquiers juifs ainsi que Jacques Salomon directeur général au ministère de la Santé et André Lévy époux de la ministre française de la santé sont accusés en 2020 d’être à les instigateurs du développement du nouveau virus afin de provoquer une crise financière ou un enrichissement personnel dont ils seraient les bénéficiaires.
C’est aussi souvent au XVIe siècle une femme qui, en parcourant la région, sème la maladie : « En Grèce, la dame est aveugle, cherchant à tâtons son chemin. En Pologne, c’est la Vierge de la Peste Niewasta, en Lithuanie la Guiltine. Sur les rives de l’Amper, en Haute-Bavière, la " petite femme de la peste" offre des cadeaux empoisonnés. À Waldkirch, elle se promène nue, simplement vêtue d’un tablier de peau; elle viendrait de France. Près de Savièse (Valais), elle est grosse et porte un sac plein à ras bords. En 1506, à Schwyz, on décrit une femme aux très longues dents et aux pieds fendus. En Suède, elle est la pestflicka, "Vierge de la Peste"; au petit matin, elle balaie devant les portes, déclenchant la mort. En Norvège, c’est une vieille femme vêtue de rouge portant une râpe et un balai. En Hongrie et en Albanie, elle est tout aussi âgée mais ses vêtements sont noirs. En Russie, elle est en blanc avec des cheveux en bataille. En Lituanie, les religions face aux épidémies la "Vierge de la Peste" a une robe blanche, couronnée de flammes. En Saxe et en Serbie, elle est vêtue d’un voile de brume (pages 27-28).
On sait qu’aux Amériques l’arrivée des Européens entraîne l’apparition de maladies inconnues et ce sont là certaines populations locales qui mettent sur le compte des prêtres catholiques la propagation des épidémies (page 79). Dans un univers religieux complexe, comme dans le Saint Empire romain-germanique, des clercs de diverses églises protestantes accusent leurs confrères catholiques de lâcheté face à l’épidémie et on voit également l’inverse (page 82).
Une pandémie remet plus ou moins en cause la relation que le croyant entretient avec son dieu. Dès la fin du XVIIe siècle, l’abbé Meslier, en charge d’une paroisse dans le comté de Rethel, dénonce l’idée qu’une maladie relève d’une punition divine. Cependant son ouvrage n’est connu qu’au milieu du XVIIIe siècle. Certains catholiques intégristes, et d’autres chrétiens reprennent toutefois cette idée de châtiment de Dieu face au COVID-19. D’autres gens de religion et parfois les mêmes que précédemment refusent les consignes administratives visant à limiter la propagation de la maladie.
Parmi les personnages évoqués, on trouve Arnaud Baric, un prêtre qui est à l’origine de l’hôpital Saint-Joseph de Toulouse ; c’est un bon exemple de clerc-médecin distribuant des remèdes traditionnels et menant des opérations de désinfection. Au XVIIe siècle, cette fonction existe au grand dam de ceux qui sont diplômés de la faculté de médecine.
Face au choléra au XIXe siècle, les évêques de nombreux diocèses recommande la lecture du Nouveau manuel médical à l’usage du clergé. Ce livre, inspiré par d’authentiques ouvrages médicaux de la fin du XVIIe siècle et du milieu du XIXe donne « les moyens hygiéniques du traitement: logements propres, alimentation convenable, pratique régulière de la gymnastique... Les moyens pharmaceutiques utilisent le limon, l’éther, le sous-nitrate de bismuth, l’eau de Seltz, des cataplasmes, des émollients... Est présenté le traitement appliqué par le docteur Beauregard au Havre à base d’éther sulfurique, de laudanum de Sydenham, de sirop diacode et d’eau de menthe. Le propos est donc précis, montrant que le futur curé ne doit pas être spectateur de l’épidémie, qu’il lutte contre elle, devenant localement un auxiliaire médical renseigné » (page 88).
Dans cet ouvrage, on trouve aussi notamment Charles Borromée archevêque milanais post-tridentin modèle ; il a apporté secours et consolations en Lombardie au milieu du XVIe siècle lorsque la région était frappée par la peste. Son tombeau ayant pu être le théâtre de guérisons miraculeuses, il est béatifié puis canonisé.
L’essentiel du contenu de ce livre évoque les réactions des communautés se réclamant du christianisme, toutefois face au corinavirus l’auteur a pu relever l’attitude ce certains responsables musulmans et ponctuellement de religieux bouddhistes. Ceci en particulier par rapport à l’exercice du culte alors qu’il y a confinement. Notons que pour l’univers catholique français, des parlementaires signent une tribune dans Le Figaro pour que le gouvernement revienne sur sa décision d’interdiction d’ouvrir les lieux de culte. Le Conseil d’État va dans leur sens et un décret permet une réouverture sous condition: respect des gestes barrières, mesures d’hygiène... Alors que des épidémies se propageaient, on vit dans les siècles passés des processions pour demander l’intercession d’un sait ou d’un créateur (voir les pages 150). On se doute du résultat au niveau de la contamination qui suivit ce genre de manifestation.
Des superstitions, liées au religieux, ont cours en 2020, « Aux Philippines, à partir de mars, deux rumeurs circulent sur les réseaux sociaux. La première affirme qu’à l’entrée des églises l’eau bénite a la force d’un désinfectant; chacun peut y tremper chapelets et objets de piété à moins de vouloir acheter ces produits bénis. Autre fausse nouvelle: des masques et des visières sacrés sont en vente» (page 250).
Véritable bible (au sens figuré) sur le sujet ; cet ouvrage propose d’autres réflexions que celles que nos avons évoquées. Voici la table des matières de ce livre :
Introduction............................................................................................. 11
1. LES ORIGINES......................................................................... 23
La figure de la peste...................................................................... 25
La punition divine......................................................................... 31
Le monde médical face à la punition divine..................... 35
La punition divine au temps des Lumières........................ 38
Les temps changent....................................................................... 43
Les rassemblements causes de malheur................................ 45
Le retour de la punition divine?............................................. 50
La punition écartée?..................................................................... 56
2. MOBILISER LES CLERGÉS.......................................... 63
Un besoin........................................................................................... 65
Prêtre et médecin: Arnaud Baric............................................ 67
Le modèle: Charles Borromée................................................. 76
Se dévouer ......................................................................................... 78
Agir au temps des Lumières...................................................... 83
L’ambiguïté....................................................................................... 88
Toujours aider et soigner........................................................... 94
3. FACE AUX ÉTATS................................................................. 101
De violents refus............................................................................. 103
Le nécessaire contrôle................................................................... 105
La situation se complique.......................................................... 108
Face au confinement de 2020.................................................. 110
Étapes du confinement en France.......................................... 112
Soutenir les États............................................................................ 114
Résister aux gouvernements...................................................... 120
De la résistance à la rébellion................................................... 124
Déconfiner........................................................................................ 131
4. DES COMMUNAUTÉS IMPLORENT
LE CIEL........................................................................................... 135
La messe pour la peste................................................................. 137
Trouver des protecteurs.............................................................. 139
Conjurer au quotidien................................................................. 143
D’indispensables précautions................................................... 150
Prier en commun ........................................................................... 158
S’adapter............................................................................................. 162
Changer.............................................................................................. 169
L’importance d’internet.............................................................. 172
Des croyants face aux changements...................................... 174
Changer de certitudes?................................................................ 176
5. DES INDIVIDUS EN PRIÈRE..................................... 185
Prier en milieu luthérien............................................................. 187
Prier avec Étienne Binet............................................................. 191
Peu de miracles................................................................................ 195
Entre saint Sébastien et saint Roch....................................... 198
Le retour vers la prière................................................................. 206
Une prière domestique................................................................ 209
Ouvrir la prière............................................................................... 213
6. ENTRE MAGIE ET SUPERSTITIONS................ 219
Marquer le territoire..................................................................... 221
Charmes, amulettes et talismans ............................................ 224
De la méfiance à la traque......................................................... 227
Empêcher la propagation en Annam.................................... 234
En quête de signes......................................................................... 238
La magie toujours présente........................................................ 241
7. VERS LA «RÉSILIENCE» ?............................................. 253
Remercier........................................................................................... 255
Construire un mémorial ............................................................. 258
Fonder l’identité locale................................................................ 264
Fêter pour se souvenir.................................................................. 267
Et maintenant? ............................................................................... 269

Pour connaisseurs Aucune illustration
https://www.reformes.ch/religions/2020/05/quel-impact-aura-le-covid-19-sur-lavenir-des-religions-covid-19-coronavirus-web
https://www.ouest-france.fr/societe/religions/le-conseil-d-etat-maintient-l-interdiction-des-ceremonies-religieuses-avec-un-large-public-7043956