Les mots essentiels pour comprendre la laïcité

Comme Nicolas Cadène (natif de la préfecture du Gard), l’auteur a des attaches avec Nîmes ; en effet il intervient dans le diplôme universitaire Laïcité et médiation proposé par cette université languedocienne et à l’institut de formation aux métiers éducatifs. Tous deux sont membres de la Vigie de la Laïcité, le premier au niveau national et le second pour l’Hérault.

Dans son introduction, Jacques Limouzin présente ainsi son livre: « il ne s’agit pas d’un ouvrage académique prétendant à l’exhaustivité, en somme un dictionnaire, mais d’une sélection de mots choisis parce qu’ils sont chacun porteurs d’une signification permettent de sortir de la confusion évoquée plus avant, parce qu’ils donnent chacun un éclairage à la fois intellectuel et politique sur la nature même de la laïcité telle qu’elle est conçue, mise en projet politique et, l’espère-t-on, mise en œuvre dans notre pays » (page 11).

Rappelons personnellement tout d’abord les quatre principes de la laïcité :

• Liberté de conscience : liberté de croire (d’exercer la religion de son chois) ou de ne pas croire
• Séparation Église et État
• Égalité des citoyens devant la religion, sans distinction des croyances des individus
• Neutralité des services publics

L’auteur se situe dans la filiation des laïcités séparatistes de 1905, selon le classement des diverses conceptions de la laïcité proposé par Jean Baubérot. Jacques Limouzin démarre avec le mot "abaya","accommodements raisonnables ou non" et "agents publics"; après avoir développé une quarantaine d’autres points, il clôt par "usagers des services publics", "vivre ensemble" ainsi qu’avec "zones grises de droit".

On pointe dans l’article "tolérance", sans être surpris car sachant que l’auteur est historien, un exemple de références au passé. Ainsi Jacques Limouzin  évoque le discours du 23 août 1793 tenu par le pasteur protestant Jean-Paul Rabaut (député de Nîmes et Beaucaire). Ajoutons personnellement que ce dernier demande l'égalité des droits pour les protestants et les juifs et s'écrie « Mais, messieurs, ce n'est pas même la tolérance que je réclame, c'est la liberté ». Il cite également, en matière de théocratie, que vers l’an 800 le basileus Léon VI chercha à se faire reconnaître prêtre dans l’ordre de Melchisédech (soit un Grand Prêtre dans la lignée de Jésus-Christ).

Dans la "Genèse de la laïcité", comme Éric Anceau, l’auteur fait remonter les origines le laïcité française au conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII.  On trouve comme sujet l’islam et on y pose notamment la question de la comptabilité entre cette religion et la laïcité. Cet article précède celui autour de l’existence d’une islamophobie.

Jacques Limouzin illustre parfois son propos par des évènements d’actualité touchant un pays étranger. C’est ainsi le cas avec l’article "antilaïcité" où est examiné le cas l’argumentaire juridique ayant servi en 2022 à la Cour suprême d’invalider le droit à l’avortement. L’auteur, toujours sur le même sujet, rappelle que récemment le patriarche de Moscou Cyril avance que la guerre en Ukraine se justifie par la défense de l’unité de la communauté orthodoxe et par le rôle de katechon (rempart) que tient la Russie à la venue de l’Antéchrist car la foi y est un guide à la conduite des affaires politiques.

Au sujet des autres laïcités sont développées celles du Portugal (donnée ici comme la plus proche du modèle français), des USA, de la Belgique, et de la Turquie. Des articles comme celui autour du blasphème, des crèches de Noël des cantines et réfectoires scolaires (où la décision récente touchant la ville de Beaucaire, avec un maire Rassemblement national depuis 2014, n’a pu être développée), s’appuient sur des faits qui ont nourri plus ou moins les médias français.

C’est également le cas avec le texte "de chicanes à propos de la laïcité" (qui pose d'ailleurs accessoirement un jugement de valeur sur l'importance du sujet, on aurait préféré voir parler de "querelles"); cependant on y est très surpris de lire un raccourci tel que le maire des Sables-d’Olonne aurait déclaré suivre l’arrêt du Conseil d’état qui lui a ordonné de déboulonner la statue de saint Michel quand on connaît toutes ses manœuvres pour y surseoir et quand on sait que très récemment ce dernier a déclaré « La poignée de laïcistes radicaux aura son déboulonnage mais la statue restera sur place à quelques mètres, en toute légalité ». Il y a eu donc déplacement de quelques mètres sur un terrain venant d’être vendu intentionnellement à la paroisse.

L’article sur les hôpitaux est intéressant dans l’absolu mais est bien trop concis : il omet de poser des questions telles que par exemple la demande de mettre un crucifix au-dessus de son lit dans sa chambre individuelle ou d’orienter son lit vers La Mecque. Sur ce sujet, pour des questions certes posées au regard de textes d’avant 2017, on se reportera aux ouvrages d’Isabelle Lévy. On attend donc avec impatience la sortie en février 2024 de Religion, spiritualité, laïcité et soin - Les infirmières face à des questions humaines essentielles sous la plume d’Arkadiusz Koselak-Maréchal, un cadre formateur en soins infirmiers de l’IFSI de Rouen.