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Les 7 laïcités françaises

Les 7 laïcités françaises
Éditions de la Maison des sciences de l’homme174 pages
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Avis de Benjamin : "Des laïcités diverses et parfois perverses"

Pour l’auteur, il a donc diverses conceptions de la laïcité : la laïcité antireligieuse, la laïcité gallicane, les deux laïcités séparatistes de 1905, la laïcité séparatiste au XXIe siècle, la laïcité ouverte, la laïcité identitaire, la laïcité concordataire (en usage actuellement en Alsace-Moselle).

Jean Baubérot consacre un chapitre pour chaque conception de la laïcité et conclut  sur les raisons pour lesquelles cette dernière est passée de l’univers politique de gauche à l’univers politique de droite (non sans révisionnisme).  Dans son introduction, il donne quatre éléments pour caractériser la laïcité : la liberté de conscience, l’égalité des droits, la séparation et la neutralité (page 19).

En 1905 il y avait, autour de l’idée de laïcité, respectivement les idées de combat antireligieux et de poursuite de l’esprit interventionniste gallican. Deux autres laïcités ont marqué la loi de 1905, l’une avait une conception individualiste et stricte de la question alors que l’autre portait une dimension collective et inclusive.

Sont apparues depuis la laïcité ouverte, la laïcité identitaire qui distingue les religions appartenant à la mémoire culturelle de la France de celles qui son importées. La laïcité positive prônée par Nicolas Sarkozy s’y réfère.

La laïcité antireligieuse avait été soutenue en 1905 par Maurice Allard ; elle demandait l’intervention de l’État pour soutenir l’athéisme et supprimer la religion. Ce courant « considère que la véritable liberté de conscience s’acquiert par l’affranchissement, l’émancipation, le refus de la religion » (page 35).

La laïcité gallicane fut représentée par Émile Combes en 1905 (alors député de la Charente-Inférieure) ; celle-ci entendait accentuer la tutelle de l’État sur les religions. On peut la définir par « le droit de l’État d’intervenir dans les affaires religieuses ; ensuite, ce droit s’accompagne d’un devoir de protection envers la religion d’État, le catholicisme ; enfin, conséquence des liens étroits entre l’État et cette religion, l’autonomie du catholicisme français par rapport à Rome » (page 40). Émile Combes souhaitait logiquement le maintien du Concordat qui permettait à la République de peser notamment sur le choix des évêques. Aujourd’hui les descendants de ce courant de pensée veulent limiter la liberté de conscience en certaines circonstances.

Les laïcités séparatistes de 1905 se sont opposées sur la question du contrôle des lieux de culte. Ceux derrière Buisson demandaient à ce qu’elles soient confiées à des associations libres de croyants alors que d’autres, en compagnie de Briand et Jaurès, entendaient les attribuer à des organisations sous le contrôle de la hiérarchie catholique. Cette chrétienté latine étant organisée de façon pyramidale il s’agissait de ne pas donner l’idée que l’on entendait saper l’organisation de l’Église. Toutefois le pape refusera en bloc la Séparation.

La Ligue de l’enseignement et la Libre Pensée sont dans la filiation des laïcités séparatistes de 1905. Leur convergence de vue s’est manifestée notamment par un refus d’extension de la neutralité et la défense du droit de critiquer la religion comme partie intégrante de la liberté de conscience. Toutefois la Libre Pensée est plus dans le courant de la laïcité séparatiste stricte alors que la Ligue de l’enseignement est plus inclusive.

La Libre Pensée s’oppose aux dogmes religieux et fait de la promotion de la laïcité une règle. La Libre Pensée ne compte pas sur l’État pour combattre la religion, dénonce tout lien entre l’État et les religions comme une atteinte à la laïcité, elle lie combat laïque et combat social.

La laïcité ouverte reconnaît l’utilité sociale de la religion, elle entend défendre la liberté de conscience. Cette optique peut déboucher sur une coopération entre puissance publique et autorités religieuses, ce qui ne facilite pas la sécularisation. On a ainsi vu des autorités catholiques déclarer illégitime la légalisation du mariage pour tous et ainsi vouloir imposer leur propre conception de l’éthique à toute la société. Les récentes décisions en matière d’accès aux piscines municipales, d’ailleurs cassées par le préfet, prises en 2022 par le maire écologiste de Grenoble pourraient illustrer concrètement jusqu’où peut se manifester une telle conception.

La laïcité identitaire est une nouvelle laïcité défendue par des courants politiques venus de la droite ou de l’extrême-droite. François Baroin, élu UMP de l’Aube mais aussi fils d’un ancien Grand maître du Grand Orient, a facilité ce nouveau tournant pris dans le camp des conservateurs. François Baroin a défini la laïcité comme un humanisme libéral. En pointant les ratés de l’intégration, il va proposer de créer des élites républicaines issues de l’immigration comme une des mesures pour lutter contre l’islam intégriste. La Commission Stasi est créée dans le prolongement, elle propose une diversification des jours fériés (cette place faite notamment à l’islam sera refusée) et une interdiction des signes religieux ostentatoires.

La laïcité identitaire, fer de lace des politiciens de droite, se structure avec l’action de Nicolas Sarkozy qui affirme que les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. De ce fait l’islam est considéré comme une religion extérieure au patrimoine culturel français. On demande alors aux musulmans de faire preuve d’une humble discrétion. Selon Jean Baubérot le « déplacement vers une laïcité identitaire s’opère à partir du moment où les idéaux progressistes ne sont plus capables d’opérer cette "homogénisation" [propre à l’idéal républicain] et où le catholicisme se trouve culturellement réintégré dans l’identité laïque de la France » (page 115).

Pour notre auteur « la laïcité identitaire tend à limiter, même à transgresser, la neutralité de l’État tout en prônant une forte obligation de neutralité aux individus » (page 118). La laïcité est un instrument de protection contre l’islam pour maintenir une civilisation empreinte des valeurs catholiques issues d’une certaine conception du christianisme. Elle tend à classer les citoyens suivant leur religion en valorisant des valeurs culturelles propres à un segment de la société française.

La laïcité identitaire et la laïcité gallicane, convergentes autour de la culture de l’apparence par rapport à l’islam, se trouvent d’ailleurs largement opposées sur des points sociétaux sensibles comme le mariage pour tous, la PMA et l’euthanasie.  

 

Pour connaisseurs

Benjamin

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