Avis de Benjamin : "On plombe la dent du pape contre la loi de Séparation"
Il s’agit là du dernier tome d’une trilogie dont le titre complet est La loi de 1905 n’aura pas lieu, 3 L’Église catholique légale malgré elle (1902-1908). La série se nomme La loi de 1905 n’aura pas lieu: Histoire politique des Séparations des Églises et de l’État (1902-1908).
Émile Combes est favorable au maintien du Concordat car ce dernier permet de peser notamment sur le choix des évêques. Ce dernier est pour favoriser une laïcité gallicane. Le sénateur et maire de Pons est Président du Conseil (l’équivalent de Premier Ministre mais avec des pouvoirs plus considérables) de juin 1902 à janvier 1905, c’est donc son successeur Maurice Rouvier qui signe la loi de Séparation de l'Église et de l'État. Le gouvernement de ce dernier est renversé à la suite des troubles provoqués par la crise des inventaires. Républicain opportuniste dans la lignée de Gambetta, il est franc-maçon comme le député radical l’Yonne Jean-Baptiste Bienvenu-Martin qui est son ministre de l'Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes.
En avril 1903 Francis de Pressenté (membre fondateur de la Ligue des droits de l’homme), député socialiste réformiste du Rhône favorable à une loi de compromis qui donne des garanties de l'État aux Églises, obtient la création à l’Assemblée nationale d’une commission sur la Séparation. Cependant il n’obtient pas le poste de rapporteur, contrairement à ses souhaits, celle-ci revenant à Aristide Briand, son camarade de parti au sein du PSF de Jaurès, rival du parti socialiste de France de Guesde et Vaillant. La présidence en revient à Buisson.
On sait que certaines lois ne furent que partiellement appliquées comme la loi quinquennale du 20 décembre 1993 qui s’était traduite par le contrat d’insertion professionnelle. Une fois donc la loi votée en décembre 1905, il fallait encore la faire appliquer et on sait que Georges Clemenceau déclara en janvier 1907 à ce sujet que « la Loi avait tout prévue, hormis ce qui est arrivé ».
Juifs et protestants acceptent spontanément les inventaires et constituent des associations cultuelles. Léon XIII avait autorisé dans l’état prussien (qui depuis 1814 comprend la Rhénanie catholique et dès le milieu du XVIIIe siècle la Silésie également fidèle au pape), des associations cultuelles avec des responsables élus par les fidèles catholiques (page 144). Le cardinal Rampolla, secrétaire d’État chargé des affaires politiques et diplomatiques auprès de Léon XIII, était le favori pour l’élection d’un nouveau pape en 1903. Il se faisait porteur des revendications des Slaves au sein de la Double-Monarchie, entendait parallèlement mener une action de conciliation avec la Russie qui soutenait ces mêmes aspirations, et était ouvert au sujet de la Séparation. Toutefois l’empereur d’Autriche met son veto à l’élection de ce dernier. Près des deux-tiers des évêques français sont d’accord pour constituer des associations fabriciennes qui répondent au nouveau cadre légal (page 145).
Suite en février 1906 au refus du nouveau pape Pie X de la loi, la séparation ne va pas rentrer dans le cadre prévu pour le catholicisme. Il n’était pas prévu que les biens des établissements publics du culte ne seront plus aux mains de l’Église avec l’application de la loi de Séparations des Églises et de l’État. Les inventaires ne sont pas des confiscations mais ils sont mal vécus. En province avec l’appui des hobereaux et à Paris en embauchant parfois des manifestants et c’est le cas avec La Libre-Parole d’Édouard Drumont. Rouvier refusant la suspension des inventaires dans les églises, son ministère tombe en mars 1906 avec l’appui de Briand et Camille Pelletan.
Ferdinand Sarrien, député radical modéré de Saône-et-Loire, devient chef de gouvernement pour un peu plus de sept mois. Clemenceau est ministre de l’Intérieur alors qu’Aristide Briand devient ministre de l’Instruction publique et des cultes. Les élections de 1906 renforcent le camp laïque ; ces derniers sont 411 contre 174.
Les associations cultuelles catholiques ne sont pas constituées, aussi par la loi du 2 janvier 1907 l’État, les départements et les communes recouvrent à titre définitif la libre disposition des lieux de culte, archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires. En prolongement la loi du 13 avril 1908 confie les églises aux autorités communales et prévoit des retraites pour les ecclésiastiques. Les sonneries des cloches sont autorisées sans besoin de l’accord du maire et les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pouvant être tenues sans déclaration préalable il n’y a plus besoin de faire la déclaration des heures de messe.
L’auteur évoque comment la Loi de Séparation fut ou ne fut pas appliquée dans les colonies ; en Guyane par exemple elle n’existe toujours pas de nos jours. Notons que les aumôniers étant autorisés dans les établissements secondaires avec internat (ils scolarisent alors de la sixième à la terminale), des communes comme Saint-Cyr-des-Gâts en Vendée (comptant alors 900 habitants) nomment illégalement leur curé au poste d’aumônier de l’école communale (page 147).
Dans les dernières pages de l’ouvrage, on relève ceci « La notion de pacte laïque rend compte, alors, de trois éléments structurants :
- La reconnaissance, de la part de la République, autrice et garante du pacte, qu’il existe légitimement chez l’autre du "non négociable" constitutif de son identité.
- La capacité de concevoir un avenir différent de l’horizon conflictuel qui borne le présent (utopie d’un catholicisme progressivement acclimaté à la laïcité, dans un contexte marqué par le climat antimoderniste).
- La volonté et la possibilité politique d’agir selon cet avenir utopique qu’en fonction du conflit présent et se donner ainsi les moyens de parvenir à une relative pacification » (pages 329-330).
Pour connaisseurs Aucune illustration