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Le Village suisse

Le Village suisse
Turquoise 255 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "անհնարին est arménien dans la forme et dans le fond à l’époque"

L’auteur est né en 1866 près d’Iğdir alors en Russie mais aujourd'hui en Turquie, car les malheurs de la Guerre civile russe firent plusieurs heureux ; non seulement par exemple les états baltes gagnèrent une indépendance qu’ils n’avaient jamais vraiment connue mais la Turquie se fit céder, en octobre 1921, par les républiques soviétiques un territoire autour de Kars qui était soit possession de l’Empire ottoman jusqu’en 1878 ou dans une bien moindre mesure possession perse avant 1828.   

Après des études au séminaire d’Echmiadzin et à l’université de Lausanne puis aurait suivi des cours à la Sorbonne. Revenu en Russie, il a été professeur puis directeur de l'école Nersisyan à Tbilissi. Il milite à la Fédération révolutionnaire arménienne ce qui lui vaut deux ans d’emprisonnement en Russie. En 1911 il s’installe en Suisse mais retourne dans le Caucase en 1917 et devient le premier président du Conseil national arménien.

Avétis Aharonian représente la République d’Arménie aux négociations des traités de paix qui suivent la fin de la Première Guerre mondiale à Paris. Il reste en France du fait de l'annexion de l'Arménie par l'Union soviétique et son intégration dans la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie. Il a subi un accident vasculaire cérébral en 1934 et a vécu handicapé pendant les quatorze dernières. Il est mort à Marseille en 1948 mais il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.  

Il a commencé à écrire dans les années 1890. Influencé par le symbolisme de l'Europe de l'Ouest, il a écrit un certain nombre de pièces de théâtre et de romans. On lui doit aussi des essais et des livres historiques.  Ses œuvres ont eu un grand impact sur la pensée politique arménienne.

La première édition de cet ouvrage date de 1913 et a été faite à Tiflis (ou Tbilissi), au lendemain de la Seconde Guerre mondiale il y avait eu une traduction aux USA et nous sommes en présence de la première publication en français. Toutefois, comme l’écrit Avétis Aharonian dans son préambule, que les nouvelles qu’il a écrit ici, en prenant le style épistolaire, sont parus régulièrement dans un journal de Tiflis de l’été 1902 à l’automne 1904.     

Village suisse à l'Exposition internationale de1900

La première lettre évoque l’Exposition internationale de Paris de 1900 et le nombre très impressionnant de visiteurs qui se pressaient dans les 21 000 m2 consacrés à reconstituer un village suisse au pied de la Tour Eiffel. C’est par la vie quotidienne et les caractéristiques d’un village suisse typique que l’auteur fait entrer le lecteur, qu’il tutoie, dans son ouvrage. Il affine ensuite se centrant selon les cas par exemple sur l’architecture, les fêtes, les spectacles, les services publics ou la population entre autre dans son physique ou ses formes de manifestation religieuse.

Des comparaisons avec l’univers arménien sont fréquentes :

« La société contre l’individu, là se trouve le nœud de beaucoup de maux de notre pays. (…) La société est contre l’individu dans notre pays ; la société est pour l’individu en Suisse » (page 82-83)

« Le Kurde qui pille l’hôte qui s’éloigne de son sol a ses propres lois morales qui correspondent à son sentiment de justice ; il ne comprendra pas, si tu essaies de lui expliquer la méchanceté de sa conduite » (page 83).    

« En Suisse, il en faut peu pour que l’impossible devienne possible, alors que chez nous, au contraire même le possible est impossible »  (page 245). Impossible se traduit անհնարին d’où notre titre.

Parfois des comparaisons entre la Suisse et la France ne sont pas flatteuses pour l’hexagone et sonnent d’ailleurs bien juste comme ce qui est dit sur la corruption qui règne dans la presse parisienne (quotidienne ou pas). À ce propos, page 93, Avétis Aharonian fait référence à une illustration parue dans le supplément illustré du Petit journal où l’or turc a commandé une mise en scène d’Arméniens pillant une mosquée pour le numéro du 24 novembre 1895 alors que se déroulent les massacres hamidiens.

Au Sassoun des militants de diverses organisations arméniennes ont encouragé la résistance contre la persécution ottomane et la double imposition fiscale exercée par l'État central turc et des féodaux kurdes. Les massacres qui s’en suivent ont une dimension proto-génocidaire (peut-être 200 000 victimes) et conduisent à l’exil en Russie, aux USA ou en Europe occidentale 100 000 Arméniens.  

On aura compris que la société rurale villageoise suisse est donnée comme un exemple pour une Arménie qui cherche à se réaffirmer comme une nation aspirant à un état. Il est vrai que ne pouvait que séduire l’auteur un pays où se côtoient, à l’époque sans violence, des habitants de quatre langues différentes (le romanche est encore un peu parlé) et de confessions diverses (juifs, catholiques et protestants), des pratiques démocratiques diverses et l’expression de nombreuses idéologies  concurrentes. On verra que durant la Première Guerre mondiale, la belle unité nationale prendra un coup dans l’aile et que beaucoup de Romands et Alémaniques seront animés par des sentiments pro-français ou pro-germaniques (lire à ce propos d’Alexandre Elsig Les schrapnels du mensonge chez Antipodes).

(aucune des deux illustrations n'est dans l'ouvrage)

Pour tous publics Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

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1 critique
03/10/17
Un classique. A. Aharonian est un héros de la cause arménienne, l'un des quelques grands leaders arméniens ayant réchappé à la décapitation de l'élite arménienne par les Jeunes-Turcs.
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