Avis de Benjamin : "Ce n'est pas la girouette qui tourne c'est le vent"
Charles de Freycinet ne s’était pas vu consacrer de biographie et si un colloque avait tenu à marquer le centenaire de sa mort (survenue en 1923) il n’a pas été prévu d’en publier les actes (voir https://www.bib.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/09/Programme-du-colloque-Freycinet.pdf). Un des intervenants avait été Julien Bouchet par ailleurs auteur d’une biographie sur Émile Combes et de titres autour de la laïcité. Il enseigne à la fois à l’université de Clermont-Ferrand et au lycée Montdory de Thiers et a soutenu une thèse sur les rapports entre la République française et les religions.
On peut consulter les Souvenirs de Charles de Freycinet https://www.annales.org/archives/x/souvenirs.html. Malheureusement ces derniers s’arrêtent à 1893 ce qui ne permet pas de savoir ce qu’il pensait de la Séparation de l’Église et de l’État. Rappelons que le 6 décembre 1905, par 181 voix contre 102, le Sénat avait adopté la loi de séparation des Églises et de l'État. Notons que Charles de Freycinet présidait le gouvernement qui expulsa en 1880 les congrégations masculines non autorisées.
Ce dernier était de confession calviniste et issue d’une famille noble dauphinoise ; il semblerait qu’ils firent partie des protestants qui n’émigrèrent pas sous le règne de Louis XIV et continuèrent à manifester leur foi dans la discrétion.
Si Ferdinand Buisson avançait bien à tort que son séjour en Suisse sous le Second Empire relevait de l’exil politique, Charles de Freycinet lui fait ultérieurement l’impasse qu’il a été élu conseiller général en 1864 du Tarn-et-Garonne (un département très bonapartiste) en se présentant comme ingénieur au corps impérial des mines, ce qui lui donnait une qualité candidat officiel pour battre Cibiel Vaisse. Le préfet se félicite de son élection. On est toutefois là dans la seconde période de l’Empire, celle qualifiée de libérale qui voit le régime tendre vers une monarchie constitutionnelle et l’Église catholique passe du soutien à l’opposition.
En 1871 il est le candidat le plus choisi sur la liste des républicains modérés du Tarn-et-Garonne devançant de plus ou moins 7 000 voix avec ses propres 23 402 suffrages. Toutefois l’ensemble des voix de la liste unique de droite dépasse 62%, les républicains étant présents sur deux listes. Charles de Freycinet entre au parlement comme sénateur de Paris en 1876 et siègera jusqu’en 1920. En 1900 il « indique avec force détails qu’il a bien œuvré lors de son dernier mandat, avec la démolition du mur d’enceinte, les tramways de pénétration, l’assainissement de Paris et de la Seine, ou bien l’adduction des eaux du Loing et du Lunain » (page 231).
Devenu collaborateur de Gambetta lors des débuts de la IIIe République, il est républicain modéré mais pas modérément modéré. Il s’agit là d’une formule dont l’origine est à attribuer à Charles Jonnart, député du Pas-de-Calais dans un texte d’un numéro du 10 décembre 1899 de la Revue politique et parlementaire, en réponse à un discours prononcé par Jules Méline. Proche des milieux d’affaires, il est un spécialiste des finances et des affaires militaires. Il est une fois ministre des Travaux publics, trois fois ministre des Affaires étrangères et quatre fois président du conseil (équivalent de Premier Ministre mais avec des pouvoirs plus étendus qu’aujourd’hui).
Premier civil à devenir ministre de la Guerre, il réduit le service militaire d’un maximum de cinq années à un, deux ou trois ans (selon le tirage au sort). Instituteurs et ecclésiastiques ne sont plus dispensés de servir sous les drapeaux. Le plan Freycinet est un programme français de travaux publics lancé en 1879 alors qu’il est ministre ; il en résulte un développement important de voies ferrées (toutes les très nombreuses sous-préfectures d’ alors sont desservies par le train), de canaux et installations portuaires.
En tant que ministre des Affaires trangères il pilote le traité qui accorde le Tonkin à la France et porte les négociations de frontières entre le Sierra-Leone anglais et les territoires français de l’Afrique équatoriale et celles de fixation des limites entre le Congo français et l’espace qui deviendra le Congo belge. Il fait acccepter par Londres le protectorat français sur Madagascar et encourage la colonisation du Dahomey. Comme chef du gouvernement, il porte en 1880 des décisions symboliques renforçant le sentiment républicain : le 14 juillet devient fête nationale et la devise "Liberté, égalité, fraternité" doit être inscrite sur les mairies. En 1899 il entend ménager l’armée lors de l’Affaire Dreyfus ; il est critiqué pour cela et choisit la démission plutôt que de se voir sanctionner des militaires moteurs des accusations contre Alfred Dreyfus. Du gouvernment que Freycinet dirige de janvier à décembre 1886, on aurait émis un développement à la fois sur les raisons de l'entrée au gouvernement du général Boulanger (vu les conséquences ultérieures) et sur le vote de la loi Goblet qui laïcise les personnels enseignant dans l'enseignement public (nous-même n'igonrons pas qu'à cette date environ 34 000 frères et 15 000 soeurs exercent dans les écoles publiques).
Voici donc les choix des multiples actions que nous avons faites de relever dans cette intéressante bibliographie qui met en exergue un homme qui joue un rôle très important durant la première partie de la Troisième République. Sa position idéologique lui fait parcourir un axe qui va de la gauche gambettiste au centre droit pour cette époque. Comme disait Edgard Faure, ce n'est pas la girouette qui tourne c'est le vent.
Pour connaisseurs Quelques illustrations
