Avis de Adam Craponne : "Le traité n'est pas fameux ; je suis tout prêt à le reconnaître. Mais, et la guerre, a-t-elle été fameuse?"
Notre titre est une citation de Clemenceau. Cet ouvrage est paru dans la collection Libre cours aux Presses universitaires de Vincennes (installées à Saint-Denis). Cette collection vient d’être créée et je ne sais si mon interprétation s’avère juste. En effet à la lecture de cet ouvrage, on a l’impression que l’auteure Sylvie Brodziak a voulu réaliser un ouvrage qui serait un bon "Que sais-je ?". Bref ce qu’un étudiant en histoire ne doit pas ignorer sur Clemenceau.
Ici l’intérêt a ses limites car les biographies du Tigre se ramassent à la pelle et les regrets de voir reprises certaines légendes ne sont au moins pas de mise ici. Une présentation thématique n’aurait pas manqué d’intérêt avec par exemple l’opinion de Clemenceau en matière de politique coloniale en général et face à des crises (comme celles du Maroc) ou face à la laïcité (il n’est pas pour un monopole de l’enseignement). Sylvie Brodziak a, il est vrai, écrit par ailleurs des ouvrages sur un aspect particulier de l’action de Georges Clemenceau.
L’auteure simplifie parfois à outrance les ressorts de la vie parlementaire française comme le montre page 165 sa réflexion sur les législatives de 1919 :
« trois camps se présentent les uns contre les autres : le Bloc national symbolisé par Millerand et Barrès, alliance de la droite et de la gauche modérée autour de Clemenceau, la SFIO et une liste radical-socialiste ».
D’abord du point de vue de l’orthographe j’écrirai "radicale-socialiste" et par rapport au sens je parlerai plutôt d’"un ensemble de listes radicales-socialistes". Ensuite ceci est inexact, on a vingt circonscriptions (en général le département tout entier, mais la Seine ou la Loire-Inférieure par exemple en compte respectivement deux et six) avec des listes royalistes ; croire qu’elles font de la figuration serait se tromper lourdement, ainsi en Vendée les royalistes remportent tous les sièges. Ensuite les radicaux figurent aussi bien sur des listes avec des alliés plus au centre (contre des listes Bloc national) que sur des listes de Bloc national ainsi dans le Var (dont Clemenceau est sénateur) le radical valoisien Paul Denise (beau-frère de Camille Pelletan) est élu député sous la bannière du Bloc national. Je vous passe d’autres éléments secondaires rien qu’en métropole mais j’ajoute que la configuration que l’auteure nous présente se limite à dix-huit cas sur les cent circonscriptions de métropole.
Beaucoup peuvent se réclamer plus ou moins de Clemenceau devant les électeurs en 1919 et ne pas l’apprécier; seuls les socialistes sont dans un discours officiel d'opposition à ses actions. On regrette également que soit omise l’information qu’Aristide Briand est l’acteur de l’échec de Clemenceau à la présidence de la république ; au passage sachant que les socialistes SFIO sont 68 et que l’on nous dit que 30 votent pour Deschanel, on aurait aimé savoir si certains ont voté pour Clemenceau. Le lecteur aura du mal à comprendre les ressorts de l’attitude de Clemenceau face à l’Allemagne à la Belle Époque, à la page 143 on nous dit que le Tigre reproche sur la question coloniale à Delcassé d’être trop rigide vis-à-vis de l’Allemagne et page 160 à Caillaux d’être trop complaisant.
On peut apprécier que l’on nous précise que la famille de Clemenceau est d’origine protestante par sa mère. Par ailleurs les positions de Clemenceau dans un cas face à un armistice que Poincaré refuse tant que l’Allemagne ne sera pas partiellement envahie et dans un autre cas lors des négociations du Traité de Versailles sont bien esquissées. On peut donc se poser comme question : "qu'est-ce que ce livre apporte par rapport aux autres ?". La réponse est ici simplement une bonne synthèse.
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