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Le wokisme n’existe pas: la fabrication d’un mythe

Le wokisme n’existe pas: la fabrication d’un mythe
Le bord de l’eau182 pages
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Avis de Benjamin : "L’anti-wokisme dans un grand wok de conformisme social occidental"

Dans son introduction, l’auteur explique qu’il s’attachera à étudier non le wokisme mais l’anti-wokisme.  Il rappelle que 16 février 2021 Fédérique Vidal, alors ministre de l’enseignement supérieur, déclara vouloir charger le CNRS  d'une enquête scientifique qui puisse permettre de discerner les recherches gangrenées par l’islamo-gauchisme. Si aucune investigation ne fut menée par le CNRS, par contre l’Observatoire du déconialisme (devenu depuis l’Observatoire des idéologies identitaires) salua cette initiative. Ce dernier a été créé en décembre 2020 par soixante-seize universitaires, parmi lesquels Jean-François Braunstein,   Nathalie Heinich, Pierre-André Taguieff et Pierre-Henri Tavoillot.

Dans cette même introduction, l’auteur informe que : « l’expression Being woke s’est d’abord popularisée aux États-Unis dans la communauté afro-américaine tout au long du XXe siècle (…) pour désigner la nécessité de rester éveillé aux injustices » (page 7). Dès 1938, le guitariste Leadbelly écrit "best stay woke" et dans l’Ohio en juin 1965 Martin Luther King reprend cette recommandation dans un discours. D’après Alain Policar «  le procès en wokisme est instruit contre tous ceux qui remettent en question l’ordre établi, qui sont attentifs à la justice sociale, à la condition féminine et à celle des minorités racisées » (page 11).

 

Au premier chapitre, note auteur cite certains fers de lance médiatiques de l’anti-wokisme tels le Canadien Mathieu Bock-Côté présent sur CNews, Michel Onfray notamment dans sa revue Front populaire. Il n’oublie pas de citer pour autant des intellectuels auteurs de textes vulgarisateurs ou érudits comme Bérénice Levet, une philosophe membre de l’institut Thomas-More où s’activent notamment Rémi Brague, Elizabeth Montfort autrefois villériste mais également un temps porte-parole de La Manif pour tous (devenue Syndicat de la famille) et Anne Coffinier présidente de l’association "Créer son école". En 2005, le Conseil de l’Europe proposait la définition suivante pour le mot "islamophobie" : « peur ou préjugés à l’égard de l’islam, des musulmans et des questions qui les concernent, prenant la forme des situations quotidiennes de racisme et de discrimination » (page 21).

Certains se disent ouvertement islamophobes avec toutefois un panel de nuances. On prête à d’autres de l’être comme Henri Peña-Ruiz qui avait pourtant contextualisé l’affirmation qu’il fit en la matière en précisant : « Le racisme antimusulman est un délit. La critique de l’islam, la critique du catholicisme, la critique de l’humanisme athée n’en est pas un ». Alain Policar pense d’ailleurs « qu’il est évidemment inacceptable de considérer ceux qui condamnent et combattent les visées de l’islam politique comme étant islamophobes. Ne pas distinguer ces registres sémantiques conduit à une extrême confusion » (page 23).

Chris Harman, un trotskyste britannique, évoque en effet dans un texte de 1994, une possible convergence entre l’islamisme et le gauchisme pour critiquer l’impérialisme et l’État. Toutefois il pense que l’islam politique penche dans deux directions opposées ; l’une conduit au progressisme et l’autre au fascisme. Pierre-André Taguieff fait remonter les convergences entre l’islamisme et les idées révolutionnaires à 1920 lors du Congrès de Bakou. Selon Alain Policar « connu et reconnu, comme un spécialiste du racisme et de l’antisémitisme, P.-A. Taguieff a, en réalité, passé la majeure partie de sa carrière à saper les fondements mêmes de l’anti-racisme » (page 27). Il poursuit ainsi : « P.-A. Taguieff, en effet, désigne désormais comme islamo-gauchistes toutes les idéologies qui, à ses yeux, sont anti-occidentales ou encore anti-blanches, c’est-à-dire étrangères à la culture nationale : intersectionnalisme, postcolonialisme, décolonialisme, culture de l’annulation, féminisme "misandriste" et, bien évidemment, "wokisme" » (page 29).

Le second chapitre est consacré à exposer les idées de ceux qui, derrière notamment P.-A. Taguieff, Georges Bensoussan (qui a parfois signé du pseudonyme d'Emmanuel Brenner),  Alain Finkielkraut et Philippe Val avancent que « l’antisémitisme a changé de nature en se parant des habits de l’antiracisme, c’est-à-dire en prenant la défense des Arabes et des musulmans » (page 34). Il est avancé par certains que les membres des minorités racisées et les militants antiracistes sont devenus des intolérants à l’égard des Blancs. La culture dominante est présentée comme une culture assiégée par les expressions communautaristes. 

Le troisième chapitre évoque une laïcité dévoyée. On a fait comprendre dans plusieurs déclarations que l’islam conduit à l’islamisme qui lui-même amène au terrorisme. Rappelons-nous que Nathalie Heinich a pensé que le burkini encourageait indirectement le djihadisme dans un article du Monde d’août 2016. Laurent Bouvet, à l’initiative de la création en 2016 du Printemps républicain, défend une laïcité gallicane, c'est-à-dire une laïcité catho-républicaine.  L’islam est ici perçu comme « un corps étranger à l’histoire de France et potentiellement rebelle aux principes de la République » (page 46). Or « la transformation des principes de la loi de 1905 en idéologie sécuritaire, toute entière occupée à contrôler les comportements de ceux qui exprimeraient, par le signe, leur volonté séparatiste, ne peut évidemment servir à combattre le terrorisme islamiste » (page 47).  

Notre auteur en reprenant les idées de Cécile Laborde pour qui la laïcité est définie par trois principes (raison publique, égalité civique et liberté personnelle), pense que la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école n’est pas conforme à l’esprit de la loi de 1905. Ajoutons personnellement que lorsque Jean Zay fait passer en 1936 deux circulaires il entend interdire à l’école la propagande politique et le prosélytisme religieux. La question est donc pour nous qu’il semble impossible de distinguer ce qui est expression personnelle et ce qui porte la marque d’un militantisme (pouvant d’ailleurs avoir été préconisé par un tiers ou un groupe).   

Nous venons d’évoquer seulement les idées principales de la première partie qui dresse une sorte de généalogie du wokisme. Alain Policar propose ensuite deux autres parties où il entend prouver  que l'anti-wokisme est une construction intellectuelle qui se construit contre un objet mythique  et se fait le nouveau vecteur d'une offensive réactionnaire.

On ne sera guère surpris que le dernier discours démonté par notre auteur soit celui tenu par Nathalie Heinich. Ce passage relève en quelque sorte de la cerise sur le gâteau tant les textes de cette dernière ont une couleur polémique qui s’appuie souvent sur une compréhension toute personnelle de morceaux choisis à la tronçonneuse d’auteurs qui font autorité. On apprend d’ailleurs que une des ses œuvres Des valeurs. Une approche sociologique (qui de plus comprend Le bêtisier du laïco-sceptique) reçoit un regard acerbe dans un texte en ligne de Philippe Corcuff intitulé Le bêtisier sociologique et philosophique de Nathalie Heinich (voir à https://journals.openedition.org/lectures/25494). On apprécie l’existence d’un index des noms de personnes citées dans ce livre. Nora Bussigny, dans "Les nouveaux inquisiteurs" a su évoquer les radicalités de certains groupements que l'on peut qualifier de "woke", il est certain que quelques évènements du type de ceux qu'elle rapporte, servent d'arguments à l'anti-wokisme. 

 

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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