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Étouffer la révolte

Étouffer la révolte
Autrement 398 pages
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Avis de Patricia : "Les usages délétères de la psychiatrique au XXe siècle, bien connus pour l’URSS mais à découvrir pour les USA"

L’Organisation mondiale de la santé avertit que « La schizophrénie se caractérise par des distorsions de la pensée, des perceptions, des émotions, du sentiment de soi et du comportement. Le ressenti comporte souvent des hallucinations, le fait d’entendre des voix ou de voir des choses qui n’existent pas, et des délires, des convictions inébranlables ou fausses. (…) La schizophrénie est une psychose, un type de maladie mentale se caractérisant par des distorsions de la pensée, des perceptions, des émotions, du langage, du sentiment de soi et du comportement tels que:

  • Hallucination: perception auditive, visuelle ou autre perception sensorielle sans objet.
  • Délire: convictions fixes, fausses ou suspicions qui ne sont partagées par personne d’autre dans la culture du sujet et qui sont inébranlables malgré l’existence de preuves contraires.
  • Comportement anormal : conduites irrationnelles, comme des déambulations sans but, des marmonnements ou des rires sans interlocuteurs, une apparence insolite, une négligence de soi, un aspect mal soigné. 
  • Désorganisation de la parole ; propos incohérents ou sans pertinence.
  • Troubles des émotions : apathie marquée ou déconnexion entre les émotions indiquées et ce que l’on observe au niveau de l’expression faciale ou du langage corporel. »

L’ouvrage qui nous intéresse est sous-titré La psychiatrie contre les Civils Rights, une histoire de contrôle social ; il est paru aux USA sous le nom de The Protest Psychosis. Son auteur rappelle que, face aux revendications du mouvement des droits civiques, le diagnostic de schizophrénie réservé aux patients blancs est progressivement attribué à un grand nombre de personnes noires ayant réagi après avoir rencontré le racisme.

Le psychiatre Jonathan Metzl cite l’étude d’un chercheur américain montrant que, sur plus de 130 000 dossiers étudiés sur la même époque, on trouvait là un pourcentage quatre fois supérieur de noirs que de blancs recevant l’attribut de schizophrène. En étudiant le contenu des archives d’un grand hôpital du Michigan, il reconstitue les raisons qui ont conduit certains patients noirs américains à être admis en hôpital psychiatrique. Il requalifie également les troubles qu’ils manifestent et propose un traitement différent que celui qui avait été alors proposé.

Dans ces années soixante, la presse développe l’idée que « la schizophrénie (est) un trouble directement lié à une forme de masculinité noire et colérique ». Les médecins de l’époque s’appuient sur un discours scientifique mais en fait leur pensée est largement biaisée par un discours sociétal propre aux USA des années 1960 et 1970. Certes les docteurs ne comptaient pas en leurs rangs plus de racistes que dans le reste de la population mais ils ont de plus en plus associé noirceur de peau et schizophrénie : « les années 1960 et 1970 voient l’ordre symbolique de la psychiatrie s’altérer irrémédiablement. La révolte et la psychose fusionnent en réponse aux évènements qui transforment le pays, et la schizophrénie se retrouve associée à la violence, à l’hostilité, à la colère, aux Black Power et à Malcom X » (page 323).


D’ailleurs à force de voir leurs congénères qualifier de schizophrènes, les leaders noirs de l’époque comme Martin Luther King revendiquent cette étiquette pour les noirs américains qu’ils attribuent aux conséquences de l’hégémonisme blanc. « La schizophrénie (est décrite) comme une saine adaptation à une société raciste et déséquilibrée » (page 332).

Par ailleurs la schizophrénie est associée, depuis le début du XXe siècle, au génie artistique, aussi ne s’étonnera-t-on pas que dans les musiques comme le rap et le hip-hop reprennent à leur compte les liens entre schizophrénie et violences apparue pendant les années 1960 et 1970. L’évocation de la violence schizophrène perpétue l’idée que la schizophrénie est marquée par une agressivité incontrôlable, mais cette caractéristique est glorifiée et sexualisée au lieu d’être condamnée. Hors de mon chemin, est-il sous-entendu, car je suis capable de tout. (…) La schizophrénie est une colère d’homme, nous dit la société, et les paroles du rap renforcent de message alors même qu’elles critiquent le système » (page 332).

L’auteur note qu’en 2000 il y avait 1. 300. 000 détenus dans les prisons américaines. Il écrit qu’aujourd’hui une personne réellement schizophrène se retrouve aux USA plus souvent en prison qu’en hôpital psychiatrique.     

coup de coeur !

Pour connaisseurs Aucune illustration

Patricia

Note globale :

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