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La Folie au front : la grande bataille des névroses de guerre (1914-1918)

La Folie au front : la grande bataille des névroses de guerre (1914-1918)
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1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Voyage au bout de la souffrance"

Cet ouvrage affine le travail plus général Les médecins dans la Grande Guerre 1914-1918 mené par Sophie Delaporte chez Bayard en 2003, ouvrage très remarqué à sa sortie. Dans ces deux livres on retrouve d’ailleurs bien détaillé le cas singulier de Baptiste Deschamps (né à Smarves près de Poitiers) qui refuse fin mai 1916 d’être soumis au traitement du torpillage, fait de décharges électriques violentes imposé, par le docteur Clovis Vincent au centre neurologique de Tours. Le zouave poitevin est traduit devant un conseil de guerre et Paul Meunier député socialiste de l’Aube se fait l’avocat tant auprès des médias que des autorités militaires. La préoccupation des médecins n’est pas en priorité de guérir leur patient atteint de troubles psychiques mais de débusquer les simulateurs ou au mieux de lever les aspects voyants de leur état particulier pour les renvoyer au front. Certains égarés au milieu de la zone proche des combats suite à un choc sont froidement exécutés comme déserteurs et l’Entre-deux-guerres verra un certain nombre de demande de réhabilitations souhaitées, comme celle de Jean-Baptiste Bourcier forgeron à Marseille avant-guerre et chasseur alpin au début du conflit. Surnommé les « morts vivants » dans les Années folles (si on peut retenir ici ces termes), ils ne bénéficient pas de pension d’invalidité et sont mis à la charge de la famille qu’il peut leur rester lorsqu’ils ne sont pas maintenus en asile. Une Association des familles et amis d’aliénés de guerre demandera la création de structures pour accueillir ce genre d’invalides. Le livre montre bien que dans ces années de guerre l’expertise médicale en neuropsychiatrie apparaît nécessaire. S’il nous avance qu’elle progressera dans l’Entre-deux-guerres car certains médecins grignoteront progressivement les conceptions existantes au profit de l’influence de la psychanalyse, il n’expose pas ici cette évolution même à grands traits. Il est à noter que dès 1919 était sorti sous la plume de Henri Vatar La Grande Guerre et la folie. De l’influence de la guerre de 1914-1918 sur la genèse et l’orientation des conceptions délirantes. En 1930 paraît La Folie et la Grande Guerre d’Antony Rodiet et André Fribourg-Blanc, cet ouvrage est largement cité par Laurent Tatu et Julien Bogousslavsky ; on pourra prolonger la lecture de La Folie au front : la grande bataille des névroses de guerre (1914-1918) par l’accès au titre Le médecin général André Fribourg-Blanc (1888-1963) : Le fondateur de la psychiatrie militaire au service des souffrants, daté de 2010 l’ouvrage paru aux Éditions Christian est signé par Noël Fribourg-Blanc. L’ouvrage de Laurent Tatu et Julien Bogousslavsky consacre ces dernières pages au traitement proposé en Angleterre, Allemagne et Autriche face à ce genre de blessures. Les méthodes mises en place sont globalement moins coercitives, toutefois dans les derniers mois de guerre dans les empires centraux on constate un certain durcissement du type de soins donnés à des soldats plus souvent perçus a priori comme stimulateurs. La position peu courageuse de Freud en la matière devrait conforter dans leurs idées les lecteurs de Michel Onfray, grand pourfendeur de l’aura qui entoure le père de la psychanalyse. L’ouvrage propose des recherches à partir du contenu de la presse qu’elle soit pour le grand public ou en direction des médecins, il explore la vision que des écrivains ont pu donner de l’action de certains médecins. Bien que le nombre de documents consultés soient fort important, la dimension d’appel aux archives est absente. C’est regrettable et compréhensible car les deux auteurs sont médecins et s’ils peuvent traduire globalement une atmosphère il est regrettable qu’ils n’aient pas fait le choix (en s’assurant de la collaboration d’un historien) d’accéder aux conseils de guerre qui jugent des soldats où une dimension maladive pourrait expliquer leur passage devant ces instances, ni aux dossiers médicaux des hôpitaux militaires entreposés à Limoges. Le témoignage, sur le traitement du torpillage et le médecin qui le promeut, apporté par Céline (écrit alors qu’il est lui-même docteur) à travers son œuvre romanesque s’avère d’une cruauté humoristique des plus inquiétantes. « Il est probable que Céline ait utilisé son expérience de commotion de guerre pour décrire celle de son personnage Bardamu dans Voyage au bout de la nuit (…) Il s’est également inspiré de son expérience de traitement par l’électricité pour décrire celui de Bardamu ». Les raisons et les conséquences de l’alcoolisme sont bien développées dans le but de distinguer les malades victimes de crises dues à un état éthylique de ceux ayant par ailleurs subi un choc psychique. L’ouvrage est largement accessible à tout lecteur connaissant l’essentiel de cette période.

Octave

Note globale :

Par - 465 avis déposés - lecteur régulier

406 critiques
01/03/18
Conférence "Les traumatismes neuropsychiques des soldats de la Grande Guerre. L'exemple du centre neurologique de Besançon"

Une conférence présentée aux Archives départementales du Doubs le vendredi 23 mars 2018 à 15h, par
Laurent Tatu, enseignant-chercheur à l'UFR de médecine.
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