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Christianisme, cancel culture et wokisme

Christianisme, cancel culture et wokisme
L’Harmatttan 235 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Faut-il effacer toute mémoire dérangeante et dérangeante au nom de quoi ?"

L’ouvrage est sous-titré Quel rapport au passé dans une société contemporaine ? . Il est composé de huit contributions, proposées par des universitaires des pays francophones de l’Europe, du Québec, de l’Italie et de l’Autriche ; celles-ci sont précédées d’une introduction de Noam Chomsky.

Le wokisme décrit un état de vigilance face à l'injustice, il provient de l’anglais "wake" qui signifie "se réveiller". Cet état d’éveil se centre sur la dénonciation de toutes les discriminations qu’elles soient sociales, religieuses, raciales ou sexuelles (passant notamment par toutes les violences corporelles faites aux femmes) ainsi que sur une alerte aux évolutions climatiques. La Cancel Culture est une des formes d’expression du wokisme, il s’agit là d’un phénomène idéologique apparu au sein de la gauche radicale américaine pouvant être qualifiée de néo-marxiste et se voulant défenseuse des minorités. Elle pratique le rejet hostile envers certaines idées portées par d’autres. Un esprit d’intolérance vise particulièrement le christianisme et débouche sur des interdictions autour d’idées ou de personnages qualifiés de porteurs de la suprématie blanche. Ceci pouvant d’ailleurs déboucher sur l'endommagement ou la demande de retirer de l’espace public des monuments ou des statues. Il s’agit d’effacer les traces d’un passé jugé à réprouver moralement .

Cet ouvrage désire approcher, selon trois axes : historico-conceptuelle, philosophique et théologique, tant les fondements idéologiques de la  Cancel Culture, que son impact à l’encontre de la religion chrétienne. Gabriele Palasciano explique que le christianisme « Considéré comme historiquement lié à la dynamique de l’impérialisme et du colonialisme occidental, il est jugé coupable de crimes contre l'humanité, responsable de sa régression morale tant au niveau individuel que collectif, ainsi que promoteur de l’intolérance et de la diversité, de l’injustice sociale et de la discrimination ethnique et raciale » (pages 9-10). Selon lui les racines de la Cancel culture se trouverait notamment dans un certain puritanisme religieux . Par ailleurs le discours wokiste s’inspire des idées postmodenistes où existe « une forme de specepticisme radical à l’égard de toute idée de vérité absolue, objective et universelle dans les sphères éthico-philosophique et religieuse » (page 21). Des idées nihilistes détruisent par ailleurs le rapport à l’autre alors que la pensée déconstructionniste s’attaque à l’univers conceptuel de l’Occident. Notre contributeur suggère des pistes pour surmonter les oppositions venues de la Cancel culture afin de développer « une rationalité, une philosophie et une culture responsables et au service de l’humain » (page 35). Selon lui la religion chrétienne a développé à la fois les idées de pardon, sagesse et vérité. Or la Cancel culture ne connaîtrait pas vraiment ces trois dimensions.

Dans cette première contribution, servant d’introduction, Gabriele Palasciano évoque succinctement le contenu des autres articles du livre. Nous citons quelques extraits de ces présentations : « Daniel Boli analyse ainsi ces tendances de la société contemporaine en tant qu’expression de formes modernes, hégémoniques, de contrôle idéologique et dictatorial de la pensée. L’historie français les présente en tant qu’expressions autant de manipulations sociopolitiques  que d’uniformisation idéologique », « Hans-Christoph Askani « n’entend ni défendre ni attaquer le mouvement, mais plutôt l’étudier afin autant de montrer son fonctionnement interne que de présenter ses protagonistes, ses objectifs et ses motivations les plus profondes », « Pierre Gisel propose un regard critique sur la cancel culture, en particulier sur deux aspects qui la caractérisent, à savoir une volonté de purification de la mémoire et une affirmation naïve d’un naïve d’une origine immaculée », « Solange Lefebvre s’attarde (…) avant tout (sur) la question de la mémoire et celle du patrimoine culturel qui sont souvent au centre de la colère née de l’indignation idéologique. (…) elle propose une possibilité de révision de la mémoire collective qui ne cède cependant pas à la violence et à la destruction. Dans cet espace s’inscrit le rôle du dialogue entre les cultures et entre les religions pour répondre à ce phénomène », Françoit Nault « montre comment la notion d’"islamophobie", en confondant le système religieux et les croyants qui y adhèrent, a pour effet d’interdire la critique de la religion musulmane », « Enrico Riparelli étudie la question du regard corrosif porté sur le patrimoine artistique. (…) (Pour lui) il s’agit de promouvoir une éducation du regard, fondée sur une prise de conscience des différents horizons respectivement esthétiques, historiques, philosophiques et théologiques. Ces derniers permettent d’évaluer, de façon critique, non seulement les moments historiques, mais aussi les réalisations artistiques aux quelles les diverses cultures et religions ont donné naissance », « Denis Müller évoque le cas concret d’une tentative d’effacement de la mémoire historico-culturelle concernant Neuchâtel (Suisse) ».

Il s’agit ici de la statue de David de Pury, due à David d’Angers ; le personnage était un financier, né le 19 janvier 1709, dont la richesses s’est construite en lien avec l’esclavage. Il doit sa fortune au commerce de diamants et bois rares en provenance du Brésil. Il lègue une grande partie de sa fortune à la ville de Neuchâtel où il a vu le jour. Denis Müller écrit que déboulonner sa statue et conserver les biens immobiliers qui ont été construits grâce à sa fortune est hypocrite. De plus en parallèle se pose la question, dans la même ville, de la riche propriété (aujourd’hui avec un bâtiment loué à un restaurant) acquise par le petit-fils d’un huguenot de Bergerac qui avait émigré suite à la révocation de l’Édit de Nantes. Ce petit-fils se nomme Pierre-Alexandre DuPeyrou ; anticlérical et franc-maçon, réprouvant le conformisme intellectuel et religieux de cette principauté jurassienne, il fut l’ami de Jean-Jacques Roussau  dont il finança la publication d’ouvrages et dont il est l'exécuteur testamentaire. Seul ombre mais de taille à ce tableau très politiquement correct, il doit sa fortune à des plantations au Surinam dont il a hérité…

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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