Avis de Patricia : "Des crises sanitaires à travers les siècles"
L’ouvrage est sous-titré Quand peste, grippe espagnole, coronavirus… façonnent nos sociétés. Henri Deleersnidjer livre là une étude sur une quinzaine de maladies qui ont nourri l’histoire de l’Humanité depuis la Grèce antique jusqu’au XXIe siècle.
On démarre avec la peste qui ravage Athènes au début du Ve siècle avant Jésus-Christ et dont Thucydide se fait l’historien. En fait, dans les temps reculés, le terme de "peste" est vague, et on pense que l’on a là affaire à la variole ou une rougeole maligne. De même la peste antonine est une variole et elle touche autour de 165 une bonne part de l’Empire romain, ce sont les légionnaires envoyés combattre les Parthes dans la ville de Séleucie qui la ramènent. Les chrétiens, alors pourchassés, sont accusés de l’apporter. La peste de Cyprien frappe quasiment un siècle plus tard, et serait une fièvre hémorragique virale. Cyprien, évêque de Carthage, voit en elle l’annonce de la fin des temps. La première peste à mériter son nom, selon les historiens, est la peste de Justinien qui agit entre 482 et 565. C’est l’Éthiopie qui est son foyer originel et Procope de Césarée ainsi que Grégoire de Tours en sont son historien. On note que « fortement affaiblie par le fléau, Byzance ne pourra pas opposer à la conquête arabe la résistance qu’une telle force expansionniste, dopée par l’islam, aurait nécessitée » (page 28). D'un autre côté, elle donne une nouvele impulsion au christianisme dans les campagnes occidentales, les derniers païens se convertissant devant la perspective d'une fin du monde.
Le mal des Ardents est bien attaché au Xe, XIe, XIIe et XIIIe siècles européens. Les Antonins s’illustrèrent dans les soins aux malades atteints par lui. On pense que la ville gardoise de Pont-Saint-Esprit en 1951 vit une dernière phase de ce mal des Ardents, du fait que le boulanger avait fait son pain avec une farine contenant l’ergot de seigle. La Peste noire commence justement au bord de la mer Noire à Caffa lorsque les Mongols lancent, à l’intérieur des murailles de la ville, des cadavres atteints par ce mal. Froissart se fait l’historien de la Peste noire. Comme de nombreuses autres épidémies, cette dernière a des conséquences économiques dont une hausse des salaires pour les survivants et une extension de l’élevage et des arbres fruitiers. On sait que des juifs furent rendus responsables de cette épidémie et en particulier à Toulon, Strasbourg et Rhénanie. La lèpre est la dernière maladie associée à l’univers européen médiéval que l’auteur présente.
Pour les Temps modernes et l’époque contemporaine, Henri Deleersnidjer a choisi de se pencher sur les maladies importées d’Europe vers les Amériques et l’inverse à savoir la variole et la syphilis. Il y a des retours récurrents de la peste, y compris en 1920 à Paris. Le premier mort est de Clichy-sous-Bois, une ville qui abrite nombre de chiffonniers. Le sénateur manchois Adrien Gaudin de Villaine accusa, évidemment bien à tort, des juifs venus d’Orient d’avoir amené la peste : « « Ce sont en général les juifs d’Orient qui nous apportent toutes sortes de maladies, notamment la lèpre, et surtout le mal numéro 9 - la peste - (…) Qu’attend-on pour prendre des mesures ? (…) Il faut, comme nous l’avons dit, interdire les chambrées où vingt Israélites se communiquent leurs poux et leurs tares. Il faut établir un solide barrage aux frontières. Ce n’est tout de même pas à nous à faire preuve d’une charité criminelle… pour les Français ». Toutefois ses propos antisémites furent peu repris.
Le typhus est présenté comme très lié à la misère et à la guerre, on sait que le choléra est en phase l’eau et que la tuberculose frappa nombre d’écrivains romantiques avec et la courtisane qui allait être prétexte à la fiction La Dame aux camélias. D’autres grippes reviennent au cours du XXe siècle et la plus létale est celle qualifiée d’espagnole. La poliomyélite frappait encore lourdement dans la France des Trente Glorieuses. L’auteur reprend l’hypothèse d’une apparition du SIDA au Cameroun au début du XXe siècle. Le COVID-19 est évidemment le dernier sujet traité. L’épilogue permet en particulier une réflexion autour des thèses conspirationnistes autour de ces fléaux et à l’avènement d’une société disciplinaire pour lutter contre eux.
Pour connaisseurs Aucune illustration
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-02-02/il-y-a-dix-ans-un-coronavirus-proche-de-celui-du-covid-19-circulait-deja-au-cambodge-8345e669-3715-4ed6-a2ba-cb40f96cf1be
https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/histoire-grandes-pandemies-ont-marque-histoire-13440/#xtor=EPR-72-[QUESTIONHISTOIRE]-20210218
https://www.franceinter.fr/apres-la-covid-19-d-autres-virus-d-origine-animale-en-embuscade
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-coronavirus-aurait-infecte-premier-etre-humain-chine-milieu-automne-2019-86377/
https://www.heidi.news/sciences/la-plus-ancienne-victime-de-la-peste-vivait-au-neolithique-il-y-a-5-000-ans