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Hygiène et santé en Bas-Languedoc coccidental (dir.)

Hygiène et santé en Bas-Languedoc coccidental (dir.)
La Fenestrelle359 pages
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Avis de Patricia : "Père garde-moi au nord dans le Gard et au sud dans l’Hérault"

Le sous-titre précise qu’il s’agit d’évoquer des faits courant du XVIIIe siècle à la fin de la Belle Époque. Ce titre rend compte d’un colloque tenu en octobre 2018 sous les hospices de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes dont la fondation remonte à 1980 est due en partie à Anne-Marie Duport (plus tard chargée du Service éducatif des Archives du Gard de 1987 à 1998).

L’ouvrage est composé de quatre parties ainsi nommées : Un siècle des Lumières fondateur, Faire face aux épidémies et aux fléaux sociaux, Les miasmes industriels et urbains, Les pratiques culturelles et familiales. Il y a une bonne vingtaine de contributions.

L’une d’entre elles met en évidence le rôle pionnier de la vaccination de la variole à Nîmes puisque le premier essai de variolisation a été effectué le 15 mai 1757 dans cette préfecture du Gard par le chirurgien Jean Nicolas. Il faut savoir que ce type de vaccination remonte seulement à mai 1755 dans le royaume de France ; cette action est due au chirurgien Tenon sur le chevalier de Chastellux.

En matière d’hygiène publique, la ville de Nîmes disposait dès la fin du XVIIe siècle de capitaines de santé dont la mission était de faire exécuter les ordres émanant des élus municipaux et du bureau de police. Il chargeait des tâches matérielles des "jardiniers" chargés d’enlever les déchets des quartiers qui leur été attribué.

Dans le Lodévois, le rouissage (trempage du chanvre dans des cuves) etle rejet d’engrais animaux sont des causes de pollution des eaux. Lors des années 1740, Henri Pitot propose l’assèchement du littoral lagunaire à l’ouest du Rhône, cela devait se traduire notamment par la construction d’un d’un canal débouchant à Beaucaire. Dès l’époque du XVIIIe siècle, les apothicaires entendent plus protéger leurs privilèges que se préoccuper de la santé des gens, ils font procéder à la chasse des marchands ambulants de médicaments et aux contrefaçons vendus en grand nombre lors de la foire de Beaucaire.

Après notre choix très sélectifs d’informations prises dans la première partie de cet ouvrage, nous évoquerons quelques faits relevant de la seconde section. La particularité de Nîmes est d’avoir su se prévenir avec succès de la dernière épidémie de peste ayant frappé le royaume de France. Il s’agit évidemment de celle qui démarre en 1720 à Marseille. Les autorités de la ville font preuve d’une réaction précoce dans les mesures de fermeture de Nîmes. Des plantes médicinales et des provisions alimentaires sont rapidement achetées en grande quantité. Une quarantaine est décrétée pour toutes les étoffes rentrant dans la cité.

Le choléra frappe Provence et Languedoc en 1835. Un effort d’investissement avait été entrepris sous l’édige du plan Raynaud à Nîmes en 1786-1787. Des trottoirs et des pavements de rues avaient été faits sous la Restauration. Les égoûts existaient mais la sortie des égoûts au-delà du boulevard des Calquières (aujourd’hui boulevard Amiral Courbet) est un lieu d’autant plus fétide que neuf tanneries sont à proximité. Quoique le choléra frappe encore Nîmes en 1849 et 1855 (de façon bien moindre), le choléra de 1835 reste la dernière épidémie traumatisante pour la préfecture du Gard. Celle-ci incite à prendre des mesures d’hygiène dans les décennies qui suivent.

Dans un pays viticole, la lutte contre l’alcoolisme passe par la dénonciation des alcools forts (et en particulièrement de l’absinthe, largement consommé dans le Midi). Médecins et instituteurs délivrent un message de prévention comme ailleurs dans le pays. La Société antialcoolique de l’Hérault ouvre deux cafés à Montpellier où les spiritueux sont bannis. Les protestants sont actifs dans le Gard au sein de L’Étoile bleue à partir de 1897 (voir https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5851262j).

Les médecins militaires tentent de lutter contre la mortalité des soldats ; ces derniers sont particulièrement atteints par la fièvre typhoïde. L’armée est très présente dans le Gard puisque ce sont environ 20 000 hommes qui sont sous les drapeaux dans les casernes soit de Nîmes, Alès, Pont-Saint-Esprit ou Uzès. Cette dimension militaire de la santé est traitée dans la loi relative à la santé publique promulguée en février 1902.

François-Vincent Raspail est né à Carpentras dans le Vaucluse en 1794, en 1816 il fuit la Terreur blanche qui sévit dans plusieurs départements méridionaux. De cette aventure, il garde une défiance envers les populations du sud-est du pays. Il a écrit une Histoire médicale de la santé et un Manuel annuaire de la santé. Il pointe là des caractéristiques morales et sanitaires propres aux gens du Midi ; il s’agit d’un avis personnel mais certains des clichés qu’ils avancent seront repris par d’autres.

Il écrit ainsi : « lorsque le mistral souffle dans le midi de la France, le voyageur, pénétré de part en part, se sent diminer en volume, d’instant en instant, pour ainsi dire ; on croirait que ce souffle terrible s’introduit jusque dans la moelle des os : on dessèche sur pied, c’est presque à la lettre ».

Selon lui le climat favoriserait dans le sud la prolifération des insectes porteur de maladies. Il alerte sur les pollutions industrielles dont celle au mercure présente dans la région de Montpellier et celle au rouissage (fermentation amoniacale permettant la séparation des fibres utilisables du chanvre) signalées dans le Gard. Raspail comme son fils Émile (maire d’Arcueil et ingénieur civil) « dénoncent les méfaits de l’industrialisation au nom de l’hygiène et de la santé publique » à une époque où l’idéologie ambiante est la croyance au progrès grâce aux sciences et aux techniques. Une autre contribution met d’ailleurs en exergue les oppositions locales à durant le Second Empire à la soudière de Salindres (située près d’Alès dans le Gard, cette dernière provoquant des scandales sanitaires.

Nîmes a vu sa population doubler entre 1831 et 1911, passant de 41 000 à près de 81 000 personnes. Les conditions sanitaires s’en ressentent. On rapporte que Flora Tristan en 1843, dans son Tour de France, dénonce les conditions de travail des femmes dans les lavoirs nîmois.

La ville dispose d’un sanatorium dans le quartier du Mont-du-Plan ; il est ouvert en 1923 à l’initiative du docteur Louis Baillet. Sa construction est due à l’architecte Paladan. Rappelons que la loi Honnorat avait imposé en 1917 la construction d’au moins un établissement de ce type par département.

Comme nombre de maires socialistes de l’Entre-deux-guerres, Hubert Rouger  est à l’origine de la création d’un établissement d’enseignement primaire destiné à accueillir en priorité les enfants tuberculeux, voire souffrant de diverses carences. L’école de plein-air de Nîmes ouvre en 1929 et fonctionne avec ce nom jusqu’en juillet 2023. Rebaptisée école Marie-Curie elle continue à accueillir des enfants avec divers handicaps mais depuis la rentrée 2023 à côté des classes ULIS elle a pour avenir de compter aussi des classes non spécialisées.

Parmi toutes les contributions, nous choisissons de citer encore celle sur les bains de mer à Sète au XIXe siècle. L’initiative en revient à Coraly Hinsch (née le 8 août 1801 à Sète et morte le 14 juillet 1890 à Nîmes). Entre 1846 la date de son ouverture et 1939, ce sont 20 000 pensionnaires qui sont passés par l'établissement créé par elle, bénéficiant de tarifs modérés ou même de la gratuité, Née dans le milieu calviniste, elle fut à l'origine d'une église évangéliste qui compta environ 400 membres dans les communes de Sète, Nîmes et Le Vigan. Une initiative suit, à l’initiative de l’Église réformée, le Lazaret est fondé en 1865. Quoique incontestablement provençale, la ville d’Arles est présentée dans cet ouvrage comme modèle de ville hygiéniste au XIXe siècle.


 

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Patricia

Note globale :

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