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Juifs et musulmans en Algérie VIIe-XXe siècle

Juifs et musulmans en Algérie VIIe-XXe siècle
Tallandier 251 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "On arrosera de sang juif l'arbre de la liberté (Max Régis)"

Comme dans tout le Maghreb, la situation des juifs ne fut pas, avant la période de la colonisation, aussi sereine qu’on le rapporte bien souvent. Contrairement au christianisme, le judaïsme survit aux persécutions en direction de tous ceux qui ne sont pas sunnites malékites (donc y compris les kharidjites) à l’initiative du souverain almoravide Ali ibn Yûsuf ibn Tâshfin, connu aussi sous le nom de Ali Ben Youssef qui règne de 1106 à 1143 sur un territoire dont les extrémités sont Saragosse, Alger et Audaghost (ou Tegdaoust) au sud-est de la Mauritanie actuelle. Le premier calife des Almohades qui succèdent aux Almoravides sur un territoire encore plus vaste puisque dépassant Valence au nord et Tripoli à l’est agit dans le même sens :

« De 1145 à 1161, Abd al-Mu’min força les juifs à choisir entre la mort et la conversion dans un grand nombre de régions conquises, du Maroc à l’Ifriqiya. Beaucoup choisirent la conversion ou furent exécutés, certains prirent la fuite, rejoignant d’autres communautés du monde musulman, soit des ports italiens ». (pages 40-41)

On voit ici que le statut de dhimmi qui prévoit la liberté de culte aux gens du livre, en contrepartie d’un impôt spécifique, ne fut pas toujours appliqué. Le savant, théologien et philosophe Moïse Maïmonide fuit d’abord l’Andalousie en 1151, puis le Maroc en 1165 où il a rédigé un traité au sujet de la conversion forcée des juifs. (p. 42-43)

Vers 1440, l'influent juriste malékite Al-Maghîlî (rédacteur d’une littérature marquée par l’esprit d’une de ses formules « Levez-vous et tuez les juifs) est à l’origine de la persécution des juifs du Touat (région du sud algérien). La population de confession israélite très dense alors avait une double origine, celle de Berbères convertis et celle d’émigrés juifs à diverses époques dont celle qui suit la guerre de Kitos ou révolte des exilés, qui a lieu de 115 à 117 après Jésus-Christ et qui ravage en particulier la Cyrénaïque. 

Les juifs d'Algérie vivent plus paisiblement à l’époque ottomane, soit du XVIe au début du XIXe siècle. Ceux d’Alger fêtent d’ailleurs pendant quelques siècles l’échec en octobre 1541 de Charles-Quint devant cette ville et la victoire musulmane sur les troupes espagnoles commandées par O’Reilly  en 1775 (page 87) suite à la levée par les Turcs du siège de Melilla. Les persécutions successives qu’ils ont subies au  XIV et XVe siècle dans la péninsule hispanique (d'où une arrivée prinicipalement dans quelques ports de juifs andalous) et leur expulsion des territoires pris ponctuellement par les Espagnols au Maghreb durant le XVIe et le XVIIe siècle expliquent ce fait (Oran et Mers el-Kébir en particulier sont quasiment sans discontinuité aux mains de Madrid d'environ 1500 à 1800).

Pendant la période de la colonisation française, la communauté juive croît beaucoup, elle passe de 17 000 en 1830 à 130 000 en 1954 ; elle n’atteindra jamais les 2% de la population totale du pays. L’on sait qu’en 1870 Adolphe Crémieux (descendant de juif du Comtat Venaissin) donne la nationalité française aux israélites résidant sur le territoire des trois départements d’Algérie. Durant cette période l’antisémitisme est à chercher chez certains colons français et, outre des pogroms (où on peut recruter en plus des jeunes Arabes), on voit tant Alger en 1898 et 1901 avec Max Régis un maire élu sur une liste antijuive que le pays envoyer quatre députés sur six de cette sensibilité élus en 1898 (pour cette période voir le roman La Cina).

Par contre les émeutes de Constantine en 1934 qui frappent les juifs sont dues à l’initiative des musulmans. On sait que le statut des juifs promulgué par Vichy s’applique en Algérie, on sait moins qu’il perdura en partie onze mois après la conquête du pays par les forces anglo-américaines. Macache sur ce sujet dont on attendait au moins un chapitre.

Si quelques juifs agissent pour l’indépendance algérienne, dont Henri Alleg ou Daniel Timsit, la quasi-totalité de la communauté israélienne quitte le pays essentiellement en 1962 et dans un degré bien moindre après l’arrivée en 1965 de Boumediene. Environ 20% ont gagné Israël et environ les trois-quarts s’installent sur le sol métropolitain ; l'auteure ne se risque à aucune évaluation du nombre d'israélites vivant encore en Algérie autour de l'an 2000 (quelques dizaines à notre avis).  Elle fait l'impasse sur les assasinats dans les années 1980 de José Belaiche et Raymond Louzoum. On apprécie beaucoup l’index des noms de personne, l’index des noms de lieux et la chronologie du pays.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

Par - 734 avis déposés - lecteur régulier

465 critiques
07/10/16
Ammar Saïdani accuse l’ancien patron des services secrets algériens d’être à l’origine des sanglants événements interethniques qui ont secoué la wilaya de Ghardaïa et qui avaient mis aux prises les communautés malékite et ibadite (ou kharidjite).

http://m.le360.ma/page.php?link=/politique/le-chef-du-fln-accuse-lancien-patron-du-drs-detre-derriere-les-evenements-de-ghardaia-90161
318 critiques
16/03/17
Un numéro de la revue « Expressions Maghrébines » est consacré aux « Nouvelles expressions judéo-maghrébines ».

http://ali.hypotheses.org/40
465 critiques
14/04/17
Mort de l’historien André Nouschi
http://mobile.lemonde.fr/disparitions/article/2017/04/12/mort-de-l-historien-andre-nouschi_5110228_3382.html?xtref=https://www.google.fr/
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