Avis de Ernest : "Les Celtes étaient-ils les Suisses de l’Antiquité en matière de mercenariat?"
Les Ausonius éditions relèvent de la Maison de l’Archéologie qui dépend de l’université de Bordeaux. Dans l’introduction, l’auteur cite Theodor Mommsen, un historien allemand qui écrivait en 1854 que les mercenaires celtes ont été les lansquenets de l’ancien temps. Rappelons que la différence entre un lansquenet et un suisse est uniquement d’ordre géographique. Les deux sont des fantassins, mais les premiers proviennent de la partie germanique du Saint Empire au nord du Rhin, alors que les seconds sont originaires des cantons de la Confédération helvétique d’ailleurs alors tout aussi germaniques (si l’on excepte le Pays de Vaud qui est sous domination bernoise et une partie du canton de Fribourg).
Luc Baray avait donné en 2015 l’ouvrage Les mercenaires celtes en Méditerranée (Ve - Ier siècles avant J.-C.), il ne comptait que 116 pages aussi le livre De Carthage à Jéricho: Mythes et réalités du mercenariat celtique (Ve-Ier siècle a. C.) de 439 pages pourrait présenter une vision plus encyclopédique de cette question des mercenaires de l'Antiquité qui étaient recrutés dans les diverses Gaules avant qu’elles ne tombent dans l’escarcelle romaine.
Luc Baray annonce clairement que son but est de répondre à cette question : « quelle a été la part des contingents mercenaires celtes parmi les troupes de même origine ethnique qui luttèrent durant au moins cinq siècles dans les rangs des armées méditerranéennes ? » (page 11). Les textes anciens ont tendance apparemment à qualifier spontanément d’origine celte ceux qui combattaient comme mercenaires, or il s’avère que nombre de mercenaires étaient des hommes qui combattaient pour leur patrie.
Diverses épées celtes (image absente de l'ouvrage)
Se pose évidemment la question des sources, peu abondantes en matière littéraire et une documentation archéologique qui ne peut fournir des éléments de réponse conséquentes car se limitant à quelques armes typiquement celtes qui ont pu être retrouvées (et encore on n’est pas certain de l’origine de leur propriétaire) et des objets comme des fibules ont été certainement importés. Le mercenaire gaulois utilise généralement les armes en usage dans son propre pays et non celles de l’état qui l’emploie, car cela nécessiterait qu’il suive une formation à celles-ci. Toutefois une arme gauloise trouvée dans un autre espace géographique n’appartenait pas obligatoirement à un Celte. On sait que le père d’Alexandre le Grand est mort des coups d’une épée gauloise maniée par un des gardes du corps de Philippe de Macédoine.
Ce sont ces sources qui font l’objet de la première étude, les auteurs sont classés en trois catégories. Il y a ceux qui sont contemporains des faits relatés comme entre autres César, Hérodote, Polybe ou Xénophon, ceux qui ont une vie légèrement postérieure aux faits relatés ainsi en est-il de Diodore de Sicile, Tite-Live et Trogue Pompée, enfin on peut compter aussi sur des auteurs qui appartiennent à une période largement postérieure aux évènements en question comme Plutarque. À ce propos, on retiendra une belle unanimité négative sur la vision d’ensemble que tous donnent de ces Celtes mercenaires, une image « faite d’un subtil mélange de fascination, de peur et de rejet » (page 18).
Dans cette large introduction de quasiment quarante pages, on a aussi exposé la question du vocabulaire autour de ce sujet et une précision sur les caractéristiques du mercenaire en comparant celles-ci aux combattants citoyens, alliés et tributaires. Il est à noter que Rome se refusait à engager des mercenaires mais par contre, après traité avec certains peuples, soldaient des auxiliaires recrutés là où ils vivaient par leur chef de tribu.
Avec le premier chapitre, on se devait de commencer par le cas de Carthage tant l’armée punique est liée à cette forte présence et aux ennuis qu’elle put causer. Les mercenaires gaulois jouèrent un rôle important dans la victoire d’Hannibal sur les Romains à Cannes en août 216. C’est d’ailleurs en 480 avec la bataille d’Himère entre Syracuse et Carthage que les mercenaires gaulois entrent dans l’histoire. Ces Celtes appartiennent alors à l'armée carthaginoise qui est défaite lors de ce combat. Est examinée ensuite largement la situation des mercenaires celtes pour la situation de Syracuse, puis de certains ensembles comme celui des cités italiques, de la Gaule cisalpine (ce qui amène à définir le terme de "gésate") et de cas divers (Marseille, la Maurétanie et la Gaule même).
Avec la seconde partie on évoque les conditions de vie et d’emploi des mercenaires dans les univers successifs suivants : les cités grecques, la Macédoine, l’empire des Séleucides (une dynastie hellénique du Proche et Moyen Orient), les Attalides Séleucides (une dynastie hellénique qui règne sur Pergame) et les Lagides (autre dynastie hellénique qui gouverne l’Égypte).
Dans la conclusion, Luc Baray relativise l’importance généralement donnée au mercenariat celte par des historiens de notre époque, il pense que les deux siècles où celui-ci est vraiment manifeste sont les Ve et IVe siècles. La dernière partie propose onze cartes géographiques et la présentation des auteurs de l’Antiquité qui évoquent les mercenaires gaulois. Un index des noms de lieux et de personnes est bien apprécié.
Pour connaisseurs Quelques illustrations