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La Grande Guerre oubliée

La Grande Guerre oubliée
Perrin528 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Treize jours de différence entre le calendrier grégorien et le calendrier julien, déjà un petit moins face à l’Allemagne et à l'Autriche-Hongrie"

Alors que l’entrée en guerre de la Russie en 1914 a été largement disséquée et qu'elle eut des répercussions immenses sur l’avenir de ce pays et l’histoire mondiale, on méconnaît largement en Europe francophone la situation du front russe entre août 1914 et mars 1918. Les Belges, qui ont envoyé un corps d’auto-canons-mitrailleuses de 444 combattants (participent à cette expédition Julien Lahaut, futur dirigeant du Parti communiste belge, et Marcel Thiry écrivain belge et militant wallon), se sont généralement plus intéressés aux opérations menées là-bas. D’autre part, le général Wrangel, qui combattit à la tête des armées blanches jusqu’en novembre 1920, finit par se réfugier à Bruxelles où il décéda en 1928. Se trouvent une grosse vingtaine de documents de l’époque (dont des photographies et des affiches) avec une présentant des combattants du corps expéditionnaire russe en France. Il y a eu un travail sur les archives russes et une lecture attentive d’articles et livres d’étude sur la question traitée. Un index des noms propres est présent, de plus une demi-douzaine de cartes sont proposées.

L’ouvrage traite aussi de la période de la guerre civile et sont évoqués les corps francs allemands dans les pays baltes en 1919 (page 405), le traité de Varsovie du 20 avril 1920 et la poursuite du conflit entre Russes et Polonais au-delà de cette même année qui débouche sur le traité de Riga en mars 1920 (page 396). La dimension culturelle n’est pas absente, ainsi est souligné l’abondante production cinématographique durant cette période, alors qu’à la Belle Époque les créations en ce domaine avaient été peu nombreuses. L’auteur s’interroge également sur la mémoire qui s’est construite en Russie de la Première Guerre mondiale, mémoire entretenue par les productions littéraires et artistiques. Alexandre Sumpf déclare que dans le triptyque de motivations Dieu, le Tsar et la Patrie, dès le départ seul le premier élément est solide. Par ailleurs il pointe l’écart entre les possibilités théoriques immenses de ressources en hommes de la Russie et une réalité où on ne mobilise pas la plupart des hommes issus des minorités (car on doute de leur loyauté) et le manque de possibilité de renouvellement de l’armement existant.

De plus la Russie doit tenir un front immense depuis le nord de la Prusse jusqu’aux bouches du Danube (après l’entrée en guerre malheureux de la Roumanie) et combat en plus en Arménie. L’auteur montre bien que l’hostilité aux juifs et Allemands s’accroît du fait qu’ils constituent des masses de réfugiés issus des provinces occidentales de l’Empire russe (maintenant occupées par les armées germaniques). L’incapacité à exercer un contrôle sur la distribution des produits alimentaires et la gabegie des autorités militaires créent des possibilités de développement pour la famine. L’auteur ne pose pas la question de la corruption, mais nul doute qu’elle doit aggraver considérablement les conditions de vie des civils comme des soldats. La Grande Guerre prend fin ici en mars 1918, avec la signature du traité de Brest-Litovsk ; toutefois les antagonismes dans les divers groupe sociaux, les différentes organisations politiques et les nombreux peuples de l’Empire russe font que la guerre civile, qui suit la paix avec les empires centraux, sera longue.

Globalement on a l’impression que le pays vivait en 1914 dans un équilibre très fragile, dont il avait peu conscience. Son expansion impérialiste avait été fulgurante et il n’avait jamais pris le temps de la gérer, son développement économique récent s’était fait avec un recours à diverses aides venues de l’étranger. La population civile a souffert mais pour une part non négligeable de la part de sa propre armée qui a commis de nombreuses exactions. Nicolas II ne s’intéressait qu’à ses loyaux sujets et ne s’est pas posé la question des mesures à prendre pour s’assurer le soutien des minorités nationales qui n’étaient ni orthodoxes ni russes au sens strict (au contraire, ils laissent se développer l’idée qu’elles sont potentiellement des traîtres), des partisans d’un libéralisme politique, des ouvriers radicalisés par les privations et les nombreux petits paysans.

Au-delà des caractères et des idées du tzar et de son épouse et surtout de qu’on en colporte (la tzarine est dite vouloir la victoire de l’Allemagne), la Russie apparaît comme un pays où la majorité de la population va bientôt se poser la question du respect qu’elle doit à ses dirigeants. "La Grande Guerre oubliée" est un ouvrage qui cherche bien plus à expliquer qu’à raconter le détail de ce qui se passe sur les fronts où l’armée russe combat sur son territoire national ou dans des régions voisines de celui-ci.

Pour connaisseurs Quelques illustrations Plan chronologique

Adam Craponne

Note globale :

Par - 734 avis déposés - lecteur régulier

12 critiques
19/11/14
La PGM vue du côté russe en somme (sans jeu de mot), c'est un thème incroyablement riche, bien traité par l'auteur si j'en crois votre critique. Il serait intéressant de voir aussi comment ce pays commémore le centenaire.
734 critiques
19/11/14
Voir http://fr.ria.ru/guerre_oubliee_avis/20140730/201981454.html pour constater que le régime actuel entend exonérer la Russie tzariste de tous les péchés qu'un historien pourrait lui attribuer. Un gros souci de l'image du pays à donner à l'intérieur et à l'extérieur.
734 critiques
19/11/14
On notera que le chapeau de tous ces textes est "guerre oubliée" comme le titre du livre. Un beau texte qui en fera sourire beaucoup en France http://fr.ria.ru/guerre_oubliee_avis/20140701/201683247.html "blitzkrieg" est évidemment un anachronisme, mais Alexandre Sagomonian n'est pas ici à une contorsion prèsVoir un autre ton qui explique d'ailleurs en filigrane  "guerre oubliée" car "guerre perdue" http://fr.rbth.com/opinions/2014/06/25/redecouvrir_la_premiere_guerre_mondiale_29695.html?code=8235cd3fe776b55bf43b3592b7ce9de0
734 critiques
20/11/14
Ce qui ressort du discours officiel russe actuel est donc:
1) on n'est pas des fauteurs de guerre
2) si les Alliés ont pu gagner c'est parce que notre offensive en 1914 a empêché la prise de Paris
Bref on voulait pas y aller, on est parti avant la fin mais on nous doit beaucoup !
663 critiques
28/12/16
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