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Avicenne ou l’islam des Lumières

Avicenne ou l’islam des Lumières
Flammarion416 pages
1 critique de lecteur

Avis de Patricia : "La véritable science élève les plus humbles (Avicenne)"

Ceux qui habitent la région parisienne ont souvent entendu parler de l’hôpital Avicenne, ce dernier est situé à Bobigny et s’il ne prit ce nom qu’en 1978, sous le nom d’Hôpital franco-musulman de Paris, il fut inauguré en 1953, quoique les premiers bâtiments furent en usage dès 1935.

Avicenne, en arabe Abu 'Ali al-Husayn Ibn Abd Allah Ibn Sina, fut l'un des plus grands personnages du monde musulman de la période médiévale. De langue maternelle persane, il est le fils d’un très haut fonctionnaire au service des Samanides, une dynastie iranienne qui prend le pouvoir après la conquête arabe de la Perse. Un des derniers souverains de cette lignée, à savoir Nuh II fut soigné par le jeune médecin Ali ibn Sina en 997. Au sommet de sa gloire, l’Empire samanide s’étendait  du cours supérieur de l’Indus à la Mer Caspienne à l’ouest et jusqu’ à la Mer d’Aral au nord.

C’est près de Boukhara en Transoxiane que naît Avicenne en 980. Son œuvre médicale a un grand intérêt historique, et son discours philosophique, à la croisée de la pensée orientale et de la pensée occidentale, est toujours étudié. D’ailleurs  Omar Merzoug s’attache à le maintenir vivant au début du XXIe siècle en particulier dans le cadre des enseignements qu’il dispense aux futurs imans en formation à la Grande mosquée de Paris. Relevons que le père d’Avicenne était un chiite ismaélien ; le courant  ismaélien se distingue du chiisme duodécimain, devenu la religion officielle de la Perse au début du XVIe siècle. Aujourd’hui, il y a plusieurs ensembles d’ismaéliens dont les druzes du Liban et des groupes dans divers pays en Asie (dont l’Inde et la Chine). Pour se repérer, on a page 188 un tableau de la généalogie des courants de l’islam.

Lorsque  Omar Merzoug nous conte la vie de son héros, il ne manque pas de nous fournir des explications autour de l’islam, ainsi page 59 il apprend au lecteur béotien la distinction faite entre les sourates révélées à La Mecque et celles descendues à Médine.  Page suivante il est question des versets abrogés et des versets abrogeants. L’interprétation éclairée que fait Avicenne de l’islam est régulièrement opposée à la lecture sclérosée qui se met en place en son temps et se développe à différents époques (dont la nôtre).

D’autre part est évoquée la base de la philosophie grecque, matière qui est connue finement par Avicenne. Sa connaissance de l'aristotélisme passe par le commentaire sur la métaphysique d'Aristote du à Al-Farabi. Sont évoqués dans le début des pages 160, les traducteurs de la philosophie grecque en arabe, certains étaient chrétiens commeIbn Zûr’a, Yahya Ibn’Adî, Qûsta Ibn Lûqa, Ibn al-Bitrik ou Abû Bischr Matt Ibn Yûnûs. En matière de philosophie tant que de médecine, Gallien est le maître de notre personnage (voir la fin des pages 70).

C’est dans les pages 180 que sont approchés les discours médicaux d’Avicenne, on sait que l’Andalou Averroès les étudia attentivement, en donnant les ouvrages Commentaires sur les canons d'Avicenne et Exposé du poème médical d'Avicenne. Au XVe et XVIe siècle, en Europe occidentale, le Canon d’Avicenne est le livre le plus diffusé derrière la Bible. « Ce qui frappe d’emblée, c’est que l’attitude d’Avicenne à l’encontre de la médecine est l’une des plus révélatrices qui soient de son rationalisme et de sa puissante faculté de synthèse » (page 182). On avance que Avicenne est le premier à poser le caractère psychosomatique de certaines maladies et dans Le Livre de la Guérison (un ouvrage à contenu philosophique), Avicenne dissserte autour de la relation corps-esprit.

On apprécie les cartes de géographie historique permettant de comprendre la diversité politique du monde musulman au Xe siècle. Il est toutefois dommage que toutes les villes où Avicenne réside longuement n’apparaissent pas toutes sur ces cartes, ainsi Gûrgandj (aujourd’hui Kounia-Ourgentch), ville importante du Khwarezm où il rencontre vers l’an 1000 l’érudit al-Bîrûni (de sept ans son aîné) n’apparaît pas sur les cartes.

On a de nombreuses informations textuelles sur les principautés musulmanes (reconnaissant formellement l’autorité des califes abbassides) et leurs souverains tout au long de l’ouvrage, on relève en particulier un long développement, dans les pages 120, autour des Ghaznévides, dynastie fondée par Mahmûd de Ghazna né en 971 et grand destructeur de temples hindous dans le Penjad.  Avicenne refusa de se mettre à son service.

Si l’auteur s’appuie sur une solide documentation, le style de l’ouvrage s’apparente assez au roman, ce qui rend sa lecture passionnante. Chaque lecteur choisira son niveau de compréhension, certains feront une lecture plus sobre que d’autres en ne s’attardant pas sur tous les discours explicatifs. Ceux qui se passionnent pour l’histoire politique et culturelle du monde musulman  au temps des Abbassides, apprécieront en particulier l’index des noms des personnes citées couvrant quatre pages.     

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Patricia

Note globale :

Par - 177 avis déposés - lectrice régulière

177 critiques
07/03/21
Omar Merzoug : " Pour Avicenne la philosophie c'est une entreprise de guérison et de purification "
https://www.franceculture.fr/emissions/questions-dislam/omar-merzoug-pour-avicenne-la-philosophie-cest-une-entreprise-de-guerison-et-de-purification
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