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L’islamologie appliquée: principes et méthodes

L’islamologie appliquée: principes et méthodes
L’Harmattan210 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "L’islamologie sans peine"

Mathieu Guidère est depuis 2016 professeur à l'Université de Paris 8. Il a écrit une trentaine d'ouvrages sur la langue et la culture arabes, ainsi que sur l’islamisme radical. Il est enfin co-fondateur du Cercle K2 (lieu d’échanges multidisciplinaires) et de Radicalization Watch Project un programme de recherche tripartite (France-États-Unis-Canada) cherchant à explorer les facteurs de basculement dans l’action violente ou terroriste.

L’islamologie a de nombreux sous-sujets d’étude, et l’ouvrage en fait le tour. Tout d’abord, il s’agit évidemment de s’intéresser au Coran et se pose le problème que ce texte n’a pas été mis en forme par le Prophète et qu'en plus son écriture n'est au départ que consonnatique. Parmi les questions les plus sensibles, la dimension de l’abrogation est capitale. Rappelons que les adversaires (et Lina Murr Nehmé en est un très bon exemple) de tout ce qui relève de la religion musulmane avancent que cette disposition permet de tenir un double-langage ; les penseurs musulmans contemporains mettant en valeur des versets tolérants face à des mécréants occidentaux et appliquant les versets qui les abrogent lorsqu’ils gouvernent un pays. Le passage suivant m’a semblé un des plus intéressants du livre :

« Mais les auteurs musulmans ne sont pas d’accord sur le nombre de versets coraniques abrogés. Ils oscillent entre quelques dizaines et plusieurs centaines en fonction des critères adoptés pour la délimitation du phénomène. Les auteurs classiques citent entre 200 et 300 versets abrogés (sur un total de  6234 versets du Coran).

Or, même du point de vue purement théorique, l’abrogation suscite des interrogations chez les penseurs musulmans anciens comme contemporains, sunnites ou chiites. Les oulémas de l’école mutazilite (rationaliste) récusent l’idée même qu’un texte sacré puisse abroger un autre car cela impliquerait que Dieu a manqué de clairvoyance et ne s’était pas rendu compte (badâ lahu) des implications du premier verset révélé puis abrogé » (page 20).

Le chapitre suivant expose les doctrines des écoles juridiques dans le sunnisme et des tendances  très diverses du chiisme. On voit quelles sont les sources du droit musulman selon chaque courant religieux. L’islamologie s’intéresse également à l’histoire de l’islam et  en particulier comment se manifestent le djihad ainsi que les diverses formes que prit le califat au cours des siècles, en faisant d’ailleurs l’impasse sur l’appel au djihad par le calife ottoman durant la Première Guerre mondiale.        

Parmi les autres réflexions, on relève celles sur la notion du martyre, la propagande islamiste sur internet ainsi que sur des affiches, les formes que prend la violence verbale des discours salafistes. L’auteur montre que la traduction des textes relève de la mission impossible car les mots arabes employés ont une connotation souvent en lien avec un texte sacré, par ailleurs des écrits apparemment anodins comme une recette de cuisine renvoient en fait à un mode de fabrication d’explosifs. Les raisons et la forme que prend l’iconoclasme musulman sont traitées. L’extrême intérêt des combattants de Daech pour les femmes non-sunnites est bien expliqué dans toutes ses dimensions (pages 149-153).

Des grilles d’observation des comportements de radicalisation, tant du point de vue des idées avancées que de l’apparence corporelle ou vestimentaire sont proposées. En conclusion, l’auteur invite maintenant à réfléchir sur les germes d’une pensée musulmane contemporaine qui prônerait a contrario, vis-à-vis des non-musulmans, un vivre-ensemble. Les facteurs culturels du terrorisme islamiste et les actions violentes qui en découlent se trouvent ici expliqués de façon magistrale. C’est un point fort de cet ouvrage de très bonne vulgarisation, mais pas le seul.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

Par - 465 avis déposés - lecteur régulier

318 critiques
04/01/19
Autre chose qui rend le Coran illisible : les versets « abrogeants ». Comme si Dieu avait regretté avoir inspiré certains versets à son prophète et les aurait abrogés par d’autres versets. C’est totalement absurde.
https://www.medias24.com/MAROC/IDEES/188410-Youssef-Seddik-Nous-vivons-un-islam-abbasside-entache-de-culture-persane.html
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