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Penser la laïcité dans l’islam

Penser la laïcité dans l’islam
L’Harmattan153 pages
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Avis de Benjamin : "Des discours musulmans variés se confrontant à la laïcité"

Ce livre est sous-titré Analyse des discours musulmans sur la laïcité en France. L’auteur, dans son introduction à la page 11, identifie trois paradigmes dans les discours musulmans tenus par des auteurs qui ont vécu plus ou moins longtemps en France.  Ce sont :

1. Le paradigme de la laïcité comme égalité

2. Le paradigme de la laïcité comme complot contre l’islam

3. Le paradigme de la laïcité comme salut pour l’islam.

La majeure partie des discours répertoriés relèvent de la première catégorie, ils sont au nombre de cinq et sont tenus par Tariq Ramadan et Latifa Ibn Ziaten. Ils  sont qualifiés de réformistes, mais dans une optique « visant à redresser les conditions de la civilisation islamique tant au niveau religieux que politique. Ils ont intégré à leur démarche les aspects techniques et scientifiques de la modernité, qu’ils ont combinés avec un appel à un retour aux fondements de l’islam dans sa foi, sa loi et son éthique tels qu’ils existaient avant la décadence » (page 39). Ce paradigme revendique un traitement égal des musulmans et des non-musulmans en France, en mettant l’accent sur l’importance du cadre de l’inégalité dans les difficultés de l’application de la laïcité en France. L’attitude générale des discours réformistes islamiques en France est de revendiquer le droit à la différence et à l’égalité, une laïcité qui respecte l’autonomie et la liberté de pratiquer la religion, y compris dans l’espace public » (page 11).

Plus loin, Abdessamad Belhadj conclut « que les discours musulmans réformistes sur la laïcité sont généralement orientés vers les droits, c’est-à-dire qu’ils s’intéressent peu aux devoirs et aux responsabilités des musulmans dans leur adaptation à la société française laïque. Ces leaders musulmans contestent l’application actuelle de la laïcité dans l’État français comme étant discriminatoire et stigmatisante pour les musulmans. Les revendications de diversité, de différence et de liberté sont censées être résolues si l’État traite les musulmans et les non-musulmans de la même manière, tout en acceptant les revendications identitaires des musulmans   en matière d’habillement, de prière dans la rue, etc. Cependant, l’analyse des cinq ouvrages révèle que leurs auteurs ne semblent pas conscients de la contradiction inhérente à leurs discours, qui oscille entre la revendication d’égalité et la croyance en l’exception identitaire musulmane » (page 61).

Pour le second paradigme, la laïcité contre l’islam, Abdessamad Belhadj a choisi les écrits de deux théologiens salafistes Aïssam Aït-Yahya et Karcem El Hidjaazi plus le penseur néo-traditionnaliste Youssef Hindi. Voici la conclusion de cette étude spécifique : « Il apparaît que les origines de ce paradigme résident dans une vision "victimaire" de l’histoire musulmane "persécutée" pat la sécularisation, une croyance dans la spécificité de l’islam comme identité pure et dogme particulier qui seraient corrompues par la laïcité. Ce paradigme s’inspire de la littérature salafiste arabophone sur la laïcité assez radicale dans son rejet de la laïcité, avec une vision figée de la tradition qui refuse le renouveau et la modernité et une attitude anti-politique qui se referme sur l’autorité religieuse pour rester à l’écart du pouvoir politique, quitte à entretenir l’imaginaire d’une cité musulmane idéale » (page 98).

Youssef Hindi voit dans la laïcité un complot juif ourdi en s’appuyant sur les idées de Jacob Franck. Ce juif polonais, mort  dans le landgraviat de Hesse-Darmstadt, rejeta les normes religieuses et déclara que ses partisans étaient dans l'obligation de transgresser autant que possible les limites morales. Pour lui le "vrai Dieu" ne peut être révélé qu'à travers une destruction totale des structures sociales et religieuses créées par le "faux Dieu".  Ces idées auraient inspiré la franc-maçonnerie. Par ailleurs les Rothschild auraient été à la manœuvre anciennement et au début du XXIe siècle, Vincent Peillon (ministre de l’Éducation nationale, parce que né d’une mère d’origine juive alsacienne, aurait largement agi pour promouvoir la laïcité (page 89). Rajoutons personnellement que Vincent Peillon dirige par ailleurs la collection "Bibliothèque républicaine" aux éditions Le Bord de l’eau, ce qui ne peut que constituer une circonstance aggravante pour Youssef Hindi.

Les idées de laïcité, comme opportunité salutaire face une crise de l’islam, par Ghaleb Bencheikh et Abdennour Bidar. Ce dernier paradigme est, dans une certaine mesure, soutenu par l’État français. On est ici dans l’islam dit des Lumières, de l’islam libéral ou de l’islam spirituel. Abdennour Bidar a donné en 2021  Génie de la France - Le vrai sens de la laïcité  ;  il est agrégé de philosophie à l’origine et est actuellement inspecteur général de l’Education Nationale chargé de mission sur la pédagogie de la laïcité. Il a précédé Ghaleb Bencheikh pour la présentation le dimanche matin de l'émission Cultures d'islam sur France culture. Ghaleb Bencheikh appartient à une tradition familiale soufi  et est Depuis 2018 président de la Fondation de l'islam de France.

Il y a toutefois des nuances entre les idées de ces deux penseurs. « Ghaleb Bencheikh considère la laïcité comme un moyen de garantir la liberté religieuse des musulmans tout en demandant à l’État français d’accepter l’islam dans l’espace public. La laïcité est perçue par Bencheikh comme un cadre qui garantit la liberté de pratiquer la religion et l’égalité de traitement entre toutes les religions et philosophies. Cela devrait encourager la liberté de conscience chez les musulmans et garantir la coexistence entre l’Islam et les autres.     

Quant à Bidar, il promeut une synthèse entre l’islam spirituel et les Lumières françaises. Bidar a élaboré son discours sur la laïcité de la manière la pus réfléchie dans Génie de la France: le véritable sens de la laïcité (2021). Ce livre entend défendre l’idée d’une spiritualité laïque, la concevant comme une spiritualité areligieuse et une mystique universelle. Nous avons montré que Bidar reste peu clair sur la nature de cette spiritualité laïque, et qu’il généralise d’une manière excessive ses définitions de l’islam et de la laïcité. Son discours sur la laïcité est fortement marqué par les politiques sécuritaires de l’État français contre le terrorisme islamique et par un républicanisme passionné, même s’il prend ses distances avec le laïcisme de certains milieux en France. Finalement, le discours de Bidar est ambitieux, mais fort limité au sujet des liens qu’il imagine entre le religieux et le politique. Sa conception de la spiritualité laïque est susceptible d’aliéner les communautés musulmanes et davantage semer le trouble parmi les décideurs politiques  » (page 129).

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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