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Pie VII, le pape qui défia Napoléon

Pie VII, le pape qui défia Napoléon
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Avis de Benjamin : "Pie VII, pape du Concordat de 1801, n’était pas un mauvais bougre"

Moine au départ, Luigi Chiaramonti devient, l’année de ses quarante ans, évêque de Tivoli en 1782 et évêque d’Imola en 1785, année où il devient cardinal. Son pontificat dure de 1800 à 1823. Il achète, dans les années 1770, L’Encyclopédie de Diderot (ce qui prouve son ouverture d’esprit) lorsqu’il est bibliothécaire au monastère San Giovanni Evangelista de Parme. Dans ce duché, il assiste en 1768 à l’expulsion des jésuites, le français Léon Guillaume du Tillot,  conseiller du jeune Ferdinand Ier, est à l’origine de cette mesure et d’autres défavorables aux intérêts de l’Église.

Les États pontificaux sont envahis par les armées du Directoire et en 1796, une forte rébellion des habitants naît à Lugo (non loin d’Imola) suite à un pillage en règle de la cité par l’armée napoléonienne. Devenu évêque d’une cité de la République cisalpine (état constitué par Bonaparte le 29 juin 1797), il prononce pour la Noël 1797 un sermon demande aux fidèles de prêter allégeance à ce régime, en faisant toutefois de l’Évangile le fondement des valeurs démocratiques. On peut en juger : « Oui ! mes chers frères, soyez de bon chrétiens, et vous serez d'excellents démocrates. La forme du gouvernement démocratique adoptée chez nous n'est point en opposition avec les maximes que je viens de vous exposer. Elle ne répugne pas à l’Évangile. Elle exige, au contraire, ces vertus sublimes qui ne s'acquièrent qu'à l'école de Jésus-Christ. Si vous les pratiquez sérieusement, elles seront le gage de votre bonheur, de votre gloire et de la splendeur de notre République. La seule indépendance que donnait aux anciens la forme de gouvernement dont ils jouissaient les avait ornés d'une foule de vertus. Républicains et, de plus, chrétiens, quels modèles de sainteté ne doivent pas être les citoyens d'Imola ! ».

Par fidélité au désir de Pie VI, l’élection d’un nouveau pape se déroule dans la ville qui comptait le plus grand nombre de cardinaux. Ce lieu est Venise, une ville qui vient de tomber dans l’escarcelle autrichienne. Vienne essaie en vain de peser sur l’élection et Luigi Chiaramonti est élu essentiellement parce qu’il n’est pas le candidat de l’Autriche, qu’il est l’homme de compromis entre deux factions qui n’arrivent pas à imposer leur poulain au bout de quelques mois (la vacance sur le trône de saint Pierre a duré 197 jours) et parce qu’il est nécessaire d’avoir un pape jeune dans des temps que les cardinaux jugent difficiles au présent et à l’avenir.

Les rares cardinaux nés dans le royaume de France sont absents car partis en exil en Allemagne et on ne compte comme ayant le français comme langue maternelle le seul Jean-Sifrein Maury né à Valréas dans le Comté Venaissin. Ce dernier fut député du clergé de Péronne en Picardie, car il était alors prieur du monastère de Lihons. Il deviendra évêque de Paris, par la seule grâce de Napoléon Ier, Pie VII refusant de cautionner ce choix.

Couronné le 21 mars 1800 pape, dans une petite chapelle attenante au monastère de San Giorgio, Pie VII rejoint Rome où la population le 3 juillet 1800. Dans des états réduits de taille et restaurés, le nouveau pape modernise son administration.  

La question qui intéressera le plus certains lecteurs sera de savoir comment fut négocié le Concordat dont la signature se fit en juillet 1801. Ce sujet nous intéressant particulièrement nous avançerons parfois quelques informations non fournies dans l’ouvrage. Le 18 septembre 1794, le budget de l’Église constitutionnelle est supprimé, et la séparation de l’Église et de l’État est prise par le décret du 3 ventôse an III (21 février 1795).

Il faut d’abord rappeler que le 28 décembre 1799 (soit un mois et demi après le coup d’état qui fait de Bonaparte le Premier Consul), tous les prêtres qui prêtent la nouvelle constitution de l’an VIII (adoptée le 13 décembre 1799 et ratifiée début janvier par un plébiscite dont on avait déjà prévu de tronquer les résultats). Au cours de l’année 1801 il y a de nombreux retours de prêtres réfractaires exilés.

Le 5 novembre 1800 arrivent à Paris Mgr Spina archevêque in partibus de Corinthe (qui avait rencontré Bonaparte à Valence lors du retour du général d’Égypte où était retenu prisonnier Pie VI) et le père Caselli un théologien réputé général de l’ordre des Servites de Marie (qui traduira en latin le texte du Concordat). L’abbé Bernier est leur interlocuteur ; il est non-jureur, fait partie du Conseil supérieur des armées vendéennes et vit clandestinement jusqu’à l’établissement du Consulat. En fait cet homme d’Église se fait le porte-parole du Premier Consul. Il est secondé à Rome par le diplomate François Cacault ; lors de son séjour en Italie il avait acheté plus d'un millier de peintures et plus de cinq mille estampes, ce qui donnera la création d’un musée à Clisson.

Bonaparte trouve que l’examen du texte, qu’il propose par le pape et ses experts, traîne en longueur aussi il menace de faire occuper Rome. La convention de 1801 est le seul texte signé par le pape. Ils fixent le nombre des paroisses et reconnaissant les cultes protestants. Bonaparte obtient  le renouvellement total de l’épiscopat français avec un nouveau découpage des diocèses, la reconnaissance par l’Église de l’aliénation de ses biens, pour les prêtres un serment de fidélité au gouvernement ainsi qu’à la constitution.   Rome gagne une reconnaissance d’un statut particulier de l’Église catholique dans l’État français et la prise en charge d’une partie de son fonctionnement par notamment la salarisation des prêtres. Le pape obtient toutefois la possibilité de ne pas consacrer un évêque choisi par le chef de l’État en lui refusant l'investitture canonique.

Certains évêques réfractaires refusent de démissionner, de ce fait certains fidèles refusent également le Concordat et cela donne naissance à la Petite Église, plus spécialement présente dans le Poitou. Dans les anciens Pays-Bas autrichiens et l'ancienne principauté de Liège, le Concordat a cours jusqu'en 1830; il devient caduque à l'indépendance de la Belgique, sans avoir été dénoncé tant d'un côté que de l'autre. Ceci est une remarque toute personnelle.

Les articles organiques de 1802 n’ont pas été soumis à l’avis de Rome, ils obligent d’avoir l’avis du préfet pour déterminer les limites de la paroisse, les conditions pour devenir ecclésiastique, l’interdiction de cérémonie religieuse catholique hors les murs des églises lorsque la commune possède un temple, ils fixent les salaires des ministres du culte, de plus la publication des brefs et des bulles papales est désormais soumise à l’approbation du gouvernement. Par ailleurs ils règlementent l’exercice des deux cultes protestants (calvinistes et luthériens).

Le sacre de Napoléon en 1804 emmène le pape à effectuer un périple, marqué par des étapes importantes (où un évènement particulier se déroule) à savoir Florence, Turin, Suse pour l’Italie. Il passe les Alpes au Mont-Cenis. Le futur et nouveau Napoléon manque d’égard envers le pape et on sait que la cérémonie de couronnement ne se déroule pas comme convenu.

La période des cinq années suivantes installe progressivement la rupture qui débouche sur l’internement de Pie VII dès juillet 1809,  principalement en raison de son refus formel de renoncer à la souveraineté temporelle des États de l’Église mais assu par refus d'investiture canonique d'évêques. En avril 1810, le mariage de Napoléon et Marie-Louise est consacré par le cardinal Fesch l'oncle de l'empereur, et treize cardinaux refusent d’y participer. Ils considèrent l’empereur comme bigame puisque ce dernier n’a pas obtenu l’annulation de son mariage avec Joséphine. Les treize cardinaux en question sont : Mattei, Pignatelli, Scotti, Della Somaglia, Consalvi, Brancadoro, Saluzzo, Galeffi, Litta, Ruffo, Oppizoni, Gabrielli, di Pietro. Comme Napoléon leur interdit de porter leurs habits de cardinaux, donc pas de rouge et de soutane, ils sont qualifiés de "cardinaux noirs", ils sont d’autre part exilés et placés sous la surveillance de la police.

Le 19 janvier 1814, Napoléon restitue ses États au pape aussi ceui-ci rentre triomphalement à Rome le 24 mai 1814. Pie VII restaure les réformes libérales d'inspiration française qu'il avait instaurées dans les années 1800. On a l’impression que l’autoritarisme de Napoléon a fait basculer l’Église dans une opposition durable aux idéaux de la Révolution alors que Pie VII au départ entendait s’accommoder de certains d’entre eux.

 

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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