Avis de Benjamin : "Mal nommer les choses, c’est contribuer au malheur du monde (Camus)"
Cet ouvrage a pour sous-titre Pacte unioniste pour l’École conviviale de demain. Ce sous-titre est bien plus le reflet du contenu que le véritable titre. L’Harmattan retombe là dans son péché mignon qui est de proposer des titres accrocheurs.
Son auteur est belge et il est actuellement président du comité de direction du Service Public Fédéral Finances. Enseignant à l’Université auparavant, il a été aussi échevin (comprendre maire adjoint) Mouvement réformateur de Woluwe-Saint-Pierre, est une commune de Belgique située dans la région de Bruxelles-Capitale. C'est l'une des communes résidentielles les plus huppées et les plus vertes de la capitale. Le Mouvement réformateur appartient à la famille libérale francophone ; il réclame plus de fermeté en matière de sécurité, de justice, de laïcité ou de droits des femmes et il refuse ainsi l'accès à des fonctions dans le service public à des femmes portant le voile. Favorable à une mixité sociale pour éviter le communautarisme, il s’est divisé entre partisans et adversaires de la loi ouvrant le mariage aux personnes homosexuelles.
Jean-Claude Laes a évoqué notamment la Déclaration des doits de l’homme et du citoyen, où l’auteur souligne que le curé du Vieux-Pouzauges (Dominique Dillon ajouterons-nous, dont d’ailleurs l’influence entraîna l’acceptation de la Constitution civile du clergé par près de la moitié des prêtres du canton de Pouzauges) est responsable de la version finale de l’article X à savoir : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Il souligne que dans les Pays-Bas autrichiens (correspondant en gros aux actuels Belgique et Luxembourg, moins la principauté longitudinale de Liège) en 1781 Joseph II accorde un acte de tolérance à tout acatholique, qu’il soit luthérien, calviniste, orthodoxe ou israélite. Ceci se fit alors que, dans le royaume de France, ce n’est qu’en 1787 on accorda un état-civil aux protestants et pas aux juifs.
À partir de fin 1796 dans les nouveaux départements outre-quiévrain s’appliquent les lois françaises et ceci jusqu’en 1814, ce qui explique un refus du Concordat imposé par Napoléon Ier par un petit nombre de fidèles belges. Lors du passage sous domination hollandaise, le roi Guillaume maintient et renouvelle le Concordat. Ce dernier n'est plus en usage à partir de 1830, année dépendance de la Belgique.
De 1831 à 1847 le jeune royaume de Belgique voit un heureux consensus en les catholiques qui obtiennent la liberté de l’enseignement et les libéraux qui gagnent les libertés de la presse et d’association. Sous l’influence des idées du Français Lamennais, l'État ne reconnaît aucune religion comme officielle mais reconnaît toutes celles alors existantes dans le pays : catholicisme, protestantisme et judaïsme. La Constitution de Belgique ne comporte pas le mot de Dieu toutefois l'État octroie un salaire et des retraites aux ministres du culte et sont donnés des cours de religion dans l'enseignement public, le salaire de tous les enseignants étant à charge de l'État. En 1847 les tensions entre l’Église et les laïques débouchent sur une formation d’un cabinet libéral homogène, ceci débouchera sur la volonté de doter chaque commune d’au moins une école publique.
Notre auteur propose des axes d’action afin d’officialiser plus clairement le caractère laïque de la Belgique. Ce sont : consacrer la séparation de l’Église et de l’État, ériger l’intolérance en délit, fixer des limites à la liberté religieuse et de conscience (particulière ment sanctionner des discours prononcés par un ministre du culte contre le gouvernement, une loi, un arrêté royal ou un acte d’autorité), revoir le mode de reconnaissance et de financement des cultes (actuellement sont financés le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme, l’islamisme, l’orthodoxie, l’activité laïque et le bouddhisme est en voie de l’être).
Jean-Claude Laes revisite didactiquement la question de l’enseignement sous la Révolution française et l’Empire en soulignant le rôle qu’eut Talleyrand (évêque d’Autun entre 1788 et 1791 et par ailleurs diplomate clé pour la naissance de la Belgique en 1831) dans la liberté de l’enseignement. On pourra rajouter que l’instruction populaire était le cadet des soucis de Napoléon Ier (qui possiblement même craignait un peuple français instruit dans son ensemble) et au pédagogue suisse Pestalozzi qui demandait de s’entretenir avec lui sur ce sujet, il répondit qu’il n’avait pas de temps pour l’ABC. Notre auteur montre l’emprise qu’exerça l’Église belge tant sur l’enseignent privé que sur l’enseignement public (certes dans une moindre mesure).
D’autre part les conséquences du Pacte scolaire de 1958 sont exposées ; c’est l’institution de la coexistence durable et concurrentielle de deux réseaux. Il semble qu’aujourd’hui, en matière du port du voile chez les fonctionnaires municipaux, chaque commune soit libre d’ériger conditions d’autorisations et interdictions. Nationalement le mouvement écologiste belge et le Parti du Travail belge (un parti né historiquement d'une scission marxiste prochinoise) sont les défenseurs du port du voile dans les administrations. Rapportons personnellement que Gilles Vanden Burre (un des leaders d’Écolo) a argumenté ainsi: « Je préfère que les femmes qui portent le voile soient sur le marché du travail que coincées chez elles ». À Molebech et Anderlecht, les employés communaux peuvent porter des signes religieux s'ils ne sont pas en contact avec le public ou s’ils n’ont pas de fonction d’autorité.
La première école islamique belge fut créée à la rentrée 1989 à Bruxelles. Les écoles islamiques sont financées par les régions communautaires (Flandre, Bruxelles ou Wallonie). La pilarisation belge est le reflet d’une société où l’on peut vivre en circuit fermé dans un univers catholique, laïque libéral ou socialiste. Un communautarisme islamique pourrait devenir une quatrième composante de l’univers belge. On est dans le vivre à côté bien plus que dans le vivre ensemble.
Selon notre auteur, le système scolaire belge ne répond pas aux exigences actuelles. Jean-Claude Laes révèle qu’une loi de 1975 permet la création d’écoles pluralistes toutefois des obstacles administratifs ont empêché leur développement. L’ensemble des sensibilités de l’espace social y seraient exposées sous le contrôle de représentants de ces mêmes courants d’idées. Il appelle à la fusion des différents réseaux afin de construire une école lieu de dialogue interculturel. Pour lui « il est donc grand temps que les deux plus grandes racines de nos valeurs européennes – à savoir le Christianisme et les Lumières – conjuguent encore davantage leurs efforts pour assurer la sauvegarde et le rayonnement de ces valeurs qui nous sont chères » (page 163).
Jean-Claude Laes avance « que ce sont les musulmans de notre pays qui seraient, les premiers, victimes de l’apartheid qu’engendre tout repli communautaire. Il nous appartient de leur tendre la main et de leur montrer – par nos actes- que nous souhaitons partager avec eux un désir universel de Fraternité » (page 165). Face à une sécularisation devenue très conséquente des sociétés occidentales, les catholiques oscillent entre un retour vers le traditionalisme et une ouverture œucuméniste large (un dialogue avec des personnes professant des idéologies différentes se référant on non à une religion). En Belgique, comme en France, on se demande quelles forces politiques pourront porter le projet d’une école modèle d’intégration sociale et culturelle.
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