Avis de Benjamin : "Un islam pour notre société laïque"
L’ouvrage est sous-titré Réparer le présent et préparer l’avenir. L’auteur est un islamologue franco-algérien, président de la Fondation de l'islam de France (ayant mission de renforcer la formation laïque des cadres religieux musulmans) depuis 2018 mais aussi l'animateur et producteur de Question d’islam sur France culture.
En une quinzaine de pages à chaque fois, l’auteur s’attache à réfléchir sur douze mots problématiques. Ceux-ci sont : fatwa, jihad, taqiyya, islamophobie, charia, sunna, salafisme, wahhabisme, islamisme, ouma, islamo-gauchisme et hijab.
Dans sa conclusion, il déclare que « en dehors de deux vocables "islamophobie" et "islamo-gauchisme", dont le caractère sulfureux et polémique ont été mis en évidence, tous les autres sont des arabismes de leur sens et mal compris, ainsi que des noms de systèmes idéologiques religieux et politico-religieux » (page 173).
Il précise que « L’ambition de cet ouvrage est d’occuper une position médiane entre, d’une part, les commentaires médiatiques et leurs raccourcis hâtifs et, d’autre part, les exposés savants émaillés d’une vaine érudition » (page 174).
À travers l’exemple du vocable "taqiyya", on perçoit bien comment le sens d’un mot peut être détourné par deux voies totalement différentes. Il a pris le sens de "dissimulation" auprès d’un public islamophobe, alors qu’il désigne en islam une possibilité d’adaptation, par précaution et discrétion. Il s’agit là de ne pas afficher sa foi musulmane si le fait de le faire peut conduire à une persécution allant jusqu’au risque de périr. De l’autre côté, ce mot de "taqiyya" est employée pour inviter les futurs terroristes à dissimuler leur foi dans la période où ils sont en réflexion dans le but de réaliser un attentat. On voit que le concept a été déformé par deux publics qui se méprisent mutuellement.
Ghaleb Bencheikh pense que l’œuvre de l’école laïque est capitale auprès des jeunes musulmans. « Le rôle des familles est primordial et la préparation des générations à venir se fait à travers l’instruction, l’acquisition du savoir et l’ouverture sur le monde et à l’altérité notamment confessionnelle, avec une inclination pour les valeurs esthétiques. C’est aux familles musulmanes de s’acquitter de leur devoir d’éducation, d’investir dans les cursus diplômants quels que soient les sacrifices consentis, leur "quoi qu’il en coûte" est à la mesure des enjeux de la cohésion nationale ; c’est à l’école de la République de préparer les citoyens en aiguisant leur esprit critique afin d’éveiller leur conscience des responsabilités. Il faut sensibiliser aux humanités, à l’art, à la musique et à la poésie. Ils constituent une imminente contre les radicalismes et les discours obscurantistes. Ainsi la jeunesse musulmane n’aura-t-elle plus à s’offusquer de la représentation des prophètes. Elle découvrira que la geste d’Abraham et la vie de Muhammad sont illustrés dans les magnifiques miniatures persanes et ottomanes depuis des siècles. Tout comme cette jeunesse doit faire sienne l’histoire de France et concourir au génie du peuple français en l’enrichissant des trésors de la civilisation islamique avec son art de vivre, son raffinement, son hédonisme. C’est ainsi que nous aurons des citoyens épanouis, forts d’une identité apaisée et heureux face aux identités malheureuses des une et meurtrières des autres » (page 176).
coup de coeur !Pour tous publics Aucune illustration