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Journal d’un collabo ordinaire

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Jourdan429 pages
1 critique de lecteur

Avis de Alexandre : "La Nièvre haut-lieu de la Résistance mais aussi de la Collaboration"

Il faut aller dans les remerciements pour aller trouver le nom du préfacier à savoir Sylvain Roussillon qui nous livre des informations intéressantes sur le Parti Franciste et son chef Marcel Bucard. On apprend que ce dernier participe les 16 et 17 décembre 1934 au Congrès international fasciste de Montreux, aux côtés entre autre du grec Geoge S. Mercouris  le père de la chanteuse Mélina Mercouri (et non Mercouris) ; cette information est à vérifier bien que rendue probable par le contenu suivant https://fr.metapedia.org/wiki/Le_fascisme_grec_de_Ioannis_Metaxas. Kristián Bene, dans un autre ouvrage, met en exergue le fait que le Parti Franciste est autorisé en zone sud comme d'ailleurs le PPF, ce qui n'est pas le cas de tous les mouvements collaborateurs.  

En histoire les raccourcis et les manques de vérification peuvent s’avérer coûteux ; ainsi lit-on page 375 que le gouvernement Pierre Laval a dissous les lignes nationalistes en 1936. C’est évidemment le gouvernement Léon Blum qui a agi et ceci par le décret du 18 juin 1936, en s’appuyant certes sur une loi du 10 janvier 1936 votée lors des derniers jours de présidence du conseil de Pierre Laval. Toutefois la IIIe République n’a rien à voir avec la Ve et cette loi, en préparation depuis deux ans, fut portée par Laurent Bonnevay président de la commission d'enquête sur le 6 février 1934, un homme qui  déclarait : « Je suis républicain modéré mais non modérément républicain » et qui compta parmi les quatre-vingt parlementaires à refuser les  pleins pouvoirs à Pétain. Les ultras de la Collaboration reprochèrent beaucoup de choses à Pierre Laval dans ses actions au présent et au passé, mais je pense que pas une fois on l'accusa d’être à l’initiative de cette loi.

Par ailleurs écrire page  282 que jamais des membres des partis ultra-collaborateurs ne furent appelés dans les gouvernements du régime de Vichy, c’est méconnaître le fait que Marcel Déat du RNP est ministre du Travail de mars à août 1944 rejoignant Paul Marion du PPF au gouvernement depuis août 1941. Par ailleurs en matière d’admiration pour le national-socialisme  il y avait, dans le dernier gouvernement de Pierre Laval (d’avril 1942 à l’été 1944), des personnalités, certes non membres du RNP, du PPF ou du Parti franciste,  comme Abel Bonnard qui aurait pu donner des leçons d’ultra-collaboration même à Marcel Déat et Paul Marion.       

Marcel Déat est né à Guérigny dans la Nièvre le 7 mars 1894. Il est détesté par Freddy Legrand, il est vrai que le RNP est un parti qui défend l’école laïque alors que notre Bourguignon est de culture catholique, « (le) RNP encore englué de crasse démocratique et républicaine, passablement "franc-maçonnard" » (page 404). Une citation significative de l'esprit de notre personnage:

« Être comme les autres, c’est ramper, se tordre les reins en courbettes, avoir toujours sur les lèvres le sourire de l’obséquiosité hypocrite, c’est admirer bruyamment la laideur, s’extasier devant le vice, lécher les bottes des puissants pour écraser les faibles, excuser les vilenies d’autrui pour se faire pardonner les siennes, c’est être partisan de l’Ordre par lâcheté et non par droiture, c’est nier Dieu pour n’avoir plus à le craindre, nier la vertu pour se complaire mieux dans le vice, encenser les fauves pour n’être pas dévoré par eux, louer la lâcheté pour cacher son propre manque de courage. »

C’est très intéressant de pénétrer les pensées de Freddy Legrand, un jeune qui à la fois croit agir pour le bien de son pays et a assez de lucidité pour comprendre dès le début 1943 que la majorité des Français désapprouvent ses actions. Par ailleurs on bénéfice d’un étonnant éclairage de la vie sous l’Occupation dans la Nièvre, avec des suspections non infondées (mais restant à développer) de complicité d’une partie de la gendarmerie avec la Résistance, ce qu’on retrouve ailleurs où par exemple certains gendarmes refusent d’arrêter les réfractaires au STO. Manque un récapitulatif de la vie de Freddy Legrand qui expose à la fois son présent et son passé de fin 1941 à l’été 1943. On se demande bien ce que vient faire page 27 le dos de la carte d’identité belge de Freddy Legrand, ajoutons au passage que plutôt qu’une note nous donnant le contenu bien partiel du recto, on aurait préféré avoir le recto.

Ce n’est qu’à la page 336 qu’on apprend de lui qu’il est « né dans une obscure ville d’eau de la Bourgogne du Sud, le 3 décembre 1917, d’une mère morvandelle et d’un père wallon, à cette époque soldat de 2e classe dans l’Armée belge ».  La commune de naissance pouvait être, selon nous, Bourbon-Lancy. Ceci nous a été confirmé par la mirie en question, il a un père Jean Legrand professur né à Verviers en 1888 et une mère Eugénie Marceau née en 1892 à Sémelay alors employée aux chemins de fer PLM, par son acte de naissance on apprend que cette dernière décède à Tournus le 11 décembre 1978. Son acte de naissance  porte mention "femme Legrand" sans autre précision, il y a eu donc mariage. Par ailleurs les archives de l'armée belge nous apprennent que le père servait dans les troupes du service du Santé.

Ceci explique sa scolarité à Bruxelles et dans l’Ardenne belge, sans compter sa découverte des aventures de Tintin dans le journal belge Le XXe siècle (page 361). Antoine Bruneau aurait dû nous fournir des informations sur une mère (qui apparemment n’aime vraiment pas son fils comme le dit la page 216) et un père dont on ne parle qu’à cette fameuse page 336. Cette foi dans le chef Marcel Bucard et le nationalisme (certes compris de façon particulière) s’explique par un contexte familial dont on ne sait pas grand-chose.

Notons qu’engagé dans l’armée, et plus particulièrement dans l’artillerie coloniale le 23 juin 1936 pour cinq ans, notre personnage séjourne assez longuement au Maroc et est donc sous les drapeaux à Toulon au moment de la déclaration de la guerre et y reste jusqu’à sa démobilisation vraisemblablement au milieu de l’été 1940. Il fait quelques allers-retours entre la zone sud et la zone nord avant de s'installer dans la Nièvre qui est toute en zone occupée.

Notons qu'au moins jusqu'à la fin 1941, notre personnage n'aime pas vraiment les Allemands:

«Je dors bien malgré le froid qui règne dans la chambre. Nous partons le lendemain par le car pour Chalon-sur-Saône. Je trouve la vie belle. J’aime le risque et le danger. Je sais que si je suis pris, je serai fusillé par les Fridolins pour port d’armes. Mais je suis bien résolu à ne pas me laisser prendre. Plutôt un hara-kiri que le poteau d’exécution, surtout par ces cons-là.»

C’est à Decize que Freddy Legrand est abattu par la Résistance le 1er février 1944.  L’ouvrage est très largement illustré, y compris de documents qui proviennent de la famille. Les commentaires sont de taille conséquente et on note en particulier  un petit texte sur la chanson Maréchal nous voilà (voir à ce propos La mélodie volée du maréchal). Il semblerait que ce livre soit une version un peu allégée de l'ouvrage Journal d'un vendu paru en 2016 chez un autre éditeur.       

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations

Alexandre

Note globale :

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