Avis de Adam Craponne : "Hitler mit uns!"
Voici un ouvrage qui met en lumière que soit l’occupation de leur pays par l’Allemagne nazie, soit les victoires du IIIe Reich emmènent certaines personnalités à se mettre au service des Allemands en tant que représentant d’une communauté censé être un peuple, une religion ou voire les deux.
Se ranger derrière Hitler, selon nous, cela se mesure selon cinq critères divers (on ne cumule généralement "au mieux" que deux ou trois caractéristiques):
- participer ou encourager l’holocauste des juifs et l’extermination des tziganes
- favoriser l’installation d’un état totalitaire persécutant opposants politiques et peuples minoritaires jugés comme étrangers au pays (comme les Serbes orthodoxes en Croatie, les Slaves en Hongrie, les Vaudois protestants et les Slovènes en Italie, les Ukrainiens et Russes en Transnistrie devenue roumaine)
- inciter au recrutement de nationaux qui vont combattre aux côtés des Allemands
- passer des accords financiers ou de main-d’œuvre qui favorisent la spolation des biens des persécutés et permettent d'augmenter la production de l’industrie de guerre allemande
- aider à la fuite de criminels de guerre
Le cas des tous les pays à travers une personnalité à l’exception de la Suisse. C’est d’ailleurs le point le plus faible, tout d’bord parce ce qu’il est traité en deux pages et demie. Il est souligné là le fait que l’or pris aux juifs et aux populations des territoires occupées servit à l’Allemagne pour payer des armements destinés à la Wehrmacht. Que met l’auteur derrière : « À partir de 1943, la Suisse ouvre son territoire à l’armée allemande pour des opérations en Italie » (page 121).
Par contre les autres points sont très bien traités, donnant les éléments essentiels à la compréhension de la situation du pays évoqué et des exemples de collaboration. Il est pertinent d’ouvrir avec Édouard VIII (plus tard connu comme duc de Windsor) et de pointer leur rôle qu’ils eurent lors dans l’absence de réaction à la remilitarisation en 1936 de la Rhénanie. On poursuit parmi ceux qui gagnèrent, dans leur aventure avec Hitler, le prix d’un exil ; il s’agit ici du grand mufti de Jérusalem.
Sont présentés les hommes qui collèrent le plus aux idées collaborationnistes dans leur pays : Szalasi pour la Hongrie (qui avait d’ailleurs une grand-mère arménienne),Viktor Arajs avec les Lettons, Ante Pavelitch (avec les croates) et l’action des autorités catholiques est principalement vue à travers l’aide aux oustachis, Chaim Rumkowski un responsable juif du ghetto de Lödz (en Pologne , près de Varsovie) , Laval pour la France, Joseph van de Wiele pour les Flamands (notre auteur consacre un livre rien qu’à Degrelle et les SS wallons, chez le même éditeur), le Norvégien Qisling, le Néerlandais Anton Mussert, le grec Ioannis Rallis, le général russe Andreï Vlassov (fait prisonnier en juillet 1942, lors de la bataille de Leningrad).
On remarquera, que mis à part Chaim Rumkowski et Laval, tous viennent de milieux conservateurs (voire réactionnaires). Le trajet de Laval, du socialisme vers la droite modérée, se fait avec la constance du pacifisme ; la lettre de la fille de Laval, en 1949, à l’ancien chancelier allemand Brüning à propos d’événements de 1931, n’est pas sans intérêt si le lecteur est prêt sortir de la vision caricaturale de maquignon auvergnat qu’on a donné à Laval.
Aujourd’hui une partie des héritages de Viktor Arajs, Ante Pavelitch et Szalasi est revendiquée par des secteurs de la population de leur pays.
On bénéficie souvent de longs extraits de paroles des leaders de ces mouvements, que ce soit pour leur procès ou dans le cadre d’un interview donné à un journaliste. Le contenu tire plus vers la collection d’informations, parfois peu connues (dans ce cas on aimerait connaître la source), que vers une réflexion sur les intentions, les modalités, les contradictions et le poids qu’eût la Collaboration.
Le "partout dans le monde" est à relativiser, on est toujours en Europe avec une pointe vers le Proche-Orient ; on a oublié l’Amérique latine et en particulier les actions de Perὀn en Argentine. Rappelons qu’en Asie, mais cette fois en faveur direct du Japon, allié de l’Allemagne, il y eût des gouvernements en Chine (avec Wang Jingwei), en Birmanie (Aung San devient le ministre de la guerre du régime pro-japonais, il est le père de Aung San Suu Kyi) et que les Japonais appuyèrent la rétrocession par la France de territoires, outre-Mékong, khmers et laotiens (sous son protectorat) à la Thaïlande.
Pour tous publics Aucune illustration