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Un village français

Un village français
La Martinière 223 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Hortense Larcher, la madame Bovary de l’Occupation"

En sept saisons, mais en neuf ans (de 2009 à 2017), les fidèles de la série auront vu soixante-douze épisodes de cinquante-deux minutes, soit plus de soixante-deux heures d'images. Le lieu de l'action est Villeneuve un village totalement fictif, donné comme une sous-préfecture du département du Jura, à la limite à la fois de la zone occupée, de la zone libre et de la Suisse. La série, dans la mesure où elle ne s’encombre pas de mettre en scène des personnages historiques, peut coller au plus près de ce que pense et vit le peuple français dans sa diversité. Ceci ne veut pas dire pour autant qu’il n’est pas fait allusion de façon explicite à des faits précis qui se déroulent  dans le pays comme l’assassinat d’Alfons Moser par le colonel Fabien fin août 1941 au métro Barbès ou la bataille de Koursk en juillet-août 1943 (en faisant préciser par Heinrich Müller que ce combat est au moins aussi important que le siège de Stalingrad).

Par ailleurs cela permet de traiter de tous les sujets en rapport avec la Seconde Guerre mondiale, ce qu’aucune commune n’a pu vivre.  On imagine mal par exemple, comme on le voit, des réfugiés espagnols en Franche-Comté, en 1940 aucun aviateur anglais n'a jamais survolé le Jura et si on avait choisi un village ni franc-comtois, ni aindien ou ni savoyard, montrer la possibilité dans la tête des personnages du passage de la frontière suisse aurait été bien artificiel.  Toute la période de la Seconde Guerre mondiale n’est pas traitée, puisque la Drôle de Guerre n’est pas évoquée ; on démarre en fait avec l’invasion de France par les Allemands et comme on est dans l’est de la France, on est à la mi-juin 2017, soit à dix jours de la signature de l’Armistice.

Jean-Pierre Azéma, historien et fils de Jean Azéma un ancien du PPF de Doriot et rédacteur en chef du journal parlé sur Radio-Paris (remarque personelle), explique en deux pages quel a été son apport dans la série. Il regrette par ailleurs que l’impasse ait été faite sur les résistants de la mouvance chrétienne. Les épisodes sont groupés par deux séries pour être analysés, les chapitres couvrant  la saison 1-2, 3-4 puis 5-6 ont respectivement pour titre : S’adapter (une cinquantaine de pages), S’engager (près de quatre-vingt pages) et Tourner la page (une soixantaine de pages).

(document proposé dans l'ouvrage)

Pour chaque chapitre, l’auteure revient sur les faits réellement historiques de la période présentée globalement et par diverses focalisations, analyse le contenu des épisodes en question de façon générale puis sous divers angles, fait découvrir une iconographie de l'époque, reprend de très nombreuses photographies du film, propose des tableaux (comme celui où pour autour de 1942 elle classe les personnages en collaborateurs, accommodants, juifs, résistants communistes, résistants gaullistes), des cartes (comme celle des camps d’internement), interviewe un acteur sur ce qu’il pense de son personnage, fait appel à d’autres historiens (comme Manon Pignot sur le vécu des enfants dans la famille et à l’école), donne des clés sur les conditions du tournage...

Beaucoup découvriront qu’à partir de la troisième série le profil des personnages est enrichi par les apports d’une psychologue. « La définition minutieuse du profil psycho- logique de chaque personnage, et surtout des modes de relation qu’ils ont les uns avec les autres, est ce qui permet de faire durer les drames et les tensions au-delà de simples événements historiques. C’est absolument essentiel pour qu’une série chorale arrive à se maintenir dans la durée et garde en haleine les téléspectateurs. Il ne faut donc pas que les personnages se soignent les uns les autres, et parviennent à l’équilibre, mais au contraire qu’ils s’entretiennent dans leurs pathologies pour faire progresser le récit en créant de nouvelles tensions » (page 81).

Des dernières pages de l’ouvrage, qui évoquent le souci du scénariste d’évoquer le travail de mémoire de la période, on retiendra :

« Même 60 ans après les faits, il est toujours aussi difficile de parvenir à exprimer la complexité des émotions et des situations vécues. La série nous livre ainsi un message essentiel, à savoir qu’il ne faut pas tout attendre de la parole des témoins, qu’ils ne sont pas nécessairement et exclusivement détenteurs de la vérité, que le travail critique et scientifique de l’historien est fondamental dans la compréhension du passé » (page 209).

Raconter l’Occupation et la Libération de la France avec pour message principal la complexité des sentiments de ceux qui l’ont vécu a été la gageure de cette série. Cet ouvrage permet de mieux comprendre comment ce travail est réussi et d'autre part il entretient chez nous le souvenir des moments passés à la regarder. Pour certains d’entre nous d’ailleurs en 2009, lors des premiers épisodes, nous étions dans un lieu autre qu’à ce jour et fréquentions des gens que nous ne voyons plus aujourd’hui. Cette série c’est l’histoire de nos grands-parents ou arrière-grands-parents, mais aussi celle de notre vie de téléspectateur.

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Adam Craponne

Note globale :

Par - 733 avis déposés - lecteur régulier

400 critiques
07/11/17
Jeudi 30 novembre à 22h40 sur FR 3 un documentaire Mémoires de Villeneuve, dans les coulisses d'Un village français
http://www.satellifax.com/2017/11/07/france-3-tetra-media-productions-diffusion-de-memoires-de-villeneuve-dans-les-coulisses-d-un-village-francais
733 critiques
18/11/17
La série Française a réuni jeudi 14 novembre 2.4 millions de téléspectateurs soit 10.6% du public de quatre ans et plus.
733 critiques
20/11/17
Les critiques de l'ACS se penchent sur le cas d'Un Village Français
https://soundcloud.com/unepisodeetjarrete/un-village-francais-quand-la-fiction-entre-dans-lhistoire
733 critiques
02/12/17
Plus de 5 millions de Français pour la première saison du Village français et juste la moitié moins pour le dernier épisode de la dernière série
http://www.ozap.com/actu/audiences-bilan-en-baisse-pour-le-final-de-un-village-francais/544027
461 critiques
06/08/18
Arsène Tchakarian du groupe Manouchian est mort le 4 août 2018 à Villejuif
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/08/05/mort-d-arsene-tchakarian-ils-etaient-vingt-et-trois-quand-les-fusils-fleurirent_5339606_3382.html
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