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La Résistance dans le département de l’Ain 1940-1944

La Résistance dans le département de l’Ain 1940-1944
De Borée 324 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "11 novembre 1943 défilé des maquisards à Oyonnax"

Ceux qui ont regardé la série télévisée Un village français savent que l’évènement qui voit les maquisards  commémorer le vingt-cinquième anniversaire de l’Armistice a été mise en scène. Dans ce livre, une photographie de ce défilé est proposée page 159 dans le cadre du dixième chapitre uniquement consacré à cet évènement.

Cette image n'est pas dans l'ouvrage

Le département de l’Ain compte un musée de la Résistance, ouvert depuis 1985 à Nantua dans les locaux où furent internés des résistants, et la Maison des enfants d’Izieu. Une carte de l’Ain avec les limites des zones d’occupation successives aurait été fort utile car outre quelques villages en zone interdite  au-delà de Bellegarde (où passe la ligne de démarcation), entre novembre 1942 et octobre 1943 le sud-est du département subit une présence italienne. Parmi les parlementaires de l’Ain, René Nicod député PCF en 1936 ayant rompu avec son parti lors du pacte germano-soviétique a voté contre les pleins pouvoirs à Pétain  (incarcéré dans la Creuse, il sera libéré par les FFI en juin 1944, voir pages 18 et  43) et Marie Tony-Réveillon sénateur radical était sur le Massilia à destination d’Alger. Le 1er juillet 1940 l’évêque de Belley déclare que la France sortira purifiée et ennoblie par l’épreuve qui lui est imposée.    

Le deuxième chapitre évoque Pétain en visite dans l’Ain à la mi-septembre 1942 à un moment où il est encore populaire.  Dans cette mêmee partie, on trouve aussi des informations sur l’Armée de l’armistice et le Bureau des menées antinationales qui deviendra après novembre 1942 les Services secrets militaires (chargés de traquer les gaullistes et les communistes). Il s’avère que dans l’Ain à l’été 1940 puis fin 1942 du matériel militaire a été dissimulé en assez grande quantité par divers responsables. Les chantiers de jeunesse ne fournissent quasiment aucun contingent au maquis dans ce département, contrairement aux deux départements voisins de la Savoie.

La Légion française des combattants compte un peu plus de 30 000 membres pour le département mais peu se retrouveront à la Milice.  Rappelons à ce propos que Joseph Darnand était originaire de l’Ain, mais après la Première Guerre mondiale il était parti sous des cieux plus ensoleillés (Nice). Henri Joseph Fenet, membre de la Milice puis de la division de Waffen SS Charlemagne où il obtient le grade de capitaine, est né lui aussi dans ce département.  D’autre part l'exécution des sept Juifs au cimetière de Rillieux (alors dans l’Ain mais aujourd’hui dans le Rhône) valut à Paul Touvier une condamnation pour complicité de crimes contre l’humanité.

 Le chapitre suivant porte sur la chasse aux communistes et réfugiés étrangers dans les années 1940 à 1942. Le préfet Louis Thoumas soumet les auditeurs de Radio-Londres à des amendes et séjours en prison, par contre les Aineux se tournent sans risque vers Radio-Sottens. Nous ajouterons personnellement que les chroniques de politique internationale de René Payot, présentes dès octobre 1941, sont un bol d’air frais (on peut l’écouter au sujet de la libération de Belfort ici http://www.ideesuisse.ch/254.0.html?L=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=788). 

On enchaîne autour de la persécution et le sauvetage des juifs, ce qui est l’occasion de parler des "Justes", je suis d’ailleurs surpris que l’on ne parle pas ici de l’inspecteur primaire Gonnet et du sous-préfet Wiltzer qui sont les figures les plus engagées dans la protection des enfants de la colonie d’Izieu (la rafle réalisée sur ordre de Klaus Barbie est brièvement racontée page 54).

Le chapitre cinq évoque les premiers foyers d’opposition et la naissance de la Résistance pour la période 1940 à 1942. Actes individuels et réseaux sont présentés. Voici un exemple non cité d’un papillon trouvé à Treffort, village au nord de Bourg-en-Bresse, pour appeler la population à manifester le 14 juillet 1942 :

« FRANÇAIS,

Pierre Laval veut la victoire de l'Allemagne. Vous voulez, vous, la défaite allemande.

Pierre Laval veut livrer à l'Allemagne les ouvriers français. Vous voulez, vous, revoir nos prisonniers et non en envoyer d'autres.

Pierre Laval ose parler de relève. La relève dont il s'agit est la relève des allemands par les français en Allemagne. Vous voulez, vous, la relève des allemands par les français en France, et aussi la relève des traîtres par les patriotes.

Le 14 juillet ; c'est la fête de Patrie et de la Liberté, vous la célébrerez avec plus de ferveur que jamais, à cette heure où la Patrie est vendue et la Liberté piétinée...

Pavoisez vos maisons. Qui oserait vous le reprocher le jour de la fête nationale ? Promenez-vous l'après-midi en arborant nos trois couleurs ».

Les Mouvements de Résistance. »

On passe à la période suivante 1942 à 1944 au chapitre suivant et de nombreux noms de personnes sont cités. Le chapitre VII montre comment, à partir de traditions différentes, se constitue les Mouvements unis de Résistance en 1943. Les étapes de la constitution du maquis de l’Ain durant l’année 1943 sont l’objet du chapitre huit, rappelons que le STO est décrété en septembre 1942 par les autorités de Vichy et qu’il est grand pourvoyeur d’hommes pour le maquis. On relève l’arrivée en décembre 1943 du lieutenant Paul de Vanssay évadé d’une forteresse autrichienne où il avait été placé après une première tentative d’évasion (page 134). On apprend au chapitre suivant que c’est Romans-Petit, ancien engagé  volontaire de la Première Guerre mondiale, qui devient le chef des maquis de l'Ain, du Haut-Jura et de Haute-Savoie. Le premier agent américain du SOE à être envoyé en France auprès d’un maquis est le lieutenant Owen Denis Johnson (fils d’un écrivain), il agit dans le département de l’Ain.

Le onzième chapitre étudie la répression allemande qui court de décembre 1943 à avril 1944. Les accrochages sont nombreux et le 8 avril 1944 est tué lieutenant Paul de Vanssay avec quinze de ses hommes à Montanges. Le chapitre suivant est intitulé "La Résistance armée en ordre de bataille (mai-juin 1944)", la Milice joue un rôle non négligeable dans la répression et des divergences stratégiques existent entre Romans-Petit et René Greusard. Ce dernier, issu du syndicalisme des PTT et socialiste révolutionnaire  défend la primauté du politique sur le militaire, l’indépendance vis-à-vis des alliés anglo-saxons, la protection des populations civiles de représailles, et la nécessité de fournir un armement plus conséquent aux FTP.

Le treizième chapitre nous fait entrer dans la phase d’insurrection qui suit le débarquement en Normandie, les maquis sont attaqués à la mi-juin en Dombes et en Bresse puis en juillet 1944 sur le Haut-Bugey et Oyonnax. On retrouve à Bourg-en-Bresse le sinistre Klaus Barbie qui veut déporter en Allemagne tous les hommes de la ville entre 17 et 45 ans. Devant les réactions des autorités vichyssoises, alertées par le chef de la Milice et le préfet, Klaus Barbie fait exécuter une petite trentaine d’hommes (page 236). Le quatorzième chapitre traite à la fois de l’arrestation en septembre pour usurpation de fonction de sous-préfet de Romans-Petit mais fondamentalement pour le coût en vie humaines de ces initiatives militaires (entre autre les représailles allemandes sont terribles), de cumuler des fonctions militaires et civiles et des traitements peu admissibles vis-à-vis de résistants qui ne partagent pas ses vues. Sur ce sujet précis, il nécessaire de lire de Georges Le Goupil Débats stratégiques autour des maquis de l’Ain in direction François Marcot La Résistance et les Français : Lutte armée et maquis. Actes du colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995. Les Belles-Lettres, 1996. Cet avant- dernier chapitre est aussi prétexte à relater certains faits commis sous l’Épuration.       

Le dernier chapitre du livre, avant la conclusion,  est consacré à l’entretien de la mémoire de la Résistance dans les Pays de l’Ain entre 1945 et 2015. On en compte une trentaine pour le département, y compris ceux en hommage à l’aviation alliée. On voit dans cet ouvrage en particulier la tombe du maquisard inconnu à Oyonnax.

Il est notable que des Enfants de troupe de l’École d'Autun, repliée à Neuville-sur-Ain au camp de Thol pour l’année scolaire 1943-1944, aient pris part aux combats contre les Allemands. Un  monument à la mémoire de ceux qui sont morts a été édifié à Belligneux-la-Valbonne. On évoque un monument commémoratif inauguré en juin 1984 par Charles Fiterman ministre des transports pour le quarantième anniversaire du sabotage de cinquante-deux locomotives à Ambérieu-en-Bugey, œuvre d’élèves de l’École d’Autun et de cheminots (le récit de l’action est pages 224-225). Relevons que Charles Fiterman, enfant juif caché sous l’Occupation, n’est plus ministre le 17 juillet 1984, le PCF refusant de rentrer dans le gouvernement Fabius en formation.

Patrick Veyret a pris soin dans cet ouvrage d’évoquer toutes sortes de résistance à l’occupant allemand et au régime de Vichy de 1940 à 1944 dans ce territoire proche tant de Genève (en pays neutre) et de Lyon (capitale de la Résistance). Rappelons-nous qu’en juillet 1944 les Américains considèrent que les maquis de l’Ain avec près de 15 000 hommes représentent le plus gros effectif en matière de maquis en France. Si on apprécie grandement l’importance de l’iconographie et les pages explicatives sur les sigles, on regrette fortement l’absence d’index des noms de lieux et de personnes en plus de la carte du département avec représentation des trois zones. Ceci d’autant que le département n’avait pas les limites qu’il a aujourd’hui.

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Benjamin

Note globale :

Par - 498 avis déposés - lecteur régulier

498 critiques
30/10/16
CONFÉRENCE avec Patrick Veyret "La résistance dans l'Ain" 18/11/2016 de 19h à 21h30
Librairie Montbarbon

14 Place Carriat 01000 Bourg-en-Bresse
Tel : 04 74 23 45 68
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