Avis de Adam Craponne : "Dummkopf en occitan se dit pèga"
Une BD "Finnele : le front d’Alsace", réalisée à partir des souvenirs de la grand-mère de l’auteure Anne Teuf qui a vécu la Grande Guerre dans les villages d’Oberaspach (Aspach-le-Haut aujourd’hui) et Masevaux, raconte certains aspects de cette occupation-libération. On notera que dans "Bécassine pendant la guerre", écrit durant le conflit, l'héroïne se rend vers Thann pour un mariage entre une infirmière d’origine alsacienne et un officier français. Elle y rencontre le maître de l'école française ainsi que les "diables bleus" qui combattent dans les monts vosgiens.
"Prisonniers des libérateurs" s’appuie sur des témoignages écrits ayant donné lieu à publication dans l’Entre-deux-guerres et sur un solide travail d’archives. Les fonctionnaires allemands restés sur place, certains ecclésiastiques et divers suspects sont arrêtés et transférés "à l’intérieur" (expression typiquement alsacienne pour désigner la France dans ses frontières de 1871-1914). Certaines arrestations sont totalement arbitraires et en particulier celle d’instituteurs lorrains totalement bilingues, descendant de combattants de 1870. Il est à noter que parfois toute la famille suit l’emprisonné dans le camp.
Si le premier chapitre donne des exemples d’arrestation, le second chapitre raconte le voyage vers les camps d’internement, le troisième chapitre traite de l’arrivée dans ces mêmes camps. Sont passés ensuite en revue dans les dix chapitres qui suivent la description matérielle, les conditions de vie et les populations diverses de ces camps (souvent par groupe de deux).
Le Massif central est un point fort de concentration avec Issoire, Aurillac, Aurec, Ajain, Viviers et cinq communes de l’Aveyron (la préfecture et les sous-préfectures de l’époque plus Villefranche-de-Rouergue). Toutefois la Provence et le Languedoc sont aussi assez représentés. Il semblerait que le recensement des internés lorrains soit quasi exhaustifs par contre les Alsaciens sont cités de façon marginale. Les dernières pages du livre questionnent sur l’après-guerre et les éventuelles indemnités. Je n’ai pas trouvé mention des commissions Blanc et Wetterlé (le second est le fameux abbé alsacien) qui font le tri dans les camps et permettent de libérer certains internés. L'iconographie d'accompagnement est dense et variée.
Il est à noter qu’il existe de nombreux récits fictionnels, pour adultes et adolescents, qui racontent comment les sujets canadiens d’origine allemande ou autrichienne furent internés dans un camp du Québec durant la Première Guerre mondiale. Le plus intéressant étant "Prisonniers de la grande forêt" de Marsha Forchuk Skrypuchque que nous présentons sur ce site.
Pour connaisseurs Quelques illustrations
Ils vont dans le camp de Garaison dans les Hautes-Pyrénées.
Le couple fut envoyé par la suite dans un camp réservé aux seuls Alsaciens à Saint-Rémy en Provence dans l’ancienne abbaye Saint-Pierre de Mausole où fut hospitalisé Vincent van Gogh.