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La longue mémoire de la Grande Guerre

La longue mémoire de la Grande Guerre
Septentrion 235 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Tous les Alsaciens, sauf les Belfortains, entre 1871 et 1918 sont germains. La faute à qui donc? La faute au neveu de Napoléon!"

L'ouvrage est sous-titré: "Regards croisés franco-allemands de 1918 à nos jours". Après une introduction des trois directeurs de l’ouvrage intitulée "Un siècle – deux trajectoires. Les mémoires françaises et allemandes de la Première Guerre mondiale, 1918-2014", on trouve, rassemblant au total quinze contributions, trois parties respectivement nommées "Avant la Grande Guerre : la préfiguration d'une mémoire", "L’entre-deux-guerres et pendant la Seconde Guerre mondiale : face à une mémoire conflictuelle", "Après la Seconde Guerre mondiale : vers une mémoire commune?". En fait il s’agit là de l’essentiel (avec parfois un tire modifié) des communications faites lors du colloque tenu en mars 2014 à Nancy et Metz La longue durée de la Grande Guerre : Regards croisés franco-allemands de 1918 à nos jours.

François Roth ouvre le feu avec "D'une guerre à l’autre. La guerre de 1870-1871 chez les dirigeants français de 1914 à la fin des années 1920". Suivent les textes suivants : "Débats, conflits et contestations. Les monuments aux morts en France et en Allemagne" d’Élise Julien, "Écrire la mémoire. Les écrivains combattants français et allemands et la Grande Guerre (1914-1939)" de Nicolas Beaupré, "Les témoignages photographiques et les mémoires de la Grande Guerre" de Laurent Jalabert, "Le 11 Novembre : une fête nationale pour la guerre (1918-1939)" de Vincent Auzas, "Le traumatisme de la défaite. Mémoires et politiques mémorielles en Allemagne 1918-1939" d’Arndt Weinrich, "Verdun : mémoires croisées franco-allemandes (1919-1939) " de François Cochet, "L’impossible mémoire. Le cas de l’Alsace-Lorraine" de Jean-Noël Grandhomme, "La mémoire en guerre : usages français et allemands sous l’occupation" d’Anne-Sophie Anglaret, "Vers l’effacement : la Première Guerre mondiale en Allemagne de l’Ouest après 1945" de Jörg Echternkamp, "Du héros à la victime : le mythe du Poilu dans les fêtes nationales, de 1945 à nos jours" de Rémi Dalisson, "La Première Guerre mondiale dans le dialogue des historiens français et allemands aux XXe et XXIe siècles" de Corine Defrance et Ulrich Pfeil, "Vers une mémoire franco-allemande de la Grande Guerre ? Les gestes symboliques, de Mourmelon (1962) au Hartmannswillerkopf (2014)" de Reiner Marcowitz.

Cette affiche de la Seconde Guerre mondiale n'est pas reproduite dans l'ouvrage

En Allemagne le débat reste traditionnellement centré sur les causes de la guerre aussi aurait-on aimé que plus de quatre historiens d’outre-Rhin s’expriment ; heureusement leur contriibution évoque un aitre sujet et certains Français nous parlent de l'Alllemagne. Jean-Noël Grandhomme rappelle que l’Alsace-Lorraine retrouvée, une forte campagne mémorielle vantant les poilus (y compris par des changements de nom de rue) et leurs chefs est développée face à une population où les pères se sont battus très majoritairement du côté allemand. Il faut souligne que les Alsaciens-Lorrains venus nourrir les rangs français jouent un rôle actif pour que l’on ne distingue pas entre les victimes de guerre et le docteur Joseph Pfleger (qui passe la Grande Guerre en résidence forcée en Westphalie) devenu député du Haut-Rhin se distingue dans ces appuis. Il faudra attendre l’aube des années trente pour que les otages ou suspects alsaciens-lorrains internés en France soient indemnisés.

Anne-Sophie Anglaret avance que dans les régions de l’hexagone qui n’étaient pas des parties de l’Alsace-Lorraine sous l’Occupation entre 1940 et 1944 des rues durent changer de noms, de nombreux livres furent interdits, des monuments aux morts furent mutilés afin de ne pas laisser trace soit des atrocités allemandes durant la Grande Guerre soit de la défaite allemande. L’auteure ne le cite pas mais nous connaissons en Vendée un monument aux morts où on enleva en la partie métallique qui mettait en scène un coq au-dessus d’un casque à pointe. Rémi Dalisson montre que dans le temps ce ne sont pas les mêmes qualités qui sont attribués au  poilu lors de la célébration du 11 novembre et il conclut en disant que depuis 2012 ce n’est plus le poilu qu’on honore mais tous les morts pour la France (notons que sous le septennat de Giscard d’Estaing, on avait déjà innové dans ce sens). Corine Defrance et Ulrich Pfeil avancent que sur la question des resposabilités du déclenchement de la guerre, les points de vue des historiens français et allemands se sont très largement rapprochés.

Reiner Marcowitz met en exergue les gestes symboliques de la réconciliation franco-allemande depuis les actions du général de Gaulle et du chancelier Adenauer à Mourmelon en 1962 jusqu’à celles des deux présidents de la république Joachim Gauck et François Hollande en 2014 dans les Vosges. Il y eût aussi comme acteurs François Mitterrand et Helmut Kohl en 1894 à Verdun, Gerhard Schröder et Jacques Chirac en 2003 puis Angela Merkel et Nicolas Sarkozy en 2009. Bref les commémorations communes permettent en particulier de cacher le manque de coopération politique et économique entre l’Allemagne et la France au début du XXIe siècle.

Nous n’évoquons ici que partiellement certains contenus de quelques textes. Les autres répondront également à des intérêts particuliers comme celui d’Élise Julien (de l’université de Lille) illustré par des clichés des monuments aux morts de Levalllois-Perret (on y voit entre autre un ouvrier brisant son épée), de Dahlem un faubourg berlinois, du 4e régiment des grenadiers de la Garde impériale avec un contenu revanchard porté entre autre par un poing fermé, de l’université de Berlin  avec aussi un contenu revanchard mais plus subtil, du 39e régiment des fusiliers à Düsseldorf qui renvoie à la représentation habituelle du sphinx pour les deux personnages. Personnellement par contre je n’approuve pas la conclusion car les critères de différenciation de contenu sont radicalement différents de chaque côté du Rhin. On fait en particulier l’impasse sur le caractère catholique  (avec croix ou Jeanne d’Arc par exemple) ou non ainsi que sur la tonalité défensive comme à La Roche-sur-Yon (à distinguer de l’option pacifiste prise au village de Gentioux, se reporter pour celui-ci à l’album Maudite soit la guerre) ou agressive et accusatrice vis-à-vis de l’Allemagne du monument dans l’hexagone. La phrase en question est : « On assiste finalement à l’instauration d’une mémoire dominante en France – ce qui n’empêche pas des dissidences-, tandis que s’installe une mémoire morcelée en Allemagne ».

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Octave

Note globale :

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