Avis de Benjamin : "Il faut savoir fleurir où Dieu nous a semés"
Notre titre est la reprise d’une phrase de François de Sales, évêque de Genève (en exil à Annecy), né au château de Sales près de Thorens-Glières dans le duché de Savoie ; il avait converti au catholicisme à la fin du XVIe siècle les populations du Chablais passées au protestantisme, suite à l’occupation du nord de la Savoie par les soldats bernois. François de Sales et Vincent de Paul se rencontrèrent non en Bresse à Châtillon-les- Dombes en 1617 où ce dernier est curé dans ce village en partie protestant, mais en 1618 à Paris.
« Il y avait près de quarante ans que cette cure n’était possédée que par des bénéficiers de Lyon, qui ne venaient dans Châtillon que pour tirer le revenu de ce bénéfice et pour ne pas donner lieu à un dévolu. De plus, Messieurs Beynier, Garron, Guichenon, Alix et les principaux habitants de cette ville étaient huguenots Il n’y avait que six vieux prêtres sociétaires, qui vivaient dans un grand libertinage, n’y ayant aucun religieux ni religieuse en cette ville, où il y avait près de deux mille habitants, la plupart de ces prêtres gardant chez eux des filles et femmes, au scandale de tout le monde, et enfin qu. antité d’autres abus. Ce que monsieur le comte ayant exposé à ce bon prêtre de l’Oratoire, qui, ne voyant de sujet propre à remlédier à tant de rnaux, ni qui même le voulût entreprendre, à cause que cette cure était de grand travail et n’avait de revenu en ce temps-là que cinq cents livres, il en écrivit donc à Monsieur de Bérulle à Paris, le priant de lui indiquer quelque homme de bien, qui, ne recherchant ses intérêts propres, recherchât purement ceux de Jésus-Christ. Monsieur de Bérulle, ayant proposé tout cela à M. Vincent de Paul, lui fit accepter cet emploi, si bien que, s’étant mis incontinent après en chemin et étant à Lyon, le Révérend Père Métezeau, qui connaissait le sieur Beynier, l’un des principaux de Châtillon, lui remit une lettre qu’il lui adressait en faveur de Monsieur Vincent, le priant, à sa considération, de le servir en tout ce qu’il pouvait. ». ( Rapport de Charles Démia sur le séjour de Saint Vincent à Châtillon, texte non cité par Marie-Joëlle Guillaume, mais l'auteur porte un regard critique sur celui-ci)
« Le monastère parisien de la Visitation est fondé le 1er mai 1619 et Charles de La Saussaye, curé de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, en est le premier supérieur. Le 21 septembre 1621, Charles de La Saussaye meurt, et c’est Vincent de Paul que François de Sales choisit pour lui succéder. Il confie aussi à Vincent la direction spirituelle de Jeanne de Chantal, dont la vie allait être jusqu’à sa mort en 1641 une longue suite d’épreuves.
Henri Bremond admire qu’au lieu d’avoir recours à un mystique reconnu – tel un Bérulle, qu’il plaçait haut –, François de Sales ait fait le choix de Vincent pour diriger Jeanne de Chantal : “Qu’après de brèves entrevues, il ait préféré Vincent de Paul, on ne sait vraiment auquel des deux ce choix fait le plus honneur”. Vincent avait les qualités requises : “Un jugement très sûr, un cœur très humain, l’art de manier les âmes sans les meurtrir et […] une rare délicatesse”. » (pages 170-171)
L’ouvrage permet de lever un certain nombre de doutes sur la vie de saint Vincent de Paul, et en particulier celui de sa date de naissance à savoir en 1581 (près de Dax) et de confirmer qu’effectivement il fut bien prisonnier des Barbaresques entre 1605 et 1607 à Tunis. Il semblerait que Vincent eut voulu cacher ce dernier point, alors qu’on lui reproche de l’avoir inventé. Il était en effet gênant pour lui de révéler qu’il avait caché alors qu’il était prêtre (pas très héroïque de sa part) et ensuite qu’il n’avait pas été finalement si maltraité. Or il demandait à la Bonne société de l’argent pour racheter les chrétiens captifs en Afrique du nord en laissant son œuvre faire une description des plus noires de leur sort. Au passage on apprend qu’un accord avec les Ottomans disaient que les Français ne devaient pas être soumis à une capture ; ce serait donc d’après lui la raison pour laquelle ses ravisseurs le déclarèrent espagnol en arrivant à Tunis.
L’assemblée du clergé de France n’adopta qu’en 1615 les décrets du Concile de Trente, qui se tint de 1545 à 1563 (mais en trois périodes), aussi le récit de la vie de Vincent de Paul nous montre dans quelles conditions eut lieu en France la Contre-réforme. De plus, lié à l’abbé de Saint-Cyran, notre personnage eut à se justifier de n’être pas janséniste. Ses œuvres sociales sont multiples et certaines fort conjoncturelles comme celles qui consista à soulager les malheurs d’une Lorraine ravagée par la Guerre de Trente ans.
Dans son introduction, Marie-Joëlle Guillaume écrit que :
«Ce premier XVIIe siècle (…) selon l’observation de Claude Dulong, “enfreignait allègrement les lois divines et humaines, mais ne supportait pas d’être séparé de l’Église", Vincent de Paul nous aide à en saisir la substance intérieure ».
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