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Vichy tel quel 1940-1944

Vichy tel quel 1940-1944
de Fallois 303 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Le STO se nomma d’abord le SOT, ce qui n’autorise en rien à donner à son sujet des chiffres idiots"

Le rédacteur de l’avant-propos est le fils de l’auteur. Dominique Canavaggio est un proche de Laval dès les années 1930 et contrairement à ce qu’affirme Cédric Meletta dans Jean Luchaire : L’enfant perdu des années sombres il n’est pas le directeur des services politiques du Paris-Soir qui continue à paraître à Paris sous l’Occupation mais a ces mêmes responsabilités dans le Paris-Soir de Jean Prouvost qui s’est replié à Lyon. Dominique Canavaggio est directeur du cabinet de Jean Prouvost ministre de l’information du 16 juin au 10 juillet 1940.

On peut préciser, grâce à l’ouvrage d’Yves Pourcher Pierre Laval vu par sa fille: D'après ses carnets intimes, que notre personnage continue  à fréquenter la fille de Pierre Laval dans les Trente glorieuses. Par ailleurs on apprend dans les mémoires d’Angelo Tasca que Dominique Canavaggio est un ancien camarade de promotion de Pierre Pucheu à l'École normale supérieure, tous deux sont nés en 1899. Ce dernier est ministre dans le gouvernement de l’amiral Darlan entre juillet 1941 et avril 1942.

Dominique Canavaggio est l'auteur de cet ouvrage, la photo n'est pas dans le livre

Le discours est toujours complaisant vis-à-vis de Laval :

« Oui… l’humanité était un des traits marquants de la psychologie de Laval. Aucun homme politique n’a été plus près des petits, des humbles, du peuple .» (page 21)

En fin de compte, nous pensons personnellement que Laval était un homme du service individuel, prêt à sauver de gros ennuis au cas par cas mais à sacrifier les masses anonymes. Homme devenu sans références idéologiques, il ne lui restait plus que l’idée de préserver la paix en Europe avant 1939 puis de rouler Hitler dans l’intérêt des Français sous l'Occupation. Ceci est confirmé page 24 où Laval déclare à l’auteur à propos des Allemands :

« Ça n’a pas changé…Ils sont plus forts que nous, mais nous sommes plus malins qu’eux… Nous les aurons ! ».

Dominique Canavaggio fournit très peu de chiffres sur le soutien économique apporté par la France de Vichy à l’Allemagne et, les rares fois qu’il le fait, ils sont non significatifs. Ainsi quand il parle au sujet des requis pour le STO, un taux de partance d’un maximum de 1 pour 2000 il doit parler du résultat pour le seul mois de juillet 1944 (mensonge par omission) ou alors il dit n’importe quoi.  Ce sont quand même plus de 600 000 Français qui sont partis dans ce cadre-là outre-Rhin.  On est aussi gêné quand l’auteur laisse le doute sur les assassins de Maurice Sarraut, propriétaire du journal La Dépêche et même laisse entendre que le coup viendrait de la Résistance. C’est la reprise de la propagande la plus abject de Vichy qui d’ailleurs ne tint même pas une semaine car la police arrêta ses deux assassins qui se révélèrent membre de la Milice et qui avaient agi sur ordre de leur chef régional Henry Frossard. Darnand fit libérer les meurtriers. (voir  http://www.ladepeche.fr/article/2004/05/10/171960-l-obscur-assassinat-de-maurice-sarraut.html)

Que Laval ait bien plus conscience que Pétain des enjeux d’une décision et sache se tenir à une idée, on l’avait également compris.  Que Laval, de son passé d’avocat de syndicalistes à la Belle Époque, de député SFIO de 1914 à 1919 et de maire d’Aubervilliers, ait  gardé une multiplicité de relations personnelles auprès d’hommes de gauche on s’en doutait et cela est confirmé. D'ailleurs il autant de relations dans les milieux parlementaires modérés non catholiques et radicaux. 

Un des passages les plus intéressants de l’ouvrage est d’ailleurs celui où l’auteur Dominique Canavaggio échange avec Frossard, premier secrétaire général de la SFIC qui deviendra le PCF puis député socialiste, alors directeur du journal Le Mot d'ordre  (où paraît La rose et le réséda d’Aragon). Il est question d’un rapport de Pucheux, rédigé en août 1942, où celui-ci avertissait le Maréchal que les Américains allaient débarquer en Afrique du nord (ce qu’ils firent début novembre). Ceci aurait pour conséquence l’occupation de la zone sud par les Allemands  et il invitait à cette occasion Pétain à se déclarer pour les Alliés. (page 207)

On approche, par cet ouvrage, un peu mieux la pensée de Laval et on repasse les attitudes qu’il prit à chaque grande crise venant soit de nouvelles exigences allemandes soit de l’hostilité que lui vouait Pétain. D’ailleurs dans ses gouvernements, on peut voir qu’il y eût des ministres plutôt proches du Maréchal, d’autres plutôt proches de Laval et d’autres plutôt à la remorque des Allemands. Ainsi dans cette dernière catégorie classait-on Abel Bonnard (à l’Éducation nationale), dont  Dominique Canavaggio nous épargne le surnom de "gestapette" gagné tant par ses opinions politiques que par ses penchants sexuels.  On retrouve l’idée, déjà rapportée dans l’ouvrage 17 août 1944, il est grand temps de faire ses paquets, que Laval était persuadé qu’avec son bagou il convaincrait les nouvelles autorités de la justesse de sa politique qui avait épargné bien des malheurs supplémentaires à la France (page 252). De plus, contrairement à Pétain, lui avait agi à diverses occasions en faveur de juifs et francs-maçons, permis à des journaux de reparaître après quelques jours de sanction comme ce fut le cas avec Le Mot d'ordre... On apprécie beaucoup l'index des noms cités, avec les quelques mots nécessaires pour situer les personnes en questions.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

Par - 745 avis déposés - lecteur régulier

745 critiques
31/05/18
Histoire économique du gouvernement de Vichy. Conférence - Café historique par Cédric Perrin.
Mardi 5 juin 2018 à 18h
à Orléans - Cercil Musée Mémorial


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