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Nous vivrons - Enquête sur l'avenir des juifs

Nous vivrons - Enquête sur l'avenir des juifs
Les Arènes456 pages
1 critique de lecteur

Avis de Alexandre : "Si Israël m’était conté ou sur quoi se nourrit un imaginaire"

Au titre Nous vivrons - Enquête sur l'avenir des juifs, nous avons été sensible. En effet pour nous le contenu de cet ouvrage permet d’approcher dans quel imaginaire nombre de juifs,  malgré leur esprit critique habituel, sont plus ou moins embarqués. Soyons clair, l’auteur manifeste rarement sa propre opinion et son objectif est de rapporter celle d’autres.

Dans les années 1980, j’avais une amie juive d’origine tunisienne (née dans la bourgeoisie grana) infirmière héroïque dans les Forces françaises libres, très cultivée (pouvant notamment vous faire un discours sur à peu près n’importe quelle pièce du patrimoine théâtral français et parlant parfaitement l’arabe dialectal). Celle-ci ne m’en déclarait pas moins que le problème est que les Arabes en étaient à vivre au Moyen Âge à partir du raisonnement qui suit. Nous sommes en 1980, la révélation de Mahomet date d’autour de l’an 600 et d’ailleurs le calendrier hégirien démarre en 622, donc à 1980 j’enlève 622 et j’obtiens 1358. En 1358 la civilisation chrétienne en était à la période médiévale, donc 1358 en calendrier islamiste renvoie immanquablement à un univers médiéval fait d’obscurantisme religieux et de violences.     

Certes cet argument n’est pas repris ici pour expliquer pourquoi les Arabes posent problème mais d’autres nous semblent appartenir au même imaginaire sioniste. L’auteur se sent obligé parfois d’apporter un commentaire rectificatif à un propos d'une des personnes rencontrées. C’est le cas page 254 lorsqu’un chauffeur de taxi arabe lui déclare que Netanyaou a été élu par des suffrages arabes et a pris des palestiniens de nationalité israélienne comme ministre. Joann Sfar dément. Le refrain des pays arabes bien plus mal traitant qu’Israël vis-à-vis des Palestiniens s’impose à nous.

Parmi les autres remarques critiques, on relèvera son souhait par deux fois que l’on ne fête plus Hanouka à l’Élysée. La première occurrence est racontée à partir du sujet de la laïcité. On n’a pas toutes les clés pour comprendre l’anecdote qui précède, mais on croit comprendre que sur un temps périscolaire (donc non pris en charge par une enseignante comme le présente l’auteur et la mère mais par une animatrice), un enfant fait un drapeau français avec dans le blanc une étoile de David. Cette animatrice vraisemblablement jeune, inculte et butée demande de refaire ce dessin car cet enfant vient d’enfreindre les lois de la laïcité.  L’élève de sept ans revient évidemment en larmes sans avoir compris quoi que ce soit. La seconde occasion de valoriser la laïcité en dénonçant l’attitude du président Macron, face à une fête juive célébrée au palais présidentiel,  se fait en disant que les bonnes intentions des États de préserver la communauté juive d’agressions ne peut rien face à des individus qui se nourrissent de haine antisémite. Nul doute que certains auront glosé, à cette occasion, sur les juifs aux commandes de la France et que la laïcité est une arme contre les seuls musulmans.  

Ce genre d’exemple avec des conclusions hâtives, ici que les enseignants font pleurer les enfants sous un prétexte de respect de laïcité, on en trouve beaucoup. Je me suis vite lassé à relever toutes les affirmations biaisées. Toutefois parmi ces perles on dénie le droit à Arafat de se dire palestinien parce qu’il est né au Caire, alors qu’il est d’une famille d’origine gazaouie par son père et que sa mère est née à Jérusalem (cerise sur le gâteau il est un cousin certes éloigné mais cousin de Mohammed Amin al-Husseini grand mufti de Jérusalem).

Le pompon revient quand même ceci : « Le paradoxe que personne ne veut entendre, c’est qu’il y a de Palestine que parce qu’il existe Israël ! (…) Les juifs tirent toute leur inspiration des socialistes italiens et des marxistes. S’il n’y avait pas eu la création d’Israël, les Arabes de Palestine seraient restés soumis à l’Égypte ou au Liban ou à la Jordanie ».  Visiblement le personnage fait semblant de croire qu’il ignore l’existence de Vladimir Jabotinsky, d’un Liban sous mandat français et non britannique,  de l’officialisation  en 1923 par les Anglais d’une une division déjà mise en place depuis 1920 à savoir d’un côté il y a l’émirat hachémite de Transjordanie et de l’autre la Palestine mandataire (avec Gaza), d’une souveraineté égyptienne inexistante sur la Palestine depuis 1516 (quoique dans les années 1830 et seulement celles-là il y a une occupation égyptienne), l’apparition d’un nationalisme palestinien (certes basé sur l'idée de Grande Syrie) dès la fin du XIXe siècle. De plus dès le mandar britannique « les grands notables tirent les conséquences de la disparition de l’Empire ottoman et, ne voulant pas se retrouver sous l’autorité des jeunes de Damas, se font les promoteurs d’une identité palestinienne locale » (Henry Laurens).

On nous affirme page 27 dans une phrase bien alambiqué que les Palestiniens n’ont pas plus de droits que les juifs sur cette terre en précisant de plus car l’idée d’un état palestinien et du peuple palestinien daterait de 1957 et il aurait fallu attendre qu’Arafat décide de s’en mêler. En 1947 les Palestiniens ont refusé le partage de leur pays, pas son indépendance, quand le lendemain de la fin du mandat britannique Israël a déclaré unilatéralement son indépendance. Pages 116 et 117 on quitte l’ambiguïté de la page 27 pour  « 60% des juifs d’Israël sont des Mizrahim, c’est-à-dire des juifs qui étaient dans la région depuis l’Antiquité » et « Ceux qu’on appelle aujourd’hui des Palestiniens et des Jordaniens qui n’étaient pas là il y a 150 ans ». Rappelons que le Mizrahim est un juif issu de l’espace allant du Maroc à l’Asie centrale ou l’Inde, vaste région et même vaste programme comme répondit de Gaulle à qui quelqu’un avait crié « Mort aux cons ». Quand à la migration d’Égyptiens et de Jordaniens (nationalité qui n’existe qu’à partir de 1923) il faudra nous la préciser.

Du même ordre d’idée on nous resert, certes en le nuançant un peu que les Arabes ont quitté Israël sur ordre de la Ligue arabe en 1947. On ajoute qu’au moment où certains Palestiniens quittaient leur pays environ un million de juifs quittaient les pays arabes. Au Maghreb on était alors encore sous le système colonial et cet exode d’israélites fut progressif et nettement accéléré par la Guerre des Six Jours.

On nous cite un hadith qui inciterait à tuer les juifs  appris par les enfants palestiniens. J’ai des doutes sur son existence. On nous certifie, à deux occasions, l’histoire du bébé brûlé dans un four de cuisine en octobre 2023, fait qui relève de la pure invention.  Que les juifs dans les pays occidentaux soient des victimes potentielles d’agression est une très malheureuse réalité mais ils paient là de façon bien injuste les agissements d’Israël. Maintenant renvoyer les massacres du Hamas aux pogroms de la Russie c’est oublié que les juifs de cet empire n’avaient jamais agressé des sujets du tzar alors que les Palestiniens depuis les attentats sous le mandat britannique jusqu’à nos jours, en passant en particulier par la Nakba, en ont gros sur le cœur.  

Certes on n’entend pas toujours le même son de cloche et l’opinion personnelle de l’auteur est que la sécurité d’Israël ne peut s’installer qu’avec l’existence d’un État palestinien. La question épineuse de la présence des colons israéliens est soulevée et l’expert (très contesté) en géopolitique Frédéric Encel pense que le démantèlement des colonies juives de Cisjordanie est souhaitable et possible. Il faut savoir qu’il y a une présence de 500 000 (information à prendre page 124 de Israël/Palestine) et non de 250 000 colons, comme l’indique Joann Sfar. Cela semble assez impossible aujourd’hui et on notera que  Shlomo Sand et Rima Hassan, candidate LFI dont les propos sont parfois tronqués et dénigrés, proposent un seul état laïque, vu l’imbrication des communautés (voir minutes 22 https://www.youtube.com/watch?v=rT-qjKal_9Q). Par ailleurs Frédéric Encel nous laisse bien perplexe sur sa connaissance de l’histoire du pays dont il parle en déclarant : « Gaza fait partie de "Eretz Israël", l’Israël biblique, la Cisjordanie, non ». Quiconque s’est un jour intéressé à la question sait que c’est exactement le contraire (se reporter aux cartes ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_d%27Isra%C3%ABl et là https://he.wikipedia.org/wiki/%D7%90%D7%A8%D7%A5_%D7%99%D7%A9%D7%A8%D7%90%D7%9C_(%D7%99%D7%94%D7%93%D7%95%D7%AA))  

L'auteur montre ponctuellement son opposition personnelle aux ides développées par les juifs orthodoxes et fait parler des interlocuteurs hostiles à la politique de Netanyahou. En conclusion cet ouvrage trouvera une place incontournable dans tout travail de recherches sur l’imaginaire juif autour du conflit israélo-palestinien. Ajoutons que nous le mettons en idée cadeau car les lecteurs en faveur d’Israël pourront y ressasser et augmenter leurs certitudes qu’en Palestine les juifs sont innocents par rapport aux raisons de ce conflit aussi les Palestiniens n’ont à se plaindre de rien (sauf d’eux-mêmes bien sûr et des autres Arabes) et ceux penchant pour les Palestiniens trouveront là de nombreux arguments pour renforcer leur opinion que les juifs sont des faussaires en matière historique.        

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Alexandre

Note globale :

Par - 404 avis déposés - lecteur régulier

404 critiques
20/05/24
Guerre Israël-Hamas : Mandats d’arrêt contre Netanyahou et le Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité https://www.20minutes.fr/monde/israel/4091886-20240520-guerre-israel-hamas-cpi-delivre-mandat-arret-contre-netanyahu-crimes-guerre-crimes-contre-humanite
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