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Les guerres de Louis XIV

Les guerres de Louis XIV
Perrin564 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Mes amis, que reste-t-il ? À ce monarque anéanti ?"

L’ouvrage était paru en version originale en 1999, Perrin l’avait proposé en traduction en 2010 sous une forme courante et sort l’édition en livre de poche en 2014, quelques ouvrages parus au début du XXIe siècle ont été rajoutés dans la bibliographie commentée. On apprécie l'index des noms de personnes citées. En 1993 l’ouvrage "Le roi de guerre : essai de souveraineté dans la France du Grand siècle" de Joël Cornette avait montré comment Louis XIV utilisait la guerre afin d’aider à la sacralisation de son pouvoir (les sièges des villes donnaient tout le temps pour des mises en scène diverses), prenait l’exemple de la façon dont s’était déclenchée et avait été conduite la Guerre de Hollande (de 1672 à 1678) et certaines de leurs conséquences (coût humain qui ne se solde pas qu’en soldats, naissance d’une opinion publique européenne scandalisée par les horreurs perpétrées …). Avec ces ouvrages de Joël Cornette et de John A. Lynn, on est bien loin de la vision apologétique sur Louis XIV d’historiens même universitaires, nés dans les Années folles comme François Bluche ou dans les années qui suivirent la Libération comme Jean-François Solnon.

L’ouvrage commence par faire le point sur le legs stratégique dû tant à Richelieu qu’à Mazarin, passe ensuite à l’erreur de perspective systématique de Louis XIV qui croit que ses appétits ne vont soulever que des conflits avec les petits états concernés par son projet d’annexion (ou d’ambition dynastique en Espagne) alors qu’à chaque fois c’est une large coalition qui se lève contre la France. En effet il est évident que c’est tout l’équilibre européen qui est alors remis en cause pour les grandes puissances de l’époque (Espagne, Autriche et Angleterre). « J'ai trop aimé la guerre... » furent les dernières paroles de Louis XIV. John A. Lynn nous aide à vérifier cette affirmation. Ceci est développé en s’intéressant à l’organisation des armées de terre et à la marine puis à l’ensemble des guerres pour la période où Louis XIV exerce réellement le pouvoir soit de la Guerre de Dévolution (1667-1668) contre l'Espagne à la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), aussi n’est pas évoquée la Guerre franco-espagnole commencée en 1635 et terminée par le Traité des Pyrénées en 1659 (Louis XIV est roi à moins de cinq ans en 1643). Au passage on apprend entre autre que même Vauban se désolait contre les ravages du Palatinat (comme la belle-sœur de Louis XIV, fille du comte palatin), que le mot "chenapan" est issu du terme "Schnapphahn" qui désignait des paysans allemands qui prirent les armes qu’ils purent afin de combattre les armées du Roi-Soleil qui brûlaient villes et villages de Rhénanie et que le Traité d’Utrecht s’inspire pour la première fois du principe du partage des eaux (pour la frontière des Alpes entre le royaume de France et la Savoie).

L’auteur insiste sur le fait que si en fin de règne les guerres sont longues c’est parce que les forces sont équilibrées et qu’il n’y a aucune innovation militaire qui permette de changer le rapport de force. Il est un peu dommage que John A. Lynn nous montre que le "coup d’œil américain" en matière de géographie ne concerne pas seulement les dirigeants des USA mais aussi des universitaires. Cette expression "coup d’œil américain" fort en usage au XIXe siècle (on en trouve trace dans un vaudeville "Un monsieur qui suit les femmes" joué pour la première fois en 1850 à Paris, signifie un regard perspicace. Durant les Trente glorieuses (19145-1974), il était employé de manière ironique pour dire que la personne ne s’encombrait pas des détails pour aller à l’essentiel, mais que pour une affaire de détail le projet risquerait d’échouer. Donc ici on lit qu’après la Guerre de Succession d’Espagne, « la France conservait ses frontières d’avant la guerre avec seulement des modifications mineures » (page 471. On aurait aimé que l’on nous dise que la France y avait perdu Tournai, Furnes, Dixmude et Ypres et que pour ce qui est de l’ensemble des colonies américaines de la France c’est une catastrophe (Acadie, partie des Antilles et Guyane). Certes Louis XIV à la fin de son règne avait réussi à imposer un Bourbon en Espagne, mais à deux prix une diminution des possessions espagnoles en Europe (entre autre des Pays-Bas espagnols qui deviennent autrichiens), une légère modification des frontières de la France et une saignée démographique très significative pour l’ensemble européen mais surtout une dette de l’état français de deux milliards et demi. Notre titre est une allusion à une chanson qui commence ainsi : «Mes amis, que reste-t-il ? À ce Dauphin si gentil ? » en lien avec le traité de Troyes signé en 1420.

Pour connaisseurs Quelques illustrations Plan thématique

Adam Craponne

Note globale :

Par - 752 avis déposés - lecteur régulier

50 critiques
09/12/14
Avis très intéressant. Je me passionne beaucoup, et de plus en plus, pour cette période, principalement les règnes de Louis XIII et Louis XIV. J'ai lu la biographie de Petitfils sur le "roi soleil", mais cela ne m'a pas convaincu. Il est trop "centriste" et tente de concilier les deux visions du règne (une négative et une positive). Ce type de schéma est peu adapté à l'histoire. Il y a du bon et du mauvais chez chacun et ce qui est mauvais pour un, est parfois bon pour un autre. Bref, Louis XIV a agit à la fois pour imposer la France au reste de l'Europe et aussi sa famille, les Bourbons, qui sont tout de même encore installés en Espagne. Il est regrettable que cette ambition personnelle est si peu prise en compte les sujets du royaumes et eut si peu de compassion pour la vie humaine. C'est une époque qui voulait ça aussi. L'attitude de l'Espagne en Italie, ou la politique économique de l'Angleterre encore plus, ne s’embarrassaient pas non plus de scrupules. Toutefois, je trouve très sain que des historiens et universitaires reviennent de plus en plus sur l'image du roi-soleil, sorte de héros intouchable. Lucien Bély, à sa manière, le fait aussi, notamment dans un de ses derniers ouvrages, "Les secrets de Louis XIV".
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