Avis de Adam Craponne : "Quel point commun entre Lénine et Louis XVI ? Tous les deux sont morts un 21 janvier, mais à 131 ans de distance"
L’auteur commence par évoquer l’importance de la mémoire reconstruite dans les informations dont disposent les Russes au sujet de leur Histoire. Tous les régimes successifs l’ont largement entretenue. Le travail de déconstruction a été quasi impossible à toutes les époques, ainsi en 2016 le directeur des Archives de la Fédération de Russie est forcé à la démission par le ministre de la Culture Medinski pour avoir remis en cause la vérité du sacrifice des hommes de Panfilov qui étaient présentés comme mourant devant Moscou en 1941 après avoir détruit dix-huit chars allemands (page 17). Actuellement le président Poutine peut un jour critiquer l’action de Lénine et peu après vanter l’action de Beria, aussi le discours est-il intense mais sans cohérence en ce XXIe siècle. On retiendra qu’Andreï Kozovoï rapporte, au sujet des multiples rectifications des points de vue sur l’Histoire russe par les dirigeants du pays, cette phrase plaisante ayant cours : « Le passé de la Russie est imprévisible » (page 20). Par ailleurs pas mal de Russes regrettent la période stalinienne face à la corruption de la société actuelle, l’idée étant qu’avec Staline il y avait de l’ordre dans la société et que cette prévarication n’existait pas au moins à ce niveau (page 24).
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Après cette intéressante introduction, l’auteur revisite l’action des dirigeants successifs de l’URSS de Khrouchtchev au deuxième et actuel temps de présidence de Poutine. Le récit est entrecoupé de longues citations de témoins de l’époque. Il s’agit de pointer tant l’évolution de l’URSS puis de la Russie du point de vue économique et social que de mettre en exergue les limites qu’ont toujours rencontrées les actions de réforme.
On relève à propos de l’installation de Poutine au pouvoir que « le tsarisme (légitimé par une immanence divine) et le communisme (légitimé par une immanence scientifique) ont à bien des égards nourri le poutinisme». La politique étrangère, est abordée en tant qu’elle est un instrument de persuasion de la grandeur du régime ou pour les répercussions qu’elle a dans le domaine intérieur. Dans ce domaine on notera qu’Andreï Kozovoï émet l’hypothèse qu’en remerciement pour sa lutte contre Daech, la Russie pourrait se voir reconnaître par Washington l’annexion de la Crimée (page 614). L’intervention de la Russie en Syrie inquiète nombre d’observateurs dans la mesure où en s’alliant aux chiites, la Russie peut entraîner un élargissement du conflit (page 606). Malgré la récession économique que connaît aujourd’hui la Russie, Poutine assure sa survie politique par la peur qu’il suscite à l’intérieur et à l’extérieur ; d’autre part la corruption actuelle semble mise par les Russes sur le dos plus d’une tradition ancestrale que sur le fonctionnement du régime actuel.
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