Avis de Ernest : "La guerre vue par un écrivain qui se fit reporter"
Globalement, l’intérêt est ici de voir comment réagit, à certains aspects du conflit, un intellectuel catholique nostalgique de la royauté. Cela permet de pointer combien il peut, certaines fois, être sensible à la propagande et manquer d’esprit critique par rapport à celle-ci. Ceci dit la reproduction, dans leur totalité, des textes de journaux français ou étrangers, que Bazin présente sans précaution, est d’un grand intérêt pour qui entend regarder attentivement leur contenu.
On voit aussi en quoi l’Union sacrée a ses limites, avec en particulier les attaques régulières de Bazin contre la franc-maçonnerie. Il voit un traître en puissance dans chaque frère trois points, évoquant pour l’illustrer le général Percin qui a abandonné, sans la défendre, la ville de Lille à la fin août 1914. Bazin l’ignore alors, mais il s’agissait d’un ordre envoyé par Messimy (un autre franc-maçon d'ailleurs) le ministre de la Guerre, remplacé le 30 août par Millerand (http://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1920_num_6_21_5351_t1_0059_0000_2). Messimy est d’ailleurs à l’origine de la légende sur la lâcheté des soldats du Midi.
Au passage, on arrive à relever que même au début de la guerre l’enthousiasme ne fut pas unanime, ainsi certains parents souhaitent à leur fils de se laisser faire prisonnier (page 101) et que partir à la guerre sans avoir rentré les moissons fut un drame (page18).
Georges Clemenceau, début septembre 1915, détourne ainsi la censure : les articles touchés par les ciseaux d'Anastasie sont découpés (dans la version non censurée) et envoyés par courrier séparé dans une enveloppe neutre aux abonnés. C’est un article reproduit page 208 qui nous l’apprend. Il s’agit du texte "Souveraineté" paru à la page 1 du Gaulois, sous la plume de Léon Jénouvrier sénateur catholique d’Ille-et-Vilaine. Ce n’est d’ailleurs pas le seul périodique à procéder ainsi, le journal L’École, des instituteurs syndicalistes pacifistes, fait de même. Ponctuellement, René Bazin parle de politique étrangère, rapportant que le cardinal Gasparri aurait soutenu l’idée de rendre la basilique Sainte-Sophie aux catholiques alors qu’elle était devenue mosquée au milieu du XVe siècle (page 132).
On apprécie beaucoup en fin d’ouvrage l’index des noms de personnes, les photographies de l’auteur et de certain nombre de membres de sa famille dont Nicolas René Bazin officier durant le conflit et futur écrivain ainsi que celles de pages manuscrites des cahiers de René Bazin.
On a aussi des reproductions pleine page de documents, parfois d’ailleurs pas le mieux placées chronologiquement (page 221), mais ayant un rapport très certain avec la géographie des lieux évoqués par rapport au récit, comme la photographie du moulin de la Caille le 13 août 1914 où fut stoppée la contre-offensive allemande en Alsace qui permit de fixer le front de façon quasi définitivement à une quinzaine de kilomètres au-delà de Belfort. En effet autour du 1er novembre, l’auteur est en particulier au centre de renseignements français de Réchésy (dans le Territoire de Belfort, alors appelé "Haut-Rhin resté français") non loin du kilomètre zéro du front situé à Pfetterhouse sur la frontière suisse.
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