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La mission militaire française au Hedjaz 1916-1920

La mission militaire française au Hedjaz  1916-1920
L’Harmattan 267 pages
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Avis de Adam Craponne : "Les Arabes avec nous et le chérif devant !"

Après que de Gaulle ait assez clairement fait comprendre qu’il était pour l’indépendance de l’Algérie, on vit dans certaines manifestations des pieds-noirs crier : « Les Arabes avec nous ! ». Toutefois durant la Première Guerre mondiale, à défaut d’utiliser ce slogan, Français et Anglais avaient en tête l’idée, avec d’ailleurs souvent une idée assez restrictive. En effet s’ils étaient bien tous globalement d’accord d’être avec les Arabes contre les Turcs, dans chaque camp certains entendaient être plutôt tout contre les Arabes et d’autres se voyaient comme des bornes face au nationalisme arabe.

T.E. Lawrence est très avare dans son récit des actions de la mission française auprès des chefs des tribus de la péninsule arabique même s’il parle avantageusement le capitaine Rosario Pisani avec qui il réalise un raid de destruction de l’axe ferroviaire Damas-Médine (page 9). Le colonel Édouard Brémond est le chef de la mission française au Hedjaz et on lui doit un ouvrage Le Hedjaz dans la Guerre mondiale paru en 1931 où il donne son opinion sur Révolte dans le désert du célèbre Anglais.  

Une réflexion personnelle au sujet du livre Le Hedjaz dans la Guerre mondiale. Si le colonel Brémond reproche à T.E. Lawrence de ne pas avoir joué franc-jeu, lui-même ne fait-il pas de même chose et n’est-il pas désavoué par son gouvernement ultérieurement ? Nommé administrateur en chef de la Cilicie en décembre 1918, il favorise la venue ou le retour d'Arméniens et il est partisan d’un ensemble territorial autonome sur la Cilicie. Il écrit au Haut Commissaire, le 31 janvier 1920 :

« Au point de vue du principe des nationalités les Turcs n'ont donc rien à faire en Cilicie, où ils sont des étrangers oppresseurs sans rapports avec la population : la seule chose en leur faveur est l'emploi de leur langue, qui tenait à la défense faite aux autochtones d'employer leur langue propre, défense qui était appuyée de procédés violents ».

En effet la partie la plus en phase avec l’actualité du XXIe siècle touche les questions de la Syrie, du Liban, de la Palestine et d’Israël.  Lawrence facilite la prise de contrôle du Liban et de la Syrie par les forces hachémites.

Tahar Abd el-Kader el-Djazaïri, petit-fils de l’émir Abd el-Kader (exilé en Syrie) qui avait mené une révolte en Algérie est assassiné par la police chérifienne en octobre 1918 car il était en faveur de l’influence française.  Ennemi juré de Lawrence, il lui avait déclaré : « nos ancêtres et nos proches parents ont combattu le colonialisme en Algérie et l’ont refusé, et ce n’est pas nous qui allons l’accepter ici, dans ce pays frère». Des officiers supérieurs anglais le demandant au quartier général d’Allenby, il s’y rend et est abattu à Damas peu de jours après l’arrivée des forces arabes dans la ville.

« La Grande-Bretagne est en fait empêtrée dans un faisceau complexe de promesses qui ne peuvent amener que des difficultés : comment concilier en effet les déclarations faites par McMahon au grand chérif Hussein, les "arrangements" avec les Français pour le partage du Proche-Orient et la déclaration Balfour qui promet aux sionistes un soutien politique pour le développement d’un foyer national juif en Palestine ? ». (page 187)

Lorsque Fayçal débarque en France en fin novembre 1918 pour assister à la conférence le paix (qui débouchera sur une série de traités) Lawrence s’impose à ses côtés mais les Français ne l’autorisent pas à dépasser Lyon.  Le colonel Brémond romancera en disant que, déguisé en Arabe, il ne devait plus être considéré comme un colonel anglais (page 190). Vers la mi-décembre, Fayçal se rend à Londres où il passe un gentle agreement avec le leader sioniste Chaïm Weizmann, futur président de l’état d’Israël (page 193). Toutefois à la Conférence de Paris, Lawrence est présent comme conseiller technique de la délégation britannique mais il se coiffe souvent symboliquement d’un keffieh. Fayçal repart après que le système des mandats ait été acté (il est entériné au Congrès de Sèvres d’août 1920) ; il aurait dû passer à Rome à l’aller plutôt qu’au retour pour une bénédiction…

Rentré au Proche-Orient, il voit son père en Arabie devant faire face aux hommes armés d’Ibn Séoud. Toutefois Fayçal revient en France et signe le 6 janvier 1920 un accord provisoire avec Clemenceau (sur un ensemble syrien multiconfessionnel) ; le Tigre démissionne douze jours plus tard car il n’a pas été élu président de la République et non parce qu’il a perdu les législatives qui ont eu lieu en novembre 1919 (erreur page 215). Le nouveau président du conseil Millerand ne se sent pas engagé par ce texte et entend diviser le territoire du mandat en plusieurs entités.  

Le père de Façal, le chérif Hussein, voit d’un mauvais œil l’indépendance d’un royaume syrien (proclamé le 9 mars 1920) car cela va à l’encontre de son idée d’être le chef d’une confédération d’états arabes. C’est ensuite l’affrontement entre les forces de Fayçal et les troupes françaises pendant environ un trimestre face à une population qui souvent n’a pas plus de sympathie pour les bédouins que pour les Français. La mission militaire au Hejaz réduite à sa plus simple expression ne survit pas à ce conflit. Fayçal quitte Damas après la défaite de ses  troupes à la Bataille de Khan Mayssaloun fin juillet 1920 et se retrouve roi d’Irak un an plus tard grâce en partie à Gertrude Bell et sur son conseil les Britanniques choisissent les sunnites pour gouverner le pays, voyant dans les chiites des fanatiques religieux.

En compagnie d'un caïmacam, le colonel Brémond, le colonel Cousse et le capitaine Pisani

Nous nous sommes attachés à résumer les deux derniers chapitres qui sont ceux qui demandent le plus d’effort de compréhension. Nous laissons découvrir les neuf autres qui content les exploits guerriers de la mission militaire  française  au Hedjaz, largement basés sur le sabotage. La décision de l’envoi de ce contingent de plus de 1 000 hommes (avec de nombreux indigènes algériens) a été prise par Aristide Briand (acteur principal de l’échec de Clemenceau à l’élection présidentielle) le 2 août 1916. On apprécie la petite vingtaine de photographies et on regrette l’absence de carte de géographie historique.

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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