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La longue marche des catholiques de Chine

La longue marche des catholiques de Chine
Artège336 pages
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Avis de Benjamin : "Le redoutable dragon ne l'emporte pas sur le serpent lové dans l'herbe (proverbe chinois)"

L'accord récent entre le Vatican et la Chine (dite autrefois populaire), visant à remédier à la division des catholiques chinois partagés entre une Église officielle étroitement contrôlée par le pouvoir et une Église clandestine, a été le prétexte à cet ouvrage. Le texte romano-chinois porte uniquement sur les nominations d’évêques. Ces deux Églises rassemblent, toutes les deux, une communauté estimée à une dizaine de millions de croyants, soit à peu près 0,8% à 1% de la population ; ce qui est bien moindre que le nombre total de protestants. La répression de tout culte considéré comme entretenant des liens avec l’étranger a été relancée en 2016 ; cela a entraîné entre autre la fermeture et parfois la destruction de nombreux lieux de culte catholiques et protestants.

Le contenu de cet accord ressemble un peu à celui signé par le Vietnam et le Vatican ; le principe en est que les prochains évêques seront nommés par le pape, mais dans une liste présentée par les autorités chinoises. Le pape François a levé les excommunications qui touchaient sept évêques chinois ordonnés sans l’accord de Rome et les a reconnus, l’inverse n’a pas été fait, à savoir que les évêques nommés par le Vatican, sans l’accord de Pékin, ne sont pas intégrés à leur rang au sein de l’Église dite "patriotique de Chine" ou "Association patriotique catholique chinoise".  

En s’appuyant sur l’avis du cardinal Zen Ze-kiun, né en 1932 à Shanghai, évêque coadjuteur puis évêque de Hong-Kong de 1996 à 2009, Yves Chiron a un regard critique sur le texte qui vient d’être signé. S’il faut rendre hommage à certaines déclarations du cardinal Zen Ze-kiun  comme : « Ceux qui disent qu'un prêtre doit s'en tenir à la prière n'ont rien compris à ce qu'est l'Église », faut-il pour autant condamner un accord qui vise à relâcher les pressions multiples sur les fidèles qui n’ont certainement pas tous une vocation de martyrs. En Pologne, la hiérarchie catholique avait passé des compromis qui prenaient parfois le goût de couleuvres à avaler. Il est clair que l’objectif de Pékin est, à plus ou moins long terme, que le Vatican ne reconnaisse plus le gouvernement de Taipei comme celui de la République de Chine. Quelles avancées sincères, sur le sort de tous les catholiques du continent, Xi Jinping est-il prêt à ordonner ? Quel formatage des catholiques entend-il faire réaliser par les évêques et prêtres chinois ? Xi Jinping entend siniser toutes les religions sur le territoire national selon cinq directions qui en fait consistent à recatéchiser les catholiques dans un esprit de louanges envers le rôle du Parti communiste chinois dans sa direction du pays (voir en particulier les pages 312 à 314).

Cependant cette question d’actualité n’est abordée que dans une toute dernière partie de  La longue marche des catholiques de Chine. En effet c’est l’ensemble des rapports que l’Église (nestoriens, en fait des chaldéens et syriaques compris) a entretenu avec l’Empire du milieu. Personnellement je pense que certains débuts du christianisme présentés ici relèvent plus de la Légende dorée que de l’histoire. Yves Chiron prend toutefois la peine de citer d’ailleurs Jean Charbonnier, prêtre sinologue des Missions étrangères, qui sans oser les réfuter catégoriquement, apporte une certaine dose de scepticisme sur certaines conclusions. Je parle des sculptures rupestres de Kong Wang Shan près du port de Lianyungang dans le Jiangsu, et on lira attentivement le contenu suivant https://fr.wikipedia.org/wiki/Frise_de_Dong_Wang_Jixiang. Par ailleurs, selon nous, les Sères (page 19) ne désignent pas les Chinois mais les habitants de la Sérique (plus tard la Sérinde), ce qui correspond en gros au bassin du Tarim, soit l’ancien Turkestan chinois (donc la province actuelle du Xinjiang). Un territoire qui certes servait à amener des objets en soie en Europe mais qui n’était alors pas le moins du monde sinisé dans les derniers siècles de l'Antiquité. Bref le contenu du premier chapitre est à prendre avec prudence.  

Une fois cette mise en garde avancée, on se réjouit de voir exposés divers points, de manière très pédagogique, assez approfondie et avec des idées sur lesquelles il n’y a rien à redire. Ce sont entre autre la complaisance des empereurs chinois de la dynastie mongole envers les envoyés du pape et un moine syriaque,  la présence des jésuites et son prolongement dans la Querelle des rites, les martyrs des années 1820  à 1850,  l’important effort de christianisation dans la seconde moitié du XIXe siècle (on parle parfois de "chrétiens du riz"), les conséquences désastreuses pour le catholicisme du mouvement des Boxers, la période du gouvernement de Tachang Kaï-check heureuse pour l’ensemble des chrétiens quoique les protestants soient l’objet de plus de sollicitudes par le régime mais plus qu’assombri par les malheurs dus à un conflit sino-japonais qui commence en 1937 mais c’est déjà traduit en 1932 par la création de l’état fantoche de Mandchourie qui a au moins l’avantage de faire revenir le pape sur la condamnation des rites liés au confucianisme (page 184). En parallèle et en prolongement, on sait que nationalistes et communistes s’affrontent  jusqu’en 1949. La seconde partie du XXe siècle amène des persécutions de façon redondante et l’acceptation ou le refus des catholiques de rentrer dans une Association patriotique catholique chinoise.   

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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