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Au chevet de la Turquie

Au chevet de la Turquie
Turquoise 191 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Donnez-moi 100 000 Bulgares et je reconquiers l’Alsace-Lorraine"

Notre titre parodie une formule de Napoléon sur les Cosaques et nous la prêtons au ministre français de la Guerre Millerand qui dit, lors de la Première Guerre balkanique, à peu près la même chose mais en moins spirituel et plus prudent vis-à-vis de l’Allemagne. À la page 31 de l’ouvrage Aux camps turco-arabes : Notes de guerre en Tripolitaine et en Cyrénaïque, Georges Rémond écrivait :

 « Si l’entreprise italienne en Tripolitaine a été l’origine de la Guerre des Balkans, quels orages celle-ci ne doit-elle pas nous faire pronostiquer ? Cent ans de politique de nationalités et de droit des peuples nous ont conduits à ce point que la moindre étincelle risque de mettre le feu à la terre entière » .  

En effet les conflits en Lybie et dans les Balkans sont liés ; les troupes serbes, bulgares, grecques et monténégrines attaquent la Turquie au moment où celle-ci fait face à l’Italie dans sa dernière possession d’Afrique du nord et aussi, nous signale Odile Moreau dans le préambule de l’ouvrage Au chevet de la Turquie, lorsque au Yémen un soulèvement avait éclaté. Deux ans plus tôt, ces pays avaient laissé réprimer la révolte albanaise car la Serbie, le Monténégro et la Grèce entendait bien s’emparer de territoires encore turques peuplés par des minorités ou majorités albanaises.

Toutefois en 1912 les Albanais se soulèvent à nouveau et les grandes puissances imposent à la Turquie des négociations pour la création d’un état albanais. Dans Au chevet de la Turquie, il est rapporté que le leader albanais Ismaïl Kemal bey se réjouissait des victoires d’un camp ou d’un autre, car il aurait vu, qu’en prolongement de ce désordre, on ne pouvait déboucher que sur une Albanie indépendante.  

L’auteur de ce dernier ouvrage Stéphane Lauzanne fut rédacteur en chef du journal Le Matin, qui est un des quatre grands quotidiens parisiens des années 1900 à 1940 ; en 1913, il tire à un million d’exemplaires. En 1897, il est repris par Maurice Bunau-Varilla qui va lui donner une orientation laïque puis dans les années 1930 droitière ; parmi ses caricaturistes de la Belle Époque, on relève les noms de Benjamin Rabier, de Maurice Radiguet (le père de Raymond, auteur du Diable au corps), Hansi et Tap. On sait, grâce à l’ouvrage Un paradoxe français: Antiraciste dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, que Stéphane Lauzanne était le fils adoptif du journaliste Henri Opper de Blowitz, juif d'origine tchèque, réfugié en France au milieu du XIXe siècle. Ce dernier, en 1878, parvint à publier avant tout le monde le texte du Traité de Berlin qui définissait de nouvelles frotières dans les Balkans.

Sur intervention de Maurice Bunau-Varilla, il sera fait "aryen d’honneur" afin de pouvoir continuer son travail de journaliste.  Stéphane Lauzanne est arrêté à la Libération comme on peut le voir dans cet extrait d’actualités http://museedelaresistanceenligne.org/media4600-Arrestations-de-collaborateurs-

Stéphane Lauzanne  part pour Istanbul, grâce à l’Orient-Express, dès le début du conflit avec en particulier Georges Rémond l’auteur de l’ouvrage Aux camps turco-arabes : Notes de guerre en Tripolitaine et en Cyrénaïque. Il y arrive le 18 octobre 1912, alors que la Première Guerre balkanique a débuté une semaine avant pour le Monténégro et la Turquie et un jour avant pour les trois autres pays concernés.  Il raconte comment lors de la bataille de Kirklisi (Kirk Kilissé), une attaque dans la nuit du 23 au 24 octobre se traduit par des échanges de coups de feu entre troupes turques et autres troupes ottomanes et se conclut par une débandade de toutes les forces relevant de La Porte.    

Se pose la question de l’attitude des autorités ottomanes envers les chrétiens sur son territoire et la France semble avoir joué un rôle pour les protéger. Entre Bulgares et Grecs, c’est la course pour Salonique, une cité alors très majoritairement peuplée de juifs. Stéphane Lauzanne   multiplie d’ailleurs le récit de remerciements à la République française venant de tous côtés ; par exemple les Bulgares auraient déclaré avoir gagné grâce aux canons du Creusot (page 114). De plus les Grecs au passage auraient souhaité que la France imite la Grèce dans sa revanche (page 109). Il pense voir une baisse de l’influence allemande dans les Balkans, suite à ce conflit. Juste deux ans plus tard la Turquie basculera dans le camp de celle-ci et la Bulgarie n’attendra que six mois de plus pour faire de même…La Grèce et l'Albanie se diviseront entre partisans de l'axe Berlin-Vienne et celui de Londre-Paris.  

En gris les ambitions bulgares, après la fin des Guerres balkaniques, expliquant son choix de 1915. Image absente de l'ouvrage.

On relèvera ce paragraphe qui annonce des malheurs pour les non-combattants ;

« Les populations civiles étaient centrales dans cette guerre des Balkans. Elles furent l'un des enjeux et parfois les otages de ce conflit. On peut parler de véritable catastrophe humanitaire, au vu du nombre de morts et de blessés s'élevant à près de 380 000, auxquels s'ajoute le considérable effectif d'exilés. Les populations civiles furent en effet contraintes à de multiples migrations provoquant des mouvements de populations complexes qui furent relatés notamment par les correspondants de guerre ».

On apprécie la très abondante illustration (cartes et images de l’époque), l’index des noms propres (de personnes et de lieux), une biographie des principaux acteurs (dont les militaires turcs présents dans la ville) et un glossaire (permettant de réaliser, entre autre chose, qu’un drogman n’est pas un dealer mais un interprète).

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Octave

Note globale :

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