Avis de Adam Craponne : "Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour"
"Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour" est un proverbe juif. Pour porter un toast, les Juifs prononcent un mot provenant de l’hébreu "lehaïm" qui est généralement traduit par "à la vie".Boris Czerny et Frédéric Brremaud sont des beaux-frères qui se sont unis pour adapter ou inventer des récits en rapport avec la culture juive russe et Giovanni Rigano a mis sous forme de BD un quart d’entre elles tandis qu'il propose un grand dessin au minimum pour chacune des autres (avec parfois un petit dessin d'un élément porteur de sens). L’ouvrage est paru dans la collection Petit Pierre & Ieiazel chez l’éditeur Clair de lune. Son graphisme est élégant et le choix des couleurs renvoient aussi bie au passé (avec des nuances proches du sépia) qu'à la dramatisation (le vert de la peur, le rouge de la honte).
Le livre évoque différentes périodes de l’histoire juive et entre autre on en trouve certains provenant d’un livre de contes hassidiques sur la Shoah collectés à l’origine par Yaffa Eliach, spécialiste américain de la destruction des Juifs d’Europe. Les récits sont présentés selon l’ordre chronologique et Boris Czerny qu’il a « désiré illustrer comment, à différentes périodes de son histoire, le peuple juif puisa en lui l’énergie nécessaire pour s’opposer à la violence» (pages 3-4). Ainsi les juifs espéraient en la toute puissance de la vie (lehaïm). Après des épisodes s’inspirant de la Bible, on passe à l’histoire du Golem à Prague puis viennent les nombreuses histoires en rapport avec les armées napoléoniennes, des histoires autour de la Shoah et on termine par de l'humour juif avec en particulier une histoire autour de Trotsky face à un fumeur dans un train.
On est surpris de trouver une douzaine d'histoires autour de la présence de Napoléon en Russie, ces histoires sont parues dans la presse juive russe en 1912 (pour le centenaire de l'invasion française), elles appartiennent à une tradition orale qui montre bien les bouleversements que sa venue a entraîné dans l'empire des tzars. Une des conséquences est l'accélération de la venue en ville d'une population de confession juive qui était jusqu'alors presqu'exclusivement dans des villages. Dans le domaine de la culture slave, on sait que la secte chrétienne russe des doukhobors, dont on trouve une trace écrite dès 1785, est née en Ukraine sud-orientale, puis a été déportée en Crimée puis en et autour de la Georgie. Persécutés pour en particulier le refus de porter les armes, ses membres partent en grand nombre au Canada. Une branche de cette église, les napoleonovi, adoraient Napoléon et prédisaient son retour en Russie pour la gouverner. Cette secte attendait donc Napoléon comme le Messie.
Des interventions pour présenter cet ouvrage, au contenu bien ancré globalement dans l'espièglerie, sont prévues en 2016 et 2017 au Musée d'Art du Judaïsme de Paris, à Bruxelles, Genève, Lausanne et dans les alliances françaises en Israël ainsi qu'à Saint-Pétersbourg. Boris Czerny est prêt à répondre à des invitations dans tous lieux culturels pour présenter l'ouvrage.
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
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