Avis de Octave : "Souvenez-vous du Lusitania !"
Ces dix dernières années sont parus, à la date du centenaire de sa disparition (le 7 mai 1915), neuf titres de fiction (dont un en jeunesse et une série de BD en trois tomes), très largement ignorés par Gérard Piouffre qui n’en cite que deux. Il était tant qu’un historien fasse le point sur le sujet car les titres en question avancent parfois que le gouvernement britannique a livré ce navire aux sous-marins allemands dans le but d’exploiter les réactions qui s’en suivraient ou que des espions allemands étant à son bord ont provoqué une seconde explosion.
Ce bateau fut lancé en 1906, avec les paquebots Mauretania et Aquitania il est le plus rapide, atteignant près de 50 km/h. Avec une vitesse maximale réduite à 21 nœuds soit 80% de ses possibilités (pour des raisons d’économie de charbon), il est autorisé à effectuer un voyage transatlantique par mois.
Le 1er mai 1915 il part de New York à destination de Liverpool, il est coulé par un sous-marin allemand au large de l’Irlande, le croiseur britannique qui était censé le protéger lors de son approche des îles britanniques a été retiré de cette zone déclarée en février 1915 d’attaque de tout navire allié par l'Allemagne. Ceci deux jours plus tôt, à l’initiative de l'amiral Fisher et le Premier lord de l’Amirauté à savoir Winston Churchill. L'ambassade impériale allemande aux USA avait averti les passagers désirant naviguer à bord du Lusitania de ne pas ignorer le danger de voir couler ce bateau. Soixante-pour cent des 2 165 personne à bord perdent la vie dans le naufrage, toutefois les journaux new-yorkais ne relaient pas l’information pour certaines raisons (page 98). Notre auteur ne l’écrit pas mais l’on sait que l’actrice française du muet Rita Jolivet est une des survivantes.
La presse et le gouvernement américain s’offusquent devant la mort de 128 des 159 Américains qui étaient à bord. Le gouvernement allemand a publié une déclaration dans laquelle il dit que le Lusitania a réalisé de la contrebande de munitions (ce qui est tout-à-fait exact) aussi l'Allemagne avait le droit de le détruire sans tenir compte des passagers à bord. Cette affaire, largement exploité par la propagande britannique, a préparé l'opinion publique américaine à l’entrée en guerre de leur pays le 6 Avril 1917. D’ailleurs, ajouterons-nous personnellement, des appels à l’enrôlement aux USA portaient ces simples mots : « Souvenez-vous du Lusitania ».
Gérard Piouffre explique pourquoi le croiseur Juno n’est pas au rendez-vous (page 186)et lève complètement l’idée d’un complot ourdi par Churchill afin de masquer la sanglante défaite subie par l’expédition des Dardanelles en ce début de printemps 1915. On aurait aimé savoir sur quelle base, l’auteur écrit qu’il y avait trois passagers clandestins allemands (page 136). En effet s’il y avait bien trois passagers clandestins découverts et enfermés en cellule, a-t-on une connaissance certaine de leur nationalité et peut-on penser que d’éventuels espions allemands se seraient glissés plutôt sous une fausse identité comme voyageurs enregistrés.
Les personnages cités font l’objet d’une présentation dans une annexe, on peut regretter que le contenu des biographies s’arrête à 1918, on gagnerait par exemple pour Franz von Papen attaché militaire à Washington au début du conflit à signaler qu’il aida Hitler à prendre le pouvoir. La bibliographie est copieuse car partant dans de nombreuses directions et confirme que l’auteur n’a travaillé sur aucun document d’archives. L’ouvrage est bien plus pour un lecteur qui ignore cet évènement que pour quelqu’un qui s’est intéressé déjà à la question car mis-à-part la réfutation de la thèse du complot il n’apporte pas grand-chose sur le dernier voyage de ce bateau. Par contre il donne de précieuses informations sur la construction, les premières années de navigation et les caractéristiques de ce navire. Pour la question "Un crime de guerre en 1915 ?", l'auteur explique que la vision de ceux qui vivent en 1915 n'est pas celle de ceux qui subissent la Seconde Guerre mondiale et ajouterons-nous de nos propres contemporains.
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