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Aller simple pour la Chine

Aller simple pour la Chine
CVRH 328 pages
1 critique de lecteur

Avis de Xirong : "Les catholiques en Chine: le retour"

Nous adopterons l'écriture phonétique du pinyin var depuis plus de cinquante ans elle s'est imposée à l'ensemble de la communauté internationale et il est regrettable que sur les cartes pages 154 et 155 on n'est pas proposé le pinyin en plus de la transcription EFEO. On pourra s’aider du contenu de cette page http://www.sinoptic.ch/langue/translit/systemes/pinyin_efeo.htm afin de trouver les équivalences.

L'ouvrage est sous-titré "Lettres de Placide Chaigneau, missionnaire vendéen né le 7 février 1865 et décédé en 1897 à Sulin, il est présenté en une quarantaine de pages par Jean Rousseau. Ce dernier a classé, annoté et illustré les quatre-vingt-onze lettres que le missionnaire Placide Chaigneau a adressé à ses parents. Voici une des lettres qu'il envoie le 10 juin 1895, juste après que le Japon se soit fait céder l'île de Taiwan :


«  Bien aimés parents,


Vous avez déjà dû apprendre par les journaux les malheurs qui sont venus fondre sur notre chère mission. Je m'empresse de vous écrire pour que vous vous tranquillisiez sur mon sort. Je suis en vie et bien en vie mais je suis comme Job, je n'ai plus rien sinon les habits que j'ai sur le corps. On n'en veut point à nos personnes. Nous avons jusqu'à présent vingt églises et presbytères complètement ruinés. Tous nos établissements de la capitale, même la nouvelle maison que je bâtissais, ont été anéantis le 29 mai. Le bon Dieu m'a sauvé providentiellement de la bagarre en permettant que je partisse lavant-veille pour me reposer quelques jours chez un confrère qui est à sept lieues de la ville. Je suis encore chez lui de ce temps. Son oratoire na rien eu malgré les mauvais bruits. Monseigneur notre évêque et deux confrères sont dans les prétoires de la ville. L'évêque de la mission voisine et quatre de ses confrères sont aussi au prétoire d'une petite ville.

N'allez pas croire qu'ils sont en prison. Ils se sont deux-mêmes réfugiés près des autorités. C'est le vice-roi de la province qui est l'auteur de tout mal . Il hait les chrétiens et les étrangers. La cause occasionnelle de tous ces maux a été les protestants. Ces anglicans ne se gênent pas assez avec les Chinois. Ils veulent agir comme ils feraient en Angleterre ou en Amérique. Donc, l'autre jour, jour de fête païenne, des gamins lançaient des prunes sur un ministre. Celui-ci de se fâcher et d'enfermer trois ou quatre gamins dans l'intérieur de son portail. On accuse tout de suite les protestants de tuer les enfants, etc, etc. Et puis en avant tout le monde à détruire les maisons ! La foule surexcitée et impunie allait le lendemain faire la même chose chez nous. Tous nos objets sont perdus. Monseigneur na même pu sauver son chapelet. Nous sommes de vrais Job et cependant nous sommes bien contents. Nos lettres le prouveraient car elles contiennent toutes le cri de : Vive la joie quand même ! Que voulez-vous, bien aimés parents, tout ça est encore moins terrible qu'un seul péché véniel. Le bon Dieu nous aime, c'est certain, et pas un cheveu de notre tête ne tombera sans sa permission . Donc, avoir peur de quoi ? On dit que les Chinois sont furieux de ce que la France ne les a pas aidés dans la guerre avec le Japon.


Ils se vengent sur nous. Qu'on dise après que les Chinois ne sont pas courageux ! Ils ont détruit dix maisons le même jour ! Ah ! s'il y avait eu seulement une vingtaine de soldats européens à les garder, les balles n'auraient blessé les agresseurs que dans le dos, soyez-en certains. Les protestants sont partis avec femmes et enfants sous escorte de cinq cents soldats, ce qui vous prouve encore une fois qu'on n'en veut pas à nos personnes. Soyez donc bien tranquilles et dormez sur les deux oreilles. Mais nous autres, nous ne partirons pas. Les Chinois pourront faire la différence entre les mercenaires et les vrais bergers des brebis du bon Dieu . Nous espérons des conversions plus nombreuses après cet orage passé. C'est l'habitude en pareilles circonstances, le bon Dieu sait tirer le bien du mal. Quand tout sera dans le calme complet, je vous écrirai plus au long. Nous n'avons plus rien à faire pour le moment, mes confrères et moi, quà prier le bon Dieu et la sainte Vierge. Je vous assure que nous chapelettons dru.


Vous ferez passer cette lettre à mon cher protecteur de Saint-Maurice. Lui ensuite la fera parvenir à M. Gaignet. Je ne puis écrire à tout le monde ; d'ailleurs j'ai une plume qui ne vaut rien, mais rien du tout. Faut pas que je fasse le fier puisque je n'ai plus rien. Livres, ornements, calice, habits, ustensiles, tout est devenu la proie de mes bons Chinois. Dites-le à mes amis et à tous ceux qui gardent encore le souvenir du pauvre missionnaire chinois. Je vous aime tous à tort et à travers. Priez pour nous. Malheureusement, on ne fait plus de martyrs en Chine. Nous arrangeons nos affaires par voie diplomatique. Le chargé d'affaires de la France à Pékin, M. Gérard, est un brave homme et dune grande énergie. Il sait déjà par télégraphe nos malheurs. Le vice-roi du Su-Tchuen n'emportera point celle-là en paradis.


Saluez pour moi tous les parents et amis et priez et faites prier pour moi et pour nous tous et nos chrétiens. Bon papa, bonne maman, ne vous désolez pas ; votre Placide vous embrasse bien fort.»

Placide Chaigneau a élève du petit séminaire des Sables-d'Olonne et du grand séminaire de Luçon, il resta au séminaire des Missions étrangères de 12 septembre 1884 à septembre 1887, et il partit le 2 novembre de cette même année pour le Sichuan occidental. Après un mois de voyage en bateau, il arrive à Hong-Kong ; depuis Shanghai il remonte le Fleuve bleu (ou Yangzi Jiang) jusqu'à Chengdu.

Il prend comme nom chinois Sha (沙) qui signifie "sable". Il sert dans des localités aux limites des provinces du Sichan et du Hebei, reconstruisant la chapelle de Jiongzhou (Kiong tcheou en EFEO). En conséquence Mgr Dunand le choisit comme nomma, architecte de la mission. On lui doit de ce fait la réalisation d' un hôpital et d'une église.

C'est une période où la Chine s'ouvre encore timidement à l'Occident et elle s'est vue imposée d'accepter sur son sol les missions étrangères, on est quelques années avant la Révolte des Boxers toutefois l'hostilité envers les "diables d'étrangers" est déjà sensible. L'intérêt de l'ouvrage tient non seulement dans le rappel de l'implantation catholique depuis le XVIe siècle (avec François Xavier) et la description d'une Chine encore imprégnée de nombreuses coutumes (dont les pieds bandés et la cangue) mais aussi par sa très riche iconographie qui arrive toujours juste à propos en complément des courriers.

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations

Xirong

Note globale :

Par - 598 avis déposés - lecteur régulier

734 critiques
28/09/18
Une mémoire ambiguë en Chine : le "Massacre de Tianjin" en 1870
https://asialyst.com/fr/2017/10/26/chine-memoire-ambigue-massacre-tianjin-1870/
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