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Comprendre la guerre

Comprendre la guerre
Economica 400 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Un militaire, c’est comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va … certes tous les militaires ont le droit de penser, mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser (Alain Juppé)"

Au propos du maire de Bordeaux, le général Vincent Desportes  a répondu :

« La première loyauté d’un militaire au service permanent de la nation, de ses intérêts et de ses valeurs, est envers la France. Structuré par l’éthique de conviction, il doit prendre la parole pour lui rester fidèle, plutôt que la renier ».

Certains ajouteraient d’ailleurs, que pour les hommes politiques de notre époque le droit de penser ne se pose pas puisqu’ils gèrent à la petite semaine et en fonction de l’intérêt d’un clan. L’ouvrage date de l’année 2000 pour sa première édition et l’auteur, pour cette réédition de 2017, a rajouté un avant-propos. Le général Vincent Desportes est codirecteur avec Jean-Francois Phelizon de la collection Stratégies & doctrines aux éditions Economica, et de fait il a permis à de nombreux officiers d’exprimer leur opinion sur l’évolution des conflits. Il a rappelé le rôle du militaire au sein de la nation et l’importance de son expression publique dans ses domaines d'expertise, ce que les pouvoirs politiques en général (sic) ont du mal à supporter voyant, dans certains des propos mis sur la place publique, une critique de leur action.

Le livre ouvre sur une citation de Louis XV, le soir de ma bataille de Fontenoy, qui était sûrement inconnue par Joffre et Nivelle, à savoir : 

« Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes ; la vraie victoire, c’est de l’épargner ».

Dans son introduction, l’auteur annonce que c’est sur Clausewitz et Jomini qu’il va s’appuyer dans sa réflexion. On ne s’étonnera pas de voir ultérieurement évoqué en particulier les pensées de Sun Tzu (Sūnzǐ) et celle de Lidell Hart (promoteur de l’utilisation intensive du char d’assaut et de l'approche stratégique indirecte). 

« Clausewitz, le philosophe, cherche à saisir l’essentiel des choses ; il écrit pour lui-même sans autre but que de parvenir à une haute compréhension de ce qu’il a vécu. (…) Jomini, au contraire, écrit pour être publié et veut être publié pour impressionner » (page 8).

« C’est l’idée majeure de Clausewitz, la subordination du militaire au politique, qui constitue le thème de la première partie de cet ouvrage : après l’analyse de cette thèse essentielle, elle en étudie les conséquences, difficultés et ambiguïtés, dans les différentes dimensions de la guerre. La seconde partie, plus brève, est consacrée au remarquable outil de compréhension que nous offre le général prussien avec son idée d’analyse trinitaire : peuple, armée, gouvernement. Plus concrète, la troisième partie part de quelques grznds concepts clausewitziens – brouillard, friction, centre de gravité – »  (page 10).

Non seulement l’ouvrage est porteur de pistes théoriques mais en plus il revisite nombre d’aspects des deux guerres mondiales et de conflits relevant de la Guerre froide ou d’une période très proche (Afghanistan et Guerre du Golfe par exemple). Pour certains sujets, il revient sur des idées qui ont généralement cours, ainsi selon lui l’armée nationale ne date pas de la Révolution française mais est  contemporaine du Grand siècle puisque c’est le roi de Suède Gustave Adolphe, mort en 1632, qui la porte. L’auteur fait remarquer qu’elle fut d’ailleurs financée par Richelieu et nous ajouterons que Gustave Horn, un des généraux suédois, envahit et ravagea l’Alsace en 1632, préparant indirectement par là le rattachement de cette dernière à la France.    

La première partie de l’ouvrage insiste sur la nature politique de la guerre mais avance que les militaires arrivent parfois à imposer leurs vues aux hommes d’État pour le plus grand malheur du pays. Le plus bel exemple est le cas de l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale. Toutefois on a aussi l’exemple où le dirigeant du pays décide de maintenir pour des raisons de prestige ses forces armées alors que leur sort est joué à l’avance. Ainsi Hitler sacrifie-t-il tous les membres de l’Afrikakorps et les meilleurs soldats italiens en Tunisie alors qu’en repliant tous ces hommes  (plus de plus de 250 000 Allemands et Italiens  sont alors faits prisonniers de guerre), la défense de la Sicile gagnait sérieusement en force. Il montre également que les enseignements, tirés de la Première Guerre mondiale, sont très différents chez les Français, les Anglais, les Allemands, les Américains et les Russes. Il précise de façon lumineuse un certain nombre de notions. On retiendra que le général Vincent Desportes enrichit les pensées de Clausewitz et Jomini en posant que :

«  Si la stratégie militaire recherche la réalisation des fins politiques par la mise en œuvre victorieuse de la force armée, si la tactique vise au gain des batailles et des engagements, l’art opératif s’occupe du succès des campagnes ; il construit le contexte de la décision tactique » (page 126).

La deuxième partie est de loin la plus courte, elle étudie les liens qui existent entre le peuple, le gouvernement et l’armée. Le troisième volet s’intitule "Repères clausewitziens" et il souligne que toute guerre a une forte dimension psychologique ou que le renseignement est un outil indispensable. Par ailleurs, il explicite des concepts telles que les alternatives "défensif/ offensif" ou  "approche directe/approche indirecte". On relève l’idée du centre du gravité de l’ennemi, à savoir ce qu’il faut détruire pour que le reste s’écroule. Lors des guerres puniques, Carthage tente de casser les alliances que Rome a passé avec des alliés alors que la cité de Romulus et Rémus il s’agit de pendre la ville de Carthage. Napoléon cherchait toujours une bataille décisive pour amener l’ennemi à reddition, or les Russes la lui refusent et les Espagnols développent la guérilla qui interdit toute rencontre armée qui permettrait la destruction de l'ensemble des combattants hispaniques.

Dans la conclusion l’auteur note qu’il y a quatre écueils rencontrés dans la compréhension d’une guerre particulière : le prisme déformant de sa propre culture, l’idée que tout est nouveau, l’obsession technologique et ne miser que sur le succès tactique (surtout lorsque la stratégie est mauvaise).      

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Octave

Note globale :

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