Avis de Grégoire : "sa vie, son oeuvre ... mais surtout sa vie"
Biographie de Jean-Baptiste-Henri Lacordaire, prêtre du début du XIXème siècle ayant connu un succès notable dans ses prêches en plein contexte post-révolutionnaire. L’Eglise est alors affaiblie par ses conflits internes (“assermentés” contre réfractaires, libéraux contre royalistes, etc) et extérieurs (main-mise du pouvoir royaliste sur la nomination de la hiérarchie cléricale, interdication des ordres religieux, etc).
Ce contexte fait l’objet d’un premier chapitre très utile et très concis.
La suite est un ensemble de témoignages sur les faits et idées de Lacordaire, dont un grand nombre provient de ses propres mémoires.
D’abord destiné à être avocat, Lacordaire se découvre vite une vocation mais semble peu épanoui par le séminaire et par les premières années de sa prêtrise. C’est en rencontrant Lamennais qu’il se lance dans le journalisme, avec la publication en 1830 de “L’avenir” dans laquelle les deux hommes, accompagnés encore par Montalembert, développent leurs idées libérales et pro-romaines. Leurs principaux combats sont la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ayant pour ambition que l’Eglise s’affranchisse des directives étatiques et gagne une véritable indépendance, et la liberté de la presse (pour laquelle le Pape Grégoire XVI émettra des doutes, et qui sera l’un des désaccords opposants Lamennais et Lacordaire). Les critiques violentes de l’Eglise dans son mode de fonctionnement en France leur attirent de nombreux ennemis.
Après un premier voyage à Rome, l’équipe se dissout et “l’avenir” disparaît. Lacordaire se consacre à des prêches en public, d’abord au lycée Stanislas puis à Notre-Dame de Paris.
Ces conférence seront un succès, grâce aux talents d’orateur de Lacordaire et à la vigueur de ses propos. Il fusionne l’idée de société organisée et humaine, proche des idéaux révolutionnaires, avec la foi chrétienne qu’il juge indispensable au développement de la nation. Dans un contexte de méfiance extrême envers la religion, il prêche au contraire un renforcement des libertés et de droits civiques au nom du christianisme.
En 1837, le nouveau combat de Lacordaire consiste à rétablir en France l’ordre des dominicains. Il se rend pour cela à Rome, où il effectue son noviciat puis revient en habit monastique, bravant ainsi la loi et allant même jusqu’à se faire élire député. Il fondera, avec quelques poignées de compagnons, les premiers monastères dominicains en France depuis un demi-siècle.
Ce personnage fascinant sut conjuguer les idéaux du XIXe siècle avec une réflexion théologique approfondie. Romantique aussi cultivé que brillant, il est sans doute à placer dans les figures du “génie du christianisme” écrit trente ans plus tôt par Chateaubriand.
Ses idées sur l’indépendance de l’Eglise, sur la construction d’une Nation reposant sur la foi chrétienne, sur les libertés à conquérir au nom même des religions, n’est pas sans rappeler les polémiques de notre époque. Son combat pour le rétablissement d’une foi participant pleinement à la construction de l’Etat, et ses polémiques sur les rapports entre politique et religieux, trouveront sans doute un écho dans le monde d’aujourd’hui.
On pourra regretter que l’ouvrage se consacre presque exclusivement à la vie de Lacordaire, au détriment de son oeuvre. On trouvera néanmoins quelques éléments de sa réflexion, notamment en fin d’ouvrage, où sont donnés quelques extraits des deux écrits de Lacordaire, portant sur la vie de St Dominique d’une part, sur Marie-Madeleine (“leg du Christ à la France”) d’autre part.
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