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Idées reçues sur Marie-Antoinette

Idées reçues sur Marie-Antoinette
Le Cavalier Bleu127 pages
1 critique de lecteur

Avis de Georgia : "Les apparences sont souvent trompeuses"

Pauvre petite fille riche ! Il reste gravé dans nos mémoires sélectives l'image d'épinal d'une Marie-Antoinette frivole, dépensière et si éloignée des malheurs du peuple dont elle est la Reine. La dernière que notre société ait connue, la seule que l'on ait détestée si fort au point de vouloir la faire mourir. Mais qui était-elle vraiment et que représente-t-elle aujourd'hui dans notre époque moderne ? Une étrangère, soucieuse de paraître, excitée à l'idée de lancer des modes en compagnie de Rose Bertin, sa modeliste ? Une mère aimante et moderne, préoccupée de la santé de ses enfants, adaptant son emploi du temps pour eux, rompant le schéma des reines peu soucieuses de leur progéniture puisque l'étiquette l'ordonne et que le taux de mort infantile décourage de les aimer tôt ? Une bonne amie, une délicieuse personne, bonne et douce ou une femme courroucée par les prières de son peuple qui meurt de faim et de liberté ? Une traîtresse qui n'a pas hésité à transmettre des plans de bataille à notre ennemi, l'Autriche avec qui nous étions en guerre ? Ou une femme tout simplement, aimant la vie et haïssant les contraintes, ouvrant en ce dix huitième siècle la voie au féminisme ? Pourquoi Marie-Antoinette est-elle si présente dans notre imaginaire et notre vie culturelle ? L'ouvrage de Cécile Berly nous amène au-delà de ce portrait de Reine à nous questionner sur ce que nous autres femmes avons su puiser dans sa terrible trajectoire.

Pour ce faire, l'historienne a dû dépoussiérer au vu de documents et d'archives le mythe de celle qui fut nommée « l'Autrichienne ». L'intérêt premier des Idées reçues sur Marie-Antoinette écrit par Cécile Berly, spécialiste du Dix-Huitième Siècle, est de battre en brêche les certitudes selon lesquelles Marie-Antoinette fut une femme égoïste, une mauvaise mère, le cœur dur et l'esprit pauvre, indifférente à son peuple et le plus grave, trahissant sans vergogne la patrie française qui avait bien voulu l'accueillir. En somme, une méchante Reine qui mérita bien son tragique destin.

Pour que l'on comprenne mieux, l'historienne Cécile Berly passe en revue les cinq périodes de la vie de la dernière Reine de France que l'on peut résumer en cinq suites de mots : l'archiduchesse Antoine, l'Autrichienne, Madame Déficit, Madame Véto et enfin, la veuve Capet.

Après l'affaire du collier de la Reine, Marie-Antoinette a essayé de réparer son image de mauvaise reine car elle en souffre. Mais pour le peuple français, elle n'est plus l'Autrichienne, elle est devenue Madame Déficit . On ne lui pardonne ni ses dépenses pour embellir le Petit Trianon que Louis XVI lui a offert, ni la construction du petit hameau situé dans le domaine de Versailles où elle a l'outrecuidance de se décharger de son rôle de Reine en jouant les bergères. Le peuple se sent insulté. La misère ne se cache pas derrière des murs lambrissés et des parterres de marbre. Le lait tiré ne se boit pas dans des services à porcelaine achetés et importés à prix d'or. La saleté ne se voit pas, la faim n'est pas présente dans ce décor faussement champêtre où l'on peut souper à satiété et se reposer. Le mot repos a été banni de la conversation des miséreux depuis bien trop longtemps.

N'oublions pas qu'à cette époque, une Reine de France est un ventre, elle n'est pas une gravure de mode. Il fut un temps où la personne du Roi était sacrée mais la loi salique qui interdisait aux femmes de régner en France exclua Marie-Antoinette de cette protection-là. Elle n'était que la femme du Roi. S'en prendre à elle était facile puisque l'on ne pouvait invoquer le crime de lèse-majesté. Puis, n'ayant plus que sa condition humaine à dégrader, on chercha à l'humilier par tous les moyens et là-dessus, son procès fabriqué de toutes pièces en fut un vibrant exemple. Il ne restait plus dés lors, qu'à l'exécuter. Car on ne décapite pas une monarchie, mais une citoyenne, la veuve Capet.

L'histoire en a fait une victime de la Révolution. Mais Cécile Berly voit en elle un éternel symbole d'une société qui peina à accepter la libération de la condition féminine. Une femme de son époque et marchant allégrement sur les siècles à venir. Celle qui fut la dernière Reine de France meurt à trente-huit ans après bien des souffrances le 16 octobre 1793. Elle restera à jamais dans nos mémoires. L'aurait-elle été si elle n'avait pas eu la tête tranchée ?

Je recommande la lecture de cet excellent ouvrage qui se lit très facilement, écrit dans un style limpide et agréable mais sobre aussi comme toute écriture d'historien qui se respecte et qui s'interroge sur le sens que l'on donne aujourd'hui à l'Histoire.

 

 

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Georgia

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Par - 46 avis déposés - lectrice régulière

734 critiques
20/08/17
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