Avis de Zaynab : "Est-ce que ma vie sera mieux une fois qu'j'aurais mon certif'?"
Saint-Rémy-sur-Vergogne est un lieu fictif du département de la Mayenne, mais c’est une commune bien située dans la géographie locale puisqu’on la donne comme appartenant au canton de Villaines. La situation de Villaines-la-Juhel correspond bien à ce qui est dit dans le roman, on est non loin du passage de la nationale 12 et quasiment au carrefour de la Mayenne, la Sarthe et l’Orne.
On est en 1956 où la fin des vacances d’été est encore fixée fin septembre et la rentrée a dû se faire le lundi 1er octobre, et non vers le 8 octobre comme laisse l’entendre le livre. Certes l’erreur est bénigne, mais cet ouvrage ne doit-il pas faire approcher le mieux possible ce qu’était une année scolaire précise durant les Trente Glorieuses dans une école de campagne. Rien à dire que de positif par ailleurs de rappeler que la rentrée des vacances de Pâques se faisait au lundi de Quasimodo, même si le lecteur d’aujourd’hui devra la plupart du temps consulter wikipédia pour comprendre. L’ouvrage fait d’ailleurs penser au Chemin de plaine d’Ernest Pérochon dans ce cas c’est là à la Belle Époque la première année scolaire comme enseignant que vit le héros ; l’auteur puisant en très grande partie dans son vécu personnel.
On retrouve dans les deux ouvrages la dimension sentimentale, mais si elle est dramatique avec l’auteur poitevin, elle est très attendrissante chez Gérard Nedellec. Le mot d’enfant est présent aussi ponctuellement dans les deux ouvrages, ici avec Le candidat au certif :
«- Hier, j’ai vu un chevaux !
- Fais donc attention ! Rappelle-toi ce que j’ai dit : on dit chevaux quand le cheval n’est pas seul. Tu comprends ?
- Ben oui… Il n’était pas seul, puisqu’il, pisqu’y avait un bonhomme dessus ! » (page 115)
S’ajoute dans le domaine des élèves, l’idée fort en vogue à l’époque d’élève surdoué (on parle aujourd’hui d’enfant précoce) mais qui tend vers l’anachronisme en laissant croire à l’intervention d’un psychologue scolaire car à cette époque en province il n’y en avait quasiment aucun. Est encore plus gênante l’histoire du crucifix, que l’auteur se soit laissé berné par un "pieux mensonge" du curé et du maire dans le milieu des années 1950 est une chose, qu’il l’impose à ses lecteurs en est une autre, d’autant qu’il rajoute une bonne couche de contre-informations aux faits par méconnaissance. Non, on n’a pas oublié même dans un village perdu du Maine de décrocher un crucifix en 1905, à la Belle Époque les inspecteurs primaires à la demande des préfets y veillent et on peut se reporter à l’ouvrage de Joseph Pinard Chapitres d’histoire de l’école en Franche-Comté afin de voir comment dans le Doubs la question fut d’autant plus brûlante que dans les campagnes l’école privée était presque inexistante. C’est sous le gouvernement de Vichy que sont remis les crucifix et de plus il est certain que cette question n’en serait pas restée à l’échelon local dans les années 1950 et serait remontée jusqu’au Conseil départemental de l’éducation, comme nous l’avons pu voir de nous-mêmes dans les archives départementales du Territoire de Belfort pour le village de Buc. Par ailleurs page 84 dire (pour un livre de souvenirs sorti en 2015) que le crucifix est certainement encore dans la classe c’est complètement ignorer que la Loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises de 2004 est passée par là. Le dernier crucifix, présent depuis 1942 (et pas depuis le XIXe siècle) en département non-concordataire, a été retiré avant la rentrée des classes de 2004 dans un village du Doubs appelé Maisons-du-Bois-Liévremont.
Il est dommage que cet ouvrage souffre à la marge des quelques inexactitudes que nous avons révélées. En effet sont bien pointées dans "Le candidat au certif" le chant du cygne de l’école rurale et l’appel assez important dans les années cinquante et soixante à des titulaires du baccalauréat, n’étant pas passé par l’École normale, pour assurer pendant quelques années (avant d’être titularisés et recevoir une année et non deux de formation) l'encadrement des élèves du primaire. Au sein de cette école à la campagne, l’obtention du certificat d’études (auquel on ne présentait pas tous les élèves en âge d’être candidats, comme cela est rappelé pertinemment page 193) est autant objet de fierté non seulement pour celui qui est reçu mais pour toute sa famille que marque de l’entrée dans le monde des adultes. Les méthodes actives inspirées du mouvement Freinet se révèlent bien adaptées à l’univers dans lequel vivent les enfants et sont finalement appréciés par le maire et les parents :
« Quand vous sortiez en ce que vous appeliez la clase exploration, beaucoup n’y voyaient qu’une simple promenade et je peux vous le dire maintenant, quelques-uns sont venus me trouver en prédisant un fiasco au certificat. On connaît la suite… Loin d’être le fiasco annoncé, ce fut un triomphe ». (page 260)
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