Avis de Adam Craponne : "Mai 68 à la Révolution a posé un lapin et Marguerite Duras n’a pas parlé du petit Lupin"
L’auteur avait 19 ans en 1968 et a vécu les évènements en sympathie avec les étudiants de la FER (fédération des étudiants révolutionnaires) d’après ce que l’on devine puisque l’on nous dit qu’il a milité au sein de l’OCI (le courant lambertiste du trotskysme) autour de 1970.
Toutefois, dans cet ouvrage, il n’évoque pas les évènements de Mai 68 mais explique le contexte dans lequel il se produit. Il essaie aussi de voir quels prolongements ils ont pu avoir. En matière de mœurs le chemin est considérable et parfois sujet à des dérapages ; si l’auteur ne le cite pas l’ouvrage Journal d’un éducastreur montre combien en croyant laisser s’exprimer (on peut même dire encourager) le discours infantile sur la sexualité on aboutit à une attitude en rien éducatrice. Par contre Christian Faure donne une phrase de Daniel Cohn-Bendit à Apostrophes du 23 avril 1982 où ce dernier semble prôner la pédophilie (voir https://www.dailymotion.com/video/x9kq78) ce qu’il récuse (https://www.dailymotion.com/video/x9kq78).
L’auteur rappelle, en particulier à travers quelques slogans (pages 28-29) que toutes les institutions sont contestées non seulement l’appareil d’État mais aussi les organisations politiques et syndicales. Au passage signalons que Georges Marchais a assez fait de choses que certains jugent déplorables d’un certain point de vue pour que l’on évite de grossir le trait en reprenant des contre-vérités (page 29) ; même si C. Faure n’est qu’un professeur de lettres à l’origine (et pas d’histoire), il devrait savoir que Georges Marchais traite Daniel Cohn-Bendit d’"anarchiste allemand" et non de "juif allemand", c’est le journal Minute qui se charge d’écrire « Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand, se prend pour un nouveau Karl Marx ».
On apprécie les pages sur l’époque de la présidence Mitterrand ; on y voit comment le politiquement correct s’installe et la dérive des réformes sociales vers les réformes sociétales. Le care et l’antidiscriminatoire devenant les deux mamelles du Parti socialiste après son ralliement au libéralisme économique qu’il condamnait auparavant ; l’idée est de nous mais elle nous semble bien porter ce que l’auteur développe. On notera également que C. Faure évoque la question de la repentance (largement initiée par Jacques Chirac autour de Vichy) et page 89 la loi Gayssot qui réprime la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité porte en elle une possible atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de recherche historique. Plus loin (page 121) l’auteur parle de la concurrence victimaire, oubliant au passage de citer celle qui revendique la reconnaissance d’un génocide vendéen.
Marguerite Duras ne prend pas position sur l’affaire Lupin mais s'intéresse au cas du meurtre du petit Villemin (page 101) c’est-à-dire de l’Affaire Grégory. Même si C. Faure a plus lu de romans de Maurice Leblanc que de livres de Laurence Lacour, l’erreur est regrettable car il faut de bonnes bases culturelles pour la corriger de soi-même et que l’exemple sert dans l’argumentaire. L’auteur s’inquiète des conséquences de l’affaiblissement de l’autorité de l’État face à la délinquance liée aux affaires de drogue et au salafisme.
L’ouvrage se termine par une certaine apologie du christianisme, d’un auteur qui se repend peut-être d’avoir trop crié "À bas la calotte" dans les rangs d’une OCI connue pour son très fort anticléricalisme. On est surpris de la complaisance ou la méconnaissance (en particulier des courants intégristes catholiques et de certains mouvements religieux se réclamant du christianisme) par cette phrase, pour évoquer le XXIe siècle : « Le christianisme connaît un renouveau à la marge exempt de tout obscurantisme » (page 185).
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