Avis de Alexandre : "Marthe Richard ou la veuve qui clôt"
L’ouvrage "Marthe Richard l’aventurière des maisons closes" a eu une première édition en 2006. Marthe Richard est née en 1889 à Blâmont en Meurthe-et-Moselle, ses parent sont aussi lorrains et sa mère est de Repaix dont le maire est bien pendant quasiment trente ans le baron Adrien de Turckheim. Il est dommage que page 11 on nous le dise allemand d’origine alors que sa famille est installée en Alsace depuis le XVIIe siècle et compte en particulier deux maires de Strasbourg, l’un sous la Première République et l’autre sous la Monarchie de juillet.
C’est sûrement l’esprit rebelle de Marthe qui la conduit paradoxalement à tomber très jeune dans la prostitution ; à Nancy elle est sous la coupe d’un proxénète italien. Elle profite d’un voyage en Italie pour le quitter sur le chemin du retour alors qu’ils sont à Nice. À Paris elle se trouve en 1907 un bourgeois comme amant puis comme mari ; il s’agit d’Henri Richer. Elle passe une partie de la fin de la Belle Époque à Beaumont dans la Sarthe où Henri Richer possède un manoir jusqu’en 1911. Elle prend des cours de pilotage et se produit dans des meetings aériens selon l’auteure. Elle se voit refuser comme une dizaine d’autres Françaises de s’engager dans l’aviation; par rapport à la non-présence des femmes dans l’armée; la France est bien plus rigide à l'époque que les pays de religion orthodoxe par exemple.
Veuve de guerre en 1916, est introduite auprès des services d’espionnage français par un aviateur Jean Violan ; ce dernier est un Georgien, né Joseph Davrichewy. Compagnon de jeux de Staline, il est passé du service de l’anarchie à celui du Deuxième bureau (voir l’ouvrage biographique de sa descendante Kéthévane Davrichewy). En Espagne elle est la maîtresse de l’attaché naval allemand Hans von Krohn qui est le neveu du général Ludendorff. Après avoir dénoncé que les milliers de panneaux-réclames du bouillon Kub comme indiquant des objectifs à l’attention des troupes d’invasion, Léon Daudet fait preuve dans L’Action française de la même perspicacité à l’été 1917 en pointant que madame Richer est au service de l’espionnage allemand puisqu’elle vient d’avoir un accident de voiture en compagnie d’Hans von Krohn et Jean Violan. Il est vrai que Marthe a joué aux agents doubles mais pour gagner la confiance du Reich. Des confidences sous l’oreiller reçues par Marthe, le Deuxième Bureau ne tira jamais rien d’essentiel et celle-ci fut incapable de fournir des copies de documents écrits.
Cette image n'est pas dans le livre
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Marthe fait un autre mariage, cette fois avec un Anglais Thomas Crompton responsable en France de la Fondation Rockefeller. Les années qui suivent la publication des Mémoires de guerre secrète du commandant Ladoux et la projection du film Marthe Richard, espionne au service de la France (avec Edwidge Feuillère Erich von Stroheim), sont celles où le passé de Marthe est revisité par des journalistes. En tout cas elle doit, d’après notre auteure et à son neveu qui signe la postface, à ses propres actions durant la Grance Guerre (et non à son statut de veuve de Thomas Crompton comme il a été écrit) obtient le 17 janvier 1933 la Légion d’honneur (page 79). D’autres écrits disent que le fait d’avoir été la maîtresse d’Édouard Herriot explique cet honneur, Marthe Richard étant morte en 1982 son dossier de légion d'honneur n’est pas consultable en ligne.
Ses actions durant la Seconde Guerre mondiale sont nombreuses et semblent plus aller dans une collaboration avec les Allemands qu’avec un esprit de résistance (toutefois présent ponctuellement). Son rôle dans la fermeture des maisons closes permet à l’auteur d’évoquer largement le fonctionnement général de celles-ci et de s’attarder sur certaines très connues de la capitale. La vieillesse est un naufrage, a-t-on dit, et certains propos (en particulier raciste, d’ailleurs vraisemblablement en lien avec le fait que celle qui "faisait les Arabes" était considérée comme la plus basse dans l’échelle des prostituées) de Marthe dans le milieu et la fin des années des Trente glorieuses viennent le confirmer. C’est un livre, à la fois sans concession mais levant bien de médisances, que nous offre là Natacha Henry, les documents d’archives consultés et le nombre d’ouvrages et articles lus sont impressionnants et très bien digérés.
Pour connaisseurs Aucune illustration