Avis de Octave : "La Wallonie en première ligne dans la Grande Guerre à l’ouest"
Alors que les Flandres belges ou françaises sont déjà un lieu de mémoire autour de la Grande guerre pour les Anglais, ce livre va permettre à la Wallonie de le devenir sur le même sujet pour les Français. Dans « Sur les traces de 14-18 en Wallonie : La mémoire du patrimoine » de Daniel Conraads et Dominique Nahoé sont présentées de très nombreuses photographies des lieux à la mémoire des soldats français morts fin août 1914 autour de Rossignol : phare breton d’Auvelais, statue « La mélancolie » à Anloy, monument d’Éthe-Laclaireau, soldat colonial en forêt de Rossignol, calvaire breton à Maissin, Sisyphe et coq gaulois au Châtelet…
Toujours aux mêmes dates à Tournai deux régiments territoriaux vendéens défendent énergiquement la ville. En juin 1925 est inauguré un monument représentant un géant (œuvre du sculpteur belge Egide Rombaux, mesurant 3,5 mètres), par allusion au mot prétendument historique de Napoléon. Sur la pierre tombale, figurent les blasons des trois arrondissements d’où sont originaires les soldats tombés au combat: Fontenay-le-Comte, Les Sables-d’Olonne et La Roche-sur-Yon (pages 168-175). Dommage que le texte accompagnant fasse passer la Vendée pour une région (c’est un département). Par contre la Vendée militaire qui recoupe des portions de quatre départements est la zone de rébellion. Beaucoup des Vendéens qui tombèrent à Tournai descendaient d’ancêtres bleus. Les notables catholiques de l’Ouest de la France, ici avec la complicité des milieux belges croyants, s’annexent la gloire de tous à Tournai comme à Verdun (voir ce que l’on a dit sur la tranchée des baïonnettes), un petit regard critique là-dessus aurait été nécessaire surtout quand on consacre huit pages à la question.
L’autre prise de recul absente, et nettement moins pardonnable car elle concerne des Belges, et a du premier coup d’œil tous les aspects de la propagande ; elle porte sur le récit donné autour d’Yvonne Vieslet. Non elle n’est pas morte pour avoir donné sa couque (traduire son quatre-heures) à un soldat français. Ce récit est un mythe, elle fut en fait victime d’une balle perdue suite à un affolement d’un jeune soldat qui veut disperser un groupe de Marchiennois venu en cette mi-octobre 1918 narguer les soldats d’occupation.
Comme à la défunte Samaritaine, on trouve tout dans ce livre, mais parfois où on ne l’attend pas. Ainsi, alors qu’il très honnête de parler du mouvement irrédentiste belge, piloté par l’écrivain et homme politique Pierre Nothomb, l’encadré vraiment très intéressant tant par l’iconographie que par le commentaire (en signalant en particulier une conséquence positive de cette revendication territoriale pour les Hollandais catholiques) se retrouve page 230 dans la question de l’exode, alors qu’il a évidemment sa place dans la question des cantons de l’est. Rappelons que quelques villages des anciens Pays-Bas autrichiens furent donnés à la Prusse en 1815, quasiment tous revinrent à la Belgique en 1919 (à l’exception de Kronenburg et de quelques enclaves). Si en 1815 certains de ces villages étaient majoritairement francophones, après un siècle de présence administrative allemande le français n’était plus compris là que par une minorité d’habitants.
L’ouvrage ouvre d’ailleurs avec une illustration en format réel d’une page de BD (avec une action située en 1915) de Comès qui était originaire de cette petite région d’environ un millier de km2. Si l’on ne va pas reprocher à Sur les traces de 14-18 en Wallonie : la mémoire du patrimoine de ne pas avoir consacré un point sur la BD historique retraçant l’attaque et la présence germanique entre 1914 et 1918, on peut quand même demander à quoi correspond cette bibliographie sur la BD page 347. La majorité des albums cités n’ont pas une page d’action en Wallonie alors qu’existent de nombreux titres qu’heureusement les lecteurs habituels de ce site pourront retrouver.
Qui aime bien, châtie bien et si nos remarques relèvent de points de détails, nous pouvons dire que nous avons été extrêmement satisfait du contenu textuel, de l’iconographie et des choix très pertinents de mise en page qui permettent le mise en exergue de certains aspects significatifs (même s’ils sont parfois anecdotiques). Des pages repères ont également été habilement glissées, la 206e qui recense les personnalités venus combattre ou inspecter n’est pas la moins intéressante. S’y côtoient Hitler (à qui par ailleurs quelques pages bien conçues sont consacrées spécifiquement), Guillaume II, Churchill, Pétain, Poincaré, de Gaulle (une création mémorielle sera inaugurée en 2014 près du pont où il fut blessé), le Baron rouge, Charles Nungesser, Georges Guynemer, Dorgelès, Maurice Chevalier …