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La haine et le déni

La haine et le déni
Flammarion340 pages
1 critique de lecteur

Avis de Patricia : "Les murs gardent la mémoire ! (proverbe populaire russe)"

Ce livre, qui sort alors que l’on pointe l’entrée du conflit dans le dépassement de deux années, est sous-titré Avec les Ukrainiens et les Russes dans la guerre. Sa thèse intitulée, Médias et pouvoir politique en Russie pendant la transition : une difficile marche vers l'autonomie de la fin de l'URSS à la renaissance de la Russie, 1985-1994, avait été dirigée par Hélène Carrère d'Encausse. De plus elle avait reçu le Prix Albert Londres pour son ouvrage Chienne de guerre : une femme reporter en Tchétchénie. Dans son avant-propos, l’auteur dresse d’ailleurs des parallèles entre la guerre en Tchétchénie de 1999-2000 et la guerre actuelle en Ukraine. Elle consacre un chapitre à la façon dont on vit un puritanisme des mœurs, on perçoit aujourd’hui la tutelle russe et on ressent la guerre en Ukraine. Anne Nivat prend aussi le pouls de l’opinion en Crimée ,  dans l’enclave de Kalingrad (entre la Pologne et le Lituanie) ainsi que dans le Donbass et la Crimée :  elle rencontre des résidants originaires d’autres régions périphériques de la Russie (comme la Bouriatie) . Elle fait également mention de faits qu’elle avait observés dans les années 2000. Dans ce même avant-propos, Anne Nivat présente Poutine comme l’homme du ressentiment en développant les raisons pour lesquelles il porte en lui ce très fort sentiment. 

La question de la popularité de Zelensky, auprès des Ukrainiens, est esquissée. La puissance de l’artillerie lourde russe et la masse des soldats de Moscou est soulignée par les combattants de Kiev. On sait qu’est lancinante la demande des Ukrainiens d’équipements militaires permettant de contenir les troupes russes. Les militaires russes ont été dénommés "les orques" par référence aux êtres maléfiques chez J.R.R. Tolkien.

Notre auteure alterne les séjours en Ukraine et en Russie. Elle teste la popularité du conflit en Russie, ce dernier est perçu comme une guerre de civilisation et donc une réponse à la volonté de l’Occident de détruire la Russie. Les valeurs démocratiques ne sont pas portées par la masse de la population préoccupée par son niveau de vie.  Le nombre de familles russes partis à l’étranger est important et des parents envoient leur adolescent faire des études dans un pays européen pour qu’il échappe à tout risque de conscription.

Toutefois la société russe est morte de peur dans l’idée de manifester pour une cessation rapide des hostilités (vu la répression que subit toute opposition aux décisions de Poutine) et de plus beaucoup de Russes semble penser que cette guerre doit se terminer par la victoire de leur pays pour l’honneur national. On apprend incidemment que le pape François a crédulement ou sciemment resorti un pan de la propagande russe qui incombe aux Tchétchènes et Bouriates (les uns musulmans et les autres bouddhistes, donc non chrétiens) pour les quelques cruautés qui auraient pu être commises en Ukraine.

Vladimir Poutine se compare à Kaa le serpent du Livre de la jungle. Personne ne survit à con emprise mortelle et il ne craint pas d’être haï. Pour lui la puissance et l’avenir de la Russie repose sur la mémoire historique qu’il a construite. Fin 2016, non loin du Kremlin il a fait ériger une statue de Vladimir le grand qui régna sur une grande principauté centrée sur Kiev et se convertit au christianisme. Il a fait de cette Rous’ l’ancêtre de la Russie des premiers grands-ducs et  tsars alors qu’il y a une rupture temporelle et géographique de plusieurs siècles entre les deux états. Kiev n’appartient au tsar qu’à partir de 1667 et certaines régions de l’Ukraine ne tombent dans l’escarcelle de Moscou seulement qu’en 1945.  L’Ukraine et la Russie sont d’ailleurs les seuls pays issus de l’URSS, en possession de certaines régions qui n’ont jamais appartenu à l’empire des tsars, pour Moscou il s'agit de l'enclave de Kaliningrad. .

Le projet impérial russe actuel entend reprendre le contrôle de ce qui est son étranger proche, à savoir les autres républiques de l’ex-URSS. Certes il ne s’agit pas toujours d’annexion territoriale plus ou moins déguisée (comme en des régions de la Géorgie), une influence seule étant possible.  On retiendra cette phrase : « La moindre crise prolonge Vladimir Poutine autant qu’elle le menace » (page 327).

Anne Nivat explique, par la bouche, d’un de ses interlocuteurs ukrainiens, qu’en 1994 l’Ukraine, le Kazakhstan et l’Ukraine ont signé un accord pour rendre les armes nucléaires de l’ex-URSS encore sur leur sol en échange d’une garantie de leur frontière par la Russie, les USA et la Grande-Bretagne. La haine et le déni ouvre sur une carte allant en largeur de la Serbie à la Géorgie et en hauteur de la Lettonie à la Turquie d’Europe. Outre les capitales d’une douzaine de pays, on trouve une vingtaine de villes d’Ukraine ou de Russie et la ligne de front au 7 février 2024.

Pour tous publics Aucune illustration

Patricia

Note globale :

Par - 165 avis déposés - lectrice régulière

165 critiques
05/03/24
Ukraine Can No Longer Win https://www.realcleardefense.com/articles/2024/02/21/ukraine_can_no_longer_win_1013260.html
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