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Le temps des Italies XIIe-XIXe siècle

Le temps des Italies XIIe-XIXe siècle
Passés/Composés756 pages
1 critique de lecteur

Avis de François S.F. : "Composite"

Les ouvrages collectifs peuvent être des réussites éclatantes ou donner lieu à des échecs complets. On est ici à un autre niveau car l'on recherche plutôt la dimension de mise au point que celle de réponse globale ambitieuse assénant des certitudes et des vérités incontestables. Le propos se veut modeste tout en se situant à très bonne hauteur de vue.
Le livre, on s'en rend vite compte, n'est pas conçu sur un mode chronologique mais thématique tout en respectant dans chacun des chapitres l'ordre de succession des faits et événements en fonction du sujet traité.
Le problème numéro 1 qui se pose à tout historien qui aborde ce sujet est de se trouver confronté à des échelles assez variables et à une définition claire quant à ce que l'on entend par Italies au pluriel si l'on rapporte le terme à l'aire géographique que l'on nomme Italie aujourd'hui.
Les Grecs désignaient ainsi l'Italie méridionale et les Romains de l'époque antique (sous la République et l'Empire) appliquaient le nom à la totalité de la botte italienne (ainsi en alla-t-il avec Polybe). Il y eut par la suite, à partir des XIe et XIIe siècles et probablement bien avant, un morcellement en communes qui devaient agrandir progressivement leur territoire ou acquérir de nouvelles terres plus ou moins proches ou plus ou moins éloignées du centre. Elles se transformèrent, pour certaines, qui devaient avoir plus d'atouts et de dynamisme que d'autres, en cités-États, entre le XIIIe et le XVIe siècle, jusqu'à former de grands ensembles tenus soit par des princes soit par les représentants de familles très argentées qui prétendaient les égaler (comme ce fut le cas, par exemple, à Florence) : et c'est ainsi que de gros amalgames se constituèrent, l'un en Italie du Nord, un deuxième avec les États pontificaux en Italie Centrale et un troisième avec le royaume de Sicile, comprenant cette dernière, la région napolitaine, les Pouilles et la Calabre.
Sans doute, l'un des ciments de l'ensemble fut-il la langue, populaire comme littéraire, formée sur un même substrat où dominèrent, un peu artificiellement, mais assez logiquement, la langue toscane et plus spécifiquement florentine. Quant à la littérature, en laquelle poésie et prose rivalisèrent chacune en leurs territoires, elle devait inévitablement fleurir dans les grands pôles culturels florentins, romains, vénitiens et milanais en attendant que Naples s'ajoutât aux quatre premiers. C'est encore dans le creuset florentin qu'allait se fonder grâce aux nombreuses chroniques parvenues jusqu'à nous, l'histoire d'une Italie qui n'existait pas ou plus depuis l'Empire romain mais qui nourrissait les rêves de tous les écrivains, selon le modèle d'une construction étatique imitable sinon exemplaire comme pouvait l'être celle de Florence, comme si toute la péninsule pouvait se reconnaître en cette dernière, préfigurant une Italie unifiée déjà en germe dans ce laboratoire mais occultant quelque peu les particularités des autres entités. Retenons au passage cette belle et heureuse formule de Caroline Callard : "L'Italie comme virtualité apolitique de l'Histoire" (chapitre V, page 110). Plus évidente est cependant la place des arts - et notamment de la peinture et de la sculpture avant que la musique ne supplante les deux premières dans la construction d'un imaginaire commun et dans la formation de l'identité italienne : de l'orgueil pouvait légitimement naître de ces réalisations ambitieuses et géniales enviées par le reste de la Chrétienté et qui, de Milan à Naples, devaient à jamais marquer l'histoire de l'art, du XIVe au XVIIe siècle. Courants et écoles, maîtres et disciples furent à l'œuvre dans un projet où l'éclat le disputait à la volonté d'en imposer à tous, désir qui était aussi le reflet d'une réussite économique de villes qui se pensaient comme des États à part entière, mais où se faisait déjà sentir le déclin des familles princières et patriciennes, commanditaires des œuvres, où les crises se multipliaient avec les poussées invasives françaises, espagnoles et autrichiennes (entre autres), mais où tout esprit d'entreprise ne fut cependant pas absent, ne serait-ce que par la montée sans cesse confirmée et reconfirmée de la bourgeoisie, le développement et la créativité d'un artisanat de haute qualité et un essor industriel progressif, qui allait en partie dangereusement menacer le petit et le moyen entreprenariat familial et local.

Parallèlement, la diffusion des idées avec la multiplication des périodiques et des gazettes, principalement dans l'Italie septentrionale et centrale, prépara les esprits à la réalisation d'un espoir que l'on ne croyait plus vain, celui que l'esprit d'unité des Italiens l'emportât finalement sur les particularismes et les divisions territoriales dont profitaient les puissances extérieures. Mais avant que de parler d'État ou d'État-Nation, notions que ne connaissaient que certains courants intellectuels, philosophiques ou politiques, c'est d'esprit communautaire et collectif que l'on entretint les Italiens. Ceux-ci, du moins pour les meilleurs d'entre eux, avaient d'ailleurs d'autres atouts : ils avaient su, mieux que d'autres, développer la culture diplomatique, aussi bien pour dialoguer entre eux, que pour échanger et négocier avec les États extérieurs et pour s'adresser plus largement à leurs interlocuteurs de l'autre bout du monde. Au XVIIIe siècle, la succession des réformes adoptées et la refonte des lois, décidées au niveau le plus élevé des pouvoirs politique et juridique, furent le fait de gens qui songeaient davantage à consolider l'assise des dirigeants en place bien plus que de réels tenants de la philosophie des Lumières. Mais ce pouvoir, même repensé, allait finalement leur échapper et se concentrer entre d'autres mains au siècle suivant. L'Italie servait encore à ce moment de terrain de jeu et d'exercice pour des puissances étrangères, et si l'on songeait de plus en plus à réduire l'influence de ces dernières ou à se servir de l'une contre l'autre, on se dit qu'il valait mieux d'abord commencer par rogner le pouvoir de l'Église sur les principautés, sur les individus et sur les consciences, car elle semblait le principal garant d'un conservatisme qui pouvait être un frein aux bouleversements politiques attendus par un nombre de plus en plus grand de partisans de l'indépendance et de la réunification italienne dans un esprit national. On voit que le coup d'œil jeté sur la période ici considérée avait son intérêt et son importance.

François Sarindar


coup de coeur !

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Note globale :

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